LOCF - Last Observation Carried Forward
Traduction
Extrapolation à partir des dernières données. On rencontre parfois le terme "report prospectif des dernières observations"
Définition
Cette méthode, dont l'usage a commencé au début des années 2000, est une méthode de correction des statistiques notamment médico-épidémiologiques (comme par exemple les études sur l'efficacité de produits pharmaceutiques).
Le problème posé est celui des données manquantes, par exemple lorsqu'un nombre significatif de personnes, pour diverses raisons, "sortent" d'une étude avant son terme. Par exemple, pour une étude à 6 mois, cessent de répondre au bout de 3 mois.
Par défaut de méthode de correction statistique, l'analyste ne va pas inclure ces personnes dans ses résultats, puisqu'il n'y a pas de résultat à 6 mois.
En matière pharmacologique, la sortie d'une étude est très souvent due à des évènements négatifs liés à l'étude elle-même : par exemple, le médecin ou le patient décideront souvent de cesser un essai d'antidépresseur parce qu'il est jugé inefficace, ou parce que son rapport bénéfique/effets indésirables est très insuffisant pour ce patient (abandon négatif). Il est possible à l'inverse que d'autres abandonnent le traitement parce qu'ils vont bien et indiquent ne plus vouloir le médicament (abandon positif).
Lorsque les abandons ne sont pas comptés, le rapport bénéfice/risques du médicament sera donc sur-évalué s'il y a une majorité d'abandons négatifs, et sous évalué s'il y a une majorité d'abandons positifs.
La méthode LOCF consiste alors à reporter la dernière mesure avant l'abandon du patient, et l'intégrer dans les résultats finaux, comme si le patient était allé au terme de l'étude.
On peut estimer que la méhode LOCF, si elle n'est pas parfaite, diminue dans les deux sens l'erreur du résultat final due aux abandons.
Exemples
- Un exemple extrême serait le cas d'une molécule qui, pour 50% des personnes, n'apporte aucun bénéfice et aggrave leur état. Pour les 50% qui restent, la molécule apporte un bénéfice très important. Sans correction, le résultat apparaît excessivement positif. Avec correction de type LOCF, le résultat tient compte des abandons et tempère les résultats précédents.
- Un exemple moins extrême mais très significatif est tiré d'une série d'études réelles sur l'efficacité de l'antidépresseur duloxétine (Cymbalta@) : les études initiales du fabriquant, et généralement publiées, ne tiennent pas compte des abandons. Elles concluent à une supériorité d'environ 3 points de la duloxétine sur le placebo sur l'échelle de dépression HAMD-17, à 9 semaines. La Food and Drugs Administration valide ces études et autorise le produit, en estimant toutefois qu'il n'y a pas supériorité des fortes doses (120mg) sur les doses de 40mg à 60mg. Le fabriquant Lilly, contestant le fait que les doses élevées n'aient pas été approuvées, obtient de la FDA que de nouvelles études soient faites, et mène ces études en Europe de l'Est. La FDA impose, cette fois-ci, que la méthode LOCF soit appliquée, pour corriger les quelques 10% à 15% d'abandons constatés (36% à 42% dans les étuds initiales). Et le résultat fut sensiblement différent : la différence entre duloxétine et placebo était plutôt proche de 1 point, et ne dépassait plus la barre des 2 points. Or cette différence est considérée aux USA comme le seuil d'efficacité probante d'un antidépresseur (3 points en Europe). Source : https://www.accessdata.fda.gov/drugsatfda_docs/nda/2004/021427_s000_Cymbalta_Statr.pdf
Toutefois la FDA n'est pas revenue sur son autorisation de commercialisation de la duloxétine, et ces études faites en Europe de l'Est sont restées confidentielles. Les seules données publiées restent celle des études initiales, sans correction LOCF.
Plus d'information : Cymbalta (duloxetine) : efficacité et effets secondaires ou indésirables
Discussion
Les spécialistes en épidémiologie recommandent globalement l'usage, malheureusement trop rare, d'une correction statistique pour les données manquantes, estimant à juste titre que ces données manquantes sont porteuses de sens. La revue Minerva spécialisée dans la médecine basée sur les preuves, soutient ce point de vue, mais voit plus loin : elle critique aussi et à juste titre les imprécisions qui peuvent aussi résulter de l'application de la méthode LOCF, comme par exemple le fait que le délai d'action étudié soit statistiquement raccourci par LOCF, ce qui tend ainsi à en minimiser les bénéfices éventuels pour un produit ne produisant ses effets que sur la durée. Elle propose que des efforts soient faits pour attribuer une valeur statistique aux données manquantes. Ce qui, dans le cas des psychotropes, serait un réel progrès.
Lien utile : LOCF ou pas LOCF ? Quand les données manquent… Minerva, 2008
Conclusion
Le mieux étant l'ennemi du bien, il nous paraît très souhaitable que les études sur l'efficacité des psychotropes soient toutes, à minima, corrigées au minimum par la méthode LOCF. La réelle efficacité de nombre de psychotropes serait nettement mieux évaluée. Et certains produits, qui ne paraissent utiles que sur la base d'études faussées, ne seraient plus aussi facilement autorisés.