Avant de commencer l’interruption de traitement
Je veux décrocher des médicaments psychotropes mais mon médecin s’y oppose : que dois-je faire ?
Certains prescripteurs ont une attitude directive, et ils refuseront de soutenir une décision visant à décrocher des médicaments psychotropes. Face aux patient(e)s, ils pourraient agiter l’éventail de l’hospitalisation et du suicide comme un danger potentiel. Certains se considèrent comme des gardiens, et ils ont le sentiment que tout ce qui arrive est de leur responsabilité. D’autres n’ont jamais rencontré personne qui se soit rétabli avec succès, ou bien ils ont affronté tellement de crises après des sevrages brusques qu’ils supposent que personne ne peut décrocher.
Si votre médecin ne soutient pas vos objectifs, demandez-lui d’expliquer ses raisons en détails. Considérez ce qu’il dit avec attention – si cela a du sens, peut-être devrez-vous réévaluer votre projet. Vous pouvez aussi demander l’aide d’un(e) ami(e) ou d’un(e) allié(e) pour défendre votre cas, tout particulièrement quelqu’un en position d’autorité, comme un membre de la famille, un thérapeute, ou un professionnel de santé. Présentez vos arguments clairement. Expliquez que vous comprenez les risques, et décrivez la façon dont vous vous préparez à faire des modifications prudentes et bien planifiées. Donnez leur une copie de ce guide, et faites leur part des recherches qui sont derrière votre décision ainsi que des témoignages des nombreuses personnes qui ont réussi à réduire et arrêter leurs médicaments. Rappellez au médecin que son travail est de vous aider à vous aider vous-même, et non de diriger votre vie à votre place, et que c’est à vous qu’il revient de prendre des risques. Aujourd’hui, dans tous les domaines de la médecine, les patient(e)s deviennent des consommateurs(ices) qui ont un pouvoir d’action, alors n’abandonnez pas ! Il vous faudra peut-être informer votre médecin que vous suivrez votre plan de toute façon : parfois ils coopéreront même s’ils n’approuvent pas. Si votre prescripteur n’apporte toujours pas son soutien, envisagez d’en trouver un autre. Vous pouvez aussi vous appuyer sur un professionnel de santé comme un(e) infirmièr(e), un(e) naturopathe, ou un(e) acupuncteur(ice).
Il arrive même que des gens commencent une diminution de leur traitement sans en informer leur médecin. Ce n’est pas la meilleure solution, mais cela peut être compréhensible dans de nombreuses situations, par exemple lorsque vous bénéficiez d’avantages qui seraient menacés si vous étiez considéré(e) comme “non-adhérent”. Pesez soigneusement les risques d’une telle approche.
La principale organisation de bienfaisance du Royaume-Uni, MIND, dans son étude sur l’interruption des traitements psychotropes, a découvert que “les personnes qui ont interrompu la prise de leur médicaments contre l’avis médical étaient tout aussi susceptibles de réussir que celles dont les médecins ont convenu qu’elles devaient l’interrompre.” Suite à cette constatation, MIND a réalisé que les médecins étaient parfois trop directifs, et par conséquent ils ont modifié leur politique officielle: MIND ne recommande plus aux gens d’essayer d’interrompre la prise de médicaments psychotropes uniquement avec l’accord du médecin. Cependant le soutien reste généralement préférable, alors essayez de collaborer avec les prescripteurs lorsque cela est possible.
Tout le monde est différent et il n’existe pas de solution toute faite, ni de méthode standard pour se sevrer des médicaments psychotropes.
Ce qui suit est une approche générale, étape par étape, que de nombreuses personnes ont trouvé utile. Elle a été pensée de manière à correspondre à vos besoins. Il faut être observateur(ice): suivez ce que vous dit votre corps et votre coeur, et cherchez conseil auprès des personnes qui se soucient de vous. Enfin, vous pouvez garder une trace de la façon dont vous avez réduit vos médicaments et de ce qui s’est produit, afin d’étudier les changements que vous traversez et transmettre votre expérience à d’autres.
Informez-vous sur vos médicaments et sur le sevrage Préparez-vous en lisant tout ce que vous pourrez sur le sevrage de vos médicaments psychotropes. Consultez les sources classiques et alternatives, y compris le site internet Beyond Meds. Rencontrez d’autres personnes et discutez avec elles de la réduction de traitement. Faites une liste des effets secondaires, et assurez-vous de passer les tests appropriés. Des ressources supplémentaires sont listées à la fin de ce guide.
Timing Qu’est-ce qu’un bon moment pour commencer l’interruption de traitement ? Qu’est-ce qu’un mauvais moment ? Si vous souhaitez diminuer votre traitement, le timing est très important. Il vaut généralement mieux attendre que tout ce dont vous avez besoin soit bien en place, plutôt que de commencer une interruption non-préparée (bien que parfois les médicaments eux-mêmes rendent cela difficile).
| Rappellez-vous, l’interruption de traitement pourrait être un processus à long terme, il serait donc bon de vous préparer comme s’il s’agissait d’un changement majeur dans votre vie. Réduire et interrompre l’usage de médicaments n’est probablement pas une solution en soi, mais c’est le début de nouveaux apprentissages et défis.
• Etes-vous stable au niveau du logement, de vos relations personnelles, et de votre emploi du temps? Ne serait-il pas préférable de se concentrer d’abord sur cela?
• Avez-vous remis à plus tard de gros problèmes ou des questions qui ont besoin d’attention ? S’agit-il de sources de préoccupations que vous devriez prioriser? En réglant d’autres questions, vous aurez le sentiment de maîtriser davantage la situation.
• Venez-vous juste de sortir de l’hôpital, ou étiez-vous récemment en crise? Est-ce un mauvais moment pour commencer un sevrage, ou est-ce que le médicament fait partie du problème ?
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• Avez-vous des anniversaires douloureux en cette époque de l’année ? Etes-vous sensible à la météo ou au manque de lumière? Anticipez les mois où vous pourriez avoir le plus de difficultés.
• Avez-vous remarqué une aggravation des effets des médicaments, ou êtes-vous sous traitement depuis un long moment en vous sentant “coincé(e)” ? Vous êtes-vous récemment senti(e) plus stable et capable d’affronter des émotions difficiles ? Cela pourrait bien être le bon moment pour vous préparer à réduire et interrompre votre traitement.
• Faites une liste des facteurs de stress qui vous ont conduit à une crise par le passé. Combien sont présents aujourd’hui ? Vous attendez-vous à en rencontrer dans l’avenir ? Prenez le temps d’aborder ces problèmes avant de commencer une diminution de traitement.
Prévoyez du soutien • Faites-vous aider si possible. Développez une relation collaborative avec un médecin si c’est faisable, discutez avec vos amis et votre famille, et trouvez du soutien pour développer votre projet. Expliquez-leur que de fortes émotions pourraient naître chez vous.
| Assurez-vous qu’ils savent que le sevrage peut être une rude épreuve, mais que les symptômes de sevrage ne signifient pas forcément “rechute” ou que vous ayez besoin de reprendre les médicaments. Faites une liste des personnes à appeler et avec qui rester si les choses deviennent difficiles. Manquer de soutien n’est pas nécessairement un obstacle pour décrocher des médicaments – certaines personnes l’ont fait par leurs propres moyens – mais en général une communauté de soutien est un élément crucial du bien-être de chacun.
• Faites une liste des signes avant-coureurs et déclencheurs. Comment savez-vous que vous allez au devant d’une crise, et que ferez-vous ? Le sommeil, l’isolement, les émotions fortes, ou les états altérés peuvent révéler que vous avez besoin de plus de soins et de soutien.
• Crée un “Mad Map” ou des “directives anticipées”, qui indiqueront aux gens quoi faire si vous rencontrez des difficultés à communiquer ou à prendre soin de vous. Incluez-y des instructions sur ce qu’il faut vous dire, qui contacter, et comment aider, ainsi que des préférences de traitements et de médicaments. Les membres des Hôpitaux et les professionnels pourraient utiliser vos directives anticipées pour orienter leur travail, et elles pourraient éventuellement être légalement exécutées comme testament de vie.
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Souvenez-vous que l’hôpital est seulement une étape dans un processus d’apprentissage plus large, et pas un signe d’échec. Vous pouvez consulter la National Resource Center on Psychiatric Advance Directives sur www.nrc-pad.org.
• Faites faire une évaluation globale de santé par un praticien qui pourra entièrement évaluer votre bien-être et vous proposer des moyens réparateurs et préventifs pour améliorer votre santé. Beaucoup de personnes ayant un diagnostic psychiatrique souffrent de problèmes de santé physiques non pris en compte. Difficultés médico-dentaire chroniques, exposition toxique, douleurs, déséquilibre hormonal, et fatigue surrénale : tout cela peut nuire à votre santé et rendre plus difficile la diminution ou l’interruption de ton traitement. La thyroïdie, les effets toxiques des métaux lourds, l’empoisonnement au monoxyde de carbone, l’anémie, le lupus, la maladie coeliaque, les allergies, la glycémie, les maladies d’Addisson et de Cushing, les troubles épileptiques et d’autres problèmes de santé peuvent tous ressembler à des symptômes de maladies mentales. Prenez le temps de travailler sur votre santé physique en premier, y compris en cherchant des options abordables. Envisagez de consulter un praticien holistique : beaucoup ont des tarifs progressifs ou passent des accords de trocs.
• Portez une attention particulière à votre santé pendant votre sevrage. Ce processus de désintoxication peut être un facteur de stress. Renforcez votre système immunitaire avec beaucoup de repos, de l’eau fraîche, une alimentation saine, de l’exercice, de la lumière naturelle, des promenades dans la nature et des relations avec ta communauté. Mettez en place des pratiques de bien-être avant de commencer.
| Attitude Soyez convaincu(e) que vous pouvez améliorer votre vie. Avec la bonne attitude vous serez capable de faire des changements positifs, que ce soit en décrochant, en diminuant votre traitement, ou en augmentant votre bien-être. De nombreuses personnes, même si elles ont été sous doses élevées de médicaments psychotropes pendant des dizaines d’années, ont arrêté, et d’autres ont diminué leur traitement ou amélioré leur qualité de vie par d’autres moyens. Affirmez votre capacité à mieux maîtriser votre santé et votre vie. Assurez-vous que les gens autour de vous croient en votre aptitude à produire des changements. Souvenez-vous que le simple fait de baisser votre dosage peut être un grand pas, et il peut être suffisant, alors soyez souple ! L’important c’est que vous soyez convaincu(e) de pouvoir améliorer votre vie et prendre en charge les choix de traitement.
Préparez-vous à ressentir des émotions fortes En décrochant des médicaments psychotropes, vous devrez peut-être apprendre de nouvelles manières d’affronter vos sensations et expériences. Vous pourriez devenir plus sensible et vulnérable pendant un temps. Soyez patient(e) avec vous-même et faites au mieux, avec du soutien. Souvenez-vous que la vie nous propose sans cesse des défis : les émotions fortes ne sont pas nécessairement des signes de crises ou des symptômes qui nécessitent plus de médicaments. Il est normal de ressentir parfois des sensations négatives ou des états altérés de conscience : cela fait peut-être partie de la richesse et de la profondeur de ce que vous êtes.
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Sommaire
I. Introduction
II. Réduction des effets nocifs
III. Nous sommes tous différents
IV. Regard critique sur les 'troubles mentaux' et la psychiatrie
V. Sevrage - introduction
VI. Psychotropes et cerveau
VII. Risques des psychotropes pour la santé
VIII. Effets du sevrage
IX. Avant de commencer un sevrage
X. Stratégies alternatives
XI. Etape par étape
XII. Considérations spéciales
XII. Perspectives
Annexes : Bibliographie et remerciements
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