Chronique
Étymologie
du grec, chronos, le temps
Définition
Que voilà un petit adjectif suspect ! En médecine, « chronique » s'oppose à « aigu » et qualifie des maladies (ou des traitements) qui durent, se prolongent et sont d'évolution lente. Bon nombre de termes psychiatriques sont complétés de « chronique ».
Ainsi parle- t-on de névrose, de psychose et de schizophrénie chroniques, de délire et de dépression chroniques, de maladies mentales et de traitements chroniques, etc. Petite adjonction peut-être, maigrelette et de peu de poids, qui véhicule pourtant l'énorme et pesante misère de tous ceux qui s'en voient affligés. Voyez ! Ce terme, qui n'était qu'un adjectif a déjà écrasé et remplacé les substantifs qu'il se proposait de définir. Ne parle-t-on pas, en psychiatrie, des « Chroniques... »
Eh bien, parlons-en ! Parlons des « asiles chroniques », des « directeurs chroniques », des « infirmiers chefs chroniques », de toutes les « institutions psychiatriques chroniques », des « psychanalyses chroniques » et des « prises en charge chroniques », tous gens et toutes institutions qui font durer le plaisir, pour se convaincre qu'ils sont indispensables, et pour manger, pour vivre, nom de nom ! Si un jour cette étiquette-là vous tombe sous les yeux, qu'elle soit collée à vous ou à l'un des vôtres, ne vous laissez ni impressionner ni influencer.
En psychiatrie, il n'y a de chronique que l'esprit imbécile de celui qui colle ce terme à un autre et croit ainsi avoir fait ou dit quelque chose. La chronicité n'existe que dans la tête des soignants en psychiatrie. Effacez-la, enlevez- la d'une façon ou d'une autre, faites-la taire tout simplement, et la chronicité du malade s'évanouit. Les psychiatres voient des adolescents. Ils leur parlent quelques minutes. Sur leur dossier, ils écrivent : « Schizophrénie évoluant vers une forme chronique ». Où est la chronicité, sinon dans la tête des psychiatres, au moment où ils écrivent ? Eux, qui n'admettent pas l'état normal et qui ne voient autour d'eux que des fous chroniques, ils ont tendance à oublier qu'ils sont eux aussi des psychiatres chroniques ! Les psychiatres chroniques et les psychanalystes chroniques sont légion. Leur « maladie » dure, et ne s'arrête jamais, même à la maison, même au téléphone, même au bistrot...
Je me souviens d'un collègue, jeune lion de la psychiatrie locale, qui venait de clore sa psychanalyse didactique et m'attendait dans un café pour arroser sa bonne fortune (en perspective !). Observant mon arrivée par la fenêtre, le voilà qui me lance au moment où je m'assieds : « à ta façon de traverser la rue, j'ai eu le fantasme que tu recherchais la pénétration anale... ! » Chronique leur bêtise, je vous dis, chroniques les freudiens, chroniques l'appareil psychiatrique et ces bonnes institutions que remplissent les patients...
Source : Pierre Favre, le dictionnaire critique de la psychiatrie, 1977
http://www.rolfhimmelberger.ch/wp-content/uploads/2012/04/Dictionnaire_critique_psychiatrie.pdf
Anglais
Chronic