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Antidépresseurs et virages de l'humeur - les chiffres

Par Neptune 

le 10/07/2014 

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Antidépresseurs et virages de l'humeur



Avant-propos

Cet article provient pour l'essentiel d'un article de Raphaël Gaillard, psychiatre à l'hôpital Sainte-Anne, et co-auteur de nombreux ouvrages. Les liens d'intérêt qu'il a l'honnêteté de déclarer ne semblent pas influencer le fond de l'article : essais cliniques, travaux scientifiques, activités de conseil, conférences, colloques avec non moins de 12 laboratoires : AB Sciences, AstraZeneca, Bristol-Myers-Squibb, Pierre Fabre, Janssen, Lilly, Lundbeck, Servier, Otsuka, Roche, Sanofi-Aventis, et Takeda. On relèvera juste que l'antidépresseur atypique de Servier (agomélatine @Valdoxan) n'est pas cité dans cet article... Nous en reparlerons, même si on peut déjà noter que c'est regrettable de la part de l'auteur qui est au fait de tout ce qui concerne ce médicament.  

Il traite pas de la question de l'efficacité ou non des antidépresseurs, que nous étudions dans d'autres articles de ce chapitre. Il ne remplace pas une consultation avec un médecin, etc. 
mise à jour du 6 novembre 2014



La crainte des virages de l'humeur dus aux antidépresseurs : introduction





(1)  Les troubles bipolaires chap. 25 "Virages de l'humeur", T. Mauras, R. Gaillard, 2014

(16) GOLDBERG JF, TRUMAN GJ. Antidepressant-induced mania : an overview of current controversies. Bipolar Disord, 2003, 5 : 407-420.

(19) GOODWIN G M . Bipolar dépression and treatment with antidepressants. Br J Psychiatry, 2012, 200 : 5-6.

(45) TOHEN M , FRANK E , BOWDEN G L et al. The International Society for Bipolar Disorders (ISBD) task force report on the nomenclature of course and outcome in bipolar disorders. Bipolar Disord, 2009, 77 : 453-473.
Un groupe de travail de l'International Society of Bipolar Disorders (45) définit le virage de l'humeur comme une inversion de la polarité dans les deux premiers mois suivant la rémission de l'épisode index. Ce seuil correspond également à la séparation entre rechute et récidive. Autrement dit, on peut envisager le virage de l'humeur comme une rechute de polarité inversée. (1)
L'imputabilité des antidépresseurs fait l'objet d'une vive controverse dont le résultat n'est toujours pas tranché (16). Y répondre suppose de se prononcer sur l'évaluation des bénéfices et du coût d'un traitement antidépresseur dans la dépression bipolaire (des  recommandations internationales européennes et anglo-saxonnes divergent sur ce point (19), mais permet aussi de s'interroger sur les ressorts psychopathologiques et neurobiologiques des troubles thymiques. (1)


Le virage dépression-manie : chiffres et facteurs




(1)  Les troubles bipolaires chap. 25 "Virages de l'humeur", T. Mauras, R. Gaillard, 2014

(7) BOND DJ , NORONHA MM, KAUER-SANT'ANNA M et al. Antidepressant-associated mood élévations in bipolar II disorder compared with bipolar I disorder and major ressive disorder : a systematic review and meta-analysis. J Glin Psychiatry, 2008. 69 : 1589-1601.

(14) FRYE MA, HELLEMAN G , MCELROY SL, ALTSHULER LL et aL Correlates of treatment-emergent mania associated with antidepressant treatment in bipolar dépression. Am J Psychiatry, 2009, 166: 164-172.

(22) HENRY C, SORBARA F, LACOSTE J, GINDRE C , LEBOYER M. Antidepressant-induced mania in bipolar patients : identification of risk factors. J Glin Psychiatry, 2001 62 : 249-255.

(23) HENRY G, DEMOTES-MAINARD J. Avoiding drug-induced switching in patients with bipolar dépression. Drug Safety, 2003, 26: 337-351.

(31) OSTACHER MJ, PERLIS R H , NIERENBERG A A et al. Impact of substance use disorders on recovery from épisodes of dépression in bipolar disorder patients : prospective data from the systematic treatment enhancement program for bipolar disorder (STEP-BD). Am J Psychiatry, 2010, 167: 289.

(36) PERLIS RH, OSTACHER MJ, GOLDBERG JF, MIKLOWITZDJ et al. Transition to mania during treatment of bipolar dépression. Neuropsychopharmacology. 2010, 35 : 2545-2552.

(41) SACHS GS, NIERENBERG AA, GALABRESE J R et al. Effectiveness of adjunctive antidepressant treatment for bipolar dépression. N Engl J Med, 2007, 356 : 1711-1722.

(43) SERRETTI A , ARTIOLI P, ZANARDI R, ROSSINI D. Clinical features of antidepressant associated manie and hypomanie switches in bipolar disorder. Prog Neuropsychopharmacol Biol Psychiatry, 2003, 2 7 : 751-757.
Les données épidémiologiques concernant le virage dépression-manie sont concordantes. Elles proviennent de méta-analyses (7), de revues de la littérature (23) et du suivi prospectif de cohortes (14 36 1).

Pour un épisode dépressif donné, l'incidence observée est proche de 20 % (toutes causes confondues).

D'après une des études, il existe une différence non significative entre groupes de patients bipolaires I et II  :24,9 % versus 19,4 % (36).

Ce risque de 20 %, soit une chance sur cinq, est modulé par différents facteurs. C'est-à-dire que l'on a observé que certaines personnes ont un risque plus élevé que d'autres, et ont certaines caractéristiques en commun.

Dans le suivi prospectif ce cette même étude incluant plus de 2 100 patients bipolaires de types I et II, plusieurs facteurs prédictifs indépendants ont été identifiés.

Après correction par comparaisons multiples, un début précoce du trouble, un âge jeune au moment de l'épisode concerné, un antécédent de TS ou de cycles rapides et le nombre de jours avec dysphorie dans l'année précédant l'épisode sont corrélés au risque de virage. Dans cette étude, le délai d'apparition moyen d'un virage était de 74 jours (intervalle de 31 à 160 jours).

L'antécédent de tentative de suicide serait un marqueur d'instabilité affective exacerbée par la prise d'antidépresseur.

D'autres facteurs sont sujets à discussion. La présence d'un virage de l'humeur induit dans l'histoire du patient représente le facteur de risque le plus documenté (22). Quelques études ont trouvé une corrélation positive avec le nombre d'épisodes maniaques dans le passé et le risque de virage (41), d'autres une corrélation négative (43), et certaines aucune (22). La présence dans l'histoire du patient d'un abus de substance notamment d'alcool pourrait également être un facteur prédictif (31 1).

Virage de l'humeur - Neptune


Virages de l'humeur induits par les antidépresseurs




(1) Les troubles bipolaires chap. 25 "Virages de l'humeur", T. Mauras, R. Gaillard, 2014

(2) Venlafaxine : Effexor (Pfizer) ou générique (tous laboratoires)
Imipramine : Tofranil (Amdipharm)
Paroxétine : Deroxat (GSK-GlaxoSmithKline), Divarius (Chiesi) ou génériques (tous laboratoires)
Sertraline : Zoloft (pfizer) et génériques (tous laboratoires)
Bupropion : Zyban (GSK-GlaxoSmithKline) ; pas d'AMM en France en tant qu'AD.

(5) BOERLIN H L , GITLIN MJ, ZOELLNER LA, HAMMEN G L . Bipolar dépression and antidepressant-induced mania : a naturalistic study. J Clin Psychiatry, 1998, 59: 374-379.

(13) FOGELSON D L , BYSTRITSKY A, PASNAU R. Bupropion in the treatment of bipolar disorders : the same old story ? J Clin Psychiatry, 1992, 5 5 : 443-446.

(15) GHAEMI S, WINGO A , FILKOWSKI M, BALDESSARINI R. Long-term antidepressant treatment in bipolar disorder : meta-analyses of benefits and risks. Acta Psychiatr Scand, 2008, 118: 347-356.

(23) HENRY C, DEMOTES-MAINARD J. Avoiding drug-induced switching in patients with bipolar dépression. Drug Safety, 2003,26: 337-351.

(27) KAHN D A , SACHS G S , PRINTZ D J et al. Médication treatment of bipolar disorder 2000 : a summary of the expert consensus guidelines. J Psychiatr Pract, 2000, 6: 197-211.

(35) PEET M . Induction of mania with sélective serotonin re-uptake inhibitors and tricyclic antidepressants. Br J Psychiatry, 1994, 164 : 549-550.

(37) POST RM, ALTSHULER LL, LEVERICH GS, FRYE MA et al. Mood switch in bipolar dépression : comparison of adjunctive venlafaxine, bupropion and sertraline. Br J Psychiatry, 2006, 189: 124-131.

(47) TONDO L, VAZQUEZ G , BALDESSARINI RJ. Mania associated with antidepressant treatment : comprehensive meta-analytic review. Acta Psycliiatr Scand, 2010, 121 : 404-414.

(49) VIETA E, MARTINEZ-ARÂN A , GOIKOLEA JM et al. A randomized trial comparing paroxétine and venlafaxine in the treatment of bipolar depressed patients taking mood stabilizers. J Clin Psychiatry, 2002, 63 : 508-512.
Les experts affirment que "plusieurs obstacles compliquent l'analyse des données de la littérature et rend actuellement impossible une synthèse sous forme d'un risque relatif pour chaque molécule. La première difficulté est méthodologique. La définition d'un virage de l'humeur nécessite de fixer les seuils du changement de polarité en termes de durée et d'intensité, ceux-ci variant d'une étude à l'autre. Le deuxième écueil correspond à l'hétérogénéité des traitements (médicaments et dosages utilisés) et des analyses statistiques qui sont appliquées." (1)

La plupart des auteurs (15)(3)(35) mettent en avant un risque significativement plus important pour les patients bipolaires traités par tricycliques que pour ceux prenant des ISRS - inhibiteurs spécifiques de la recapture de la sérotonine.

Dans la méta-analyse de M . Peet (35), la fréquence était de 11,2 % (soit 14 sur 125) pour les tricycliques et de 3,7 % pour les ISRS (soit 9 sur 242).

Il existe peu d'études précisant le risque d'un virage induit par les IMAO - inhibiteurs de la mono-amine oxydase. Il pourrait être équivalent aux tricycliques (44) ou intermédiaire entre les tricycliques et les ISRS (5).

Pour les IRSNa - inhibiteurs de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline - comme la venlafaxine (2) dont les propriétés pharmacologiques sont proches de l'imipramine (2), deux études (37)(49) ont avancé l'hypothèse d'un risque accru en comparaison de la paroxétine (2) de la sertraline et du bupropion (2). Le risque de virage pourrait varier entre 13,3 et 29 %.

Le bupropion est un inhibiteur de la recapture de la noradrénaline et de la dopamine prescrit outre-Atlantique comme antidépresseur et qui possède en France l'autorisation de mise sur le marché (AMM) pour le sevrage tabagique. Depuis les années 1980, il est considéré comme un des antidépresseurs induisant le plus faible taux de virage de l'humeur et choisi en première intention dans la dépression bipolaire dans certaines recommandations d'experts (27). Cependant, ce choix reste controversé (13)(1).

Parmi les ISRS, la paroxétine pourrait présenter un des plus faibles risques de virage (37)(49)(1).

Il est important de noter que, dans de nombreuses études citées, il existait une co-prescription de thymorégulateur qui représente un biais possible dans ce contexte. Effectivement, certaines études mettent en avant le rôle protecteur des thymorégulateurs dans l'apparition d'un virage de l'humeur, particulièrement le lithium (23).

Cependant cette question fait aussi l'objet d'un important débat (47)(1).












Virages de l'humeur induits par d'autres psychotropes





Dans ce paragraphe, nous ne limiterons pas aux seuls antidépresseurs, car il est important de savoir que d'autres produits peuvent causer un virage maniaque.


(1) Les troubles bipolaires chap. 25 "Virages de l'humeur", T. Mauras, R. Gaillard, 2014

(3) BENYAMINA A , SAMALIN L . Atypical antipsychotic-induced mania/hypomania : a review of récent case reports and clinical studies. Int J Psychiatry Clin Pract, 2012, 16: 2-7.

(4) BHAGYALAKSHMI SUBODH N, JAYARAJAN D, CHAND P K et al. Lamotrigine-induced manie switch : a report of 2 cases. Prim Gare Companion CNS Disord, 2011, 13 : 3-4.

(28) KRYSTAL J H . N-methyl-D-aspartate glutamate receptor antagonists and the promise of rapid-acting antidepressants. Arch Gen Psychiatry, 2010, 67: 1110-1111.

(38) RACHID F, BERTSCHY G, BONDOLFI G, AUBRY J M . Possible induction of mania or hypomania by atypical antipsychotics : an updated review of reported cases. J Clin Psychiatry, 2004, 65: 1537-1545.

(40) RICKE AK, SNOOK RJ, ANAND A. Induction of prolonged mania during ketamine therapy for reflex sympathetic dystrophy. Biol Psychiatry, 2011, 70 : 13-14.

(50) ZARATE C A , BRUTSCHE N E , IBRAHIM L et al. Replication of ketamine's antidepressant efficacy in bipolar dépression : a randomized controlled add-on trial. Biol Psychiatry, 2012, 71: 939-946.

(51) ZARATE JR C A , SINGH JB, CARLSON PJ et al. A randomized trial of an N-methyl-D-aspartate antagonist in treatment-resistant major dépression. Arch Gen Psychiatry, 2006, 63: 856.
Pour les autres psychotropes, les données sont peu conséquentes. II existe quelques rapports de cas impliquant la lamotrigine, notamment lors des augmentations de posologie (4), mais la survenue d'un virage pourrait aussi concerner dans une très faible proportion les neuroleptiques atypiques (3)(38). A nouveau, en l'absence d'études contrôlées, il est difficile de distinguer un virage induit d'un virage spontané. (1)

La kétamine est un agent glutamatergique qui a fait l'objet de publications de premier ordre dans les troubles de l'humeur (51). Son utilisation comme « effet d'amorce » dans la dépression, notamment bipolaire, semble prometteuse (28)(50). Un épisode maniaque a pu être rapporté lors de son utilisation comme antalgique chez un patient souffrant d'une neuropathie du système nerveux autonome (40)(1).


Nébuleuse du crabe - Neptune


Virages de l'humeur en médecine somatique





Paragraphe entièrement tiré de l'article en référence (1).

(1) Les troubles bipolaires chap. 25 "Virages de l'humeur", T. Mauras, R. Gaillard, 2014

(6) BOLANOS SH, KHAN DA, HANCZYC M et al. Assessment of mood States in patients receiving long-term corticosteroid therapy and in controls with patient-rated and clinicianrated scales. Ann Allergy Asthma Immunol, 2004, 92 : 500-505.

( 8 ) BROWN E S . Effects of glucocorticoids on mood, memory, and the hippocampus. Treatment and préventive therapy. Ann NY Acad Sci, 2009, 1179:41-55.

(9) BROWN ES, GHAMBERLAIN W, DHANANI N et al. An open-label trial of olanzapine for corticosteroid-induced mood symptoms. J Affect Disord, 2004, 83 : 277-281

(10) CASTÉRA L, GONSTANT A, HENRY C, COUZIGOU P. Manifestations psychiatriques au cours du traitement de l'hépatite chronique C. Gastroentérol Clin Biol, 2005, 29 : 123-133

(30) NABER D , SAND P, HEIGL B. Psychopathological and neuropsychological effects of 8-days' corticosteroid treatment. A prospective study. Psychoneuroendocrinology, 1996, 21 : 25-31

(32) PARIANTE GM, ORRÙ MG, BAITA A et al. Treatment with interferon-alpha in patients with chronic hepatitis and mood or anxiety disorders. Lancet, 1999, 354 : 131-132.

(33) PARIENTE GM. 2002. Interferon alfa-induced adverse effects in patients with a psychiatrie diagnosis. N Engl J Med, 347 : 141-149.

(34) PEET M , PETERS S. Drug-induced mania. Drug safety, 1995, 72: 146-153.

(42) SCHAFFER LG, SCHAFFER GB, HUNTER S, MiLLER A. Psychiatrie reactions to isotretinoin in patients with bipolar disorder. J Affect Disord, 2010, 722 : 306-308.

Il est important pour la pratique de se rappeler que les psychotropes ne sont pas la seule classe pharmacologique à pouvoir induire un virage de l'humeur (34).

  • Les glucorticoïdes, l'interféron et l'isoniazide sont les molécules les plus fréquemment documentées au regard d'autres médications comme la lévodopa, les inhibiteurs de l'enzyme de conversion ou l'isorétinoïne (42). Les glucocorticoïdes comme la prednisone ou la dexaméthasone sont fréquemment prescrits comme immunosuppresseurs et anti-inflammatoires.

    Dès leur utilisation, dans les années 1940, on retrouve des rapports de cas faisant état de manifestations psychiatriques, essentiellement thymiques. Une étude prospective (30) menée chez 50 sujets sans antécédent psychiatrique et traités par de fortes posologies de prednisone fait état, dans les trois jours après l'initiation du traitement, de 26 % des sujets remplissant les critères du SCID (structural clinical interview for DSM-IV) pour un épisode maniaque (hormis la durée) et 10 % pour un épisode dépressif. Lors d'une prise chronique, certaines études retrouvent une prédominance de symptômes dépressifs (6). Ces résultats suggèrent que les symptômes hypomaniaques/maniaques seraient prépondérants lors de l'initiation d'un traitement par corticoïde. Inversement, lors d'une exposition chronique, ce seraient les symptômes dépressifs qui seraient les plus fréquents ( 8 ). Par ailleurs, l'intensité des symptômes serait dose-dépendante et peu d'arguments existent pour dire qu'un trouble de l'humeur préexistant soit un authentique facteur de risque de décompensation. La plupart des états thymiques induits par les glucocorticoïdes sont réversibles et le meilleur compromis est de trouver la posologie la plus faible pour être efficace. En cas de nécessité de maintenir le traitement à forte posologie ou si la symptomatologie maniaque est intense, l'intérêt de l'olanzapine a été évoqué (9).

    Pour un épisode dépressif un ISRS sera prescrit en première intention. Dans le cas de traitement chronique ou répété, peu de données existent pour la prophylaxie d'un nouvel épisode. Une lithiothérapie pourra être instaurée au cas par cas.
  • Les manifestations psychiatriques sont le principal facteur limitant la prescription de l'interféron, principalement utilisé dans le traitement des hépatites virales chroniques (10)(33). Leur prévalence dépasserait 20 %. Ces manifestations peuvent survenir dès la première semaine, mais sont particulièrement marquées entre le premier et le troisième mois. Leur sévérité est liée à la posologie et à la durée du traitement. Les symptômes dépressifs sont les plus souvent rapportés mais les symptômes maniaques seraient sous-évalués. Les patients ayant des antécédents de troubles psychiatriques (thymiques ou psychotiques) représenteraient une population à risque avec un risque accru de tentative de suicide. Dans le cas d'apparition d'un épisode dépressif les ISRS seront privilégiés et la posologie de l'interféron généralement diminuée. En l'absence de réponse rapide ou de symptômes maniaques, l'amisulpride à faible dose (150 mg) représenterait une alternative de choix (10).

    Le trouble bipolaire ne doit pas être une contre-indication au traitement. Plusieurs études prospectives (32) chez des patients stabilisés ne rapportent pas un risque accru de complications ou d'interruption du traitement. 


Virages de l'humeur non pharmaco-induits





Paragraphe entièrement tiré de l'article en référence (1).

(1) Les troubles bipolaires chap. 25 "Virages de l'humeur", T. Mauras, R. Gaillard, 2014.

(26) JOHNSON S L , GUELLER AK, RUGGERO C et al. Life events as predictors of mania and dépression in bipolar I disorder. J Abnorm Psychol, 2008, 117: 268.

(29) LICHT RW, GIJSMAN H , NOLEN WA, ANGST J. Are antidepressants safe in the treatment of bipolar dépression? A critical évaluation of their potential risk to induce switch into mania or cycle accélération. Acta Psychiatr Scand, 2008, 118 : 337-346.

(39) RICKARBY G A . Four cases of mania associated with bereavement. J Nerv Ment Dis, 1977, 765: 255-262.

(99) Terme compliqué des psys pour dire tout simplement "rythme jour-nuit", à ne pas confondre avec le "rythme circadien" qui est le "rythme biologique", donc plus interne à l'individu
D'autres thérapeutiques ou conditions pouvant induire des virages de l'humeur ont été décrites. Dans l'arsenal thérapeutique, les thérapies physiques comme l'électroconvulsiothérapie (ECT) et dans une moindre mesure la stimulation magnétique transcranienne sont des facteurs déclenchant reconnus (29) mais plus anecdotiques.

L'influence des drogues licites (alcool) ou non (cocaïne) sont indéniablement un facteur de risque de virage de l'humeur. (ndlr: le DSM-IV a isolé ces troubles dans "Troubles de l'humeur induits par une substance") Schématiquement, la polarité du virage serait en lien avec le type de drogue utilisée par le patient. Les psychoanaleptiques (cocaïne, ecstasy), qui sont des stimulants, favoriseront un virage hypomaniaque/maniaque à l'opposé des psycholeptiques (opiacés). L'alcool ou les psychodysleptiques (cannabis, champignons) pourront avoir des effets variables en fonction des sujets mais aussi dans le temps.

La privation de sommeil, fréquemment utilisée dans les années 1960 à 1980 pour induire une amorce d'amélioration thymique dans les épisodes dépressifs, est aussi un état reconnu pour favoriser un virage dépression-manie. Le respect du cycle nycthéméral (99) représente d'ailleurs un point central dans les recommandations d'hygiène de vie promulguées aux patients.

Les habituels événements de vie reconnus comme des facteurs précipitant un épisode thymique peuvent eux aussi être impliqués dans un virage de l'humeur (26). Il est important de noter que ces facteurs, dits de stress, ne sont pas toujours des événements heureux (mariage, naissance), mais peuvent également être des événements négatifs (comme un décès, une perte d'emploi, un divorce)(39).

Autres risques liés antidépresseurs





Accélération des cycles

(1) Les troubles bipolaires chap. 25 "Virages de l'humeur", T. Mauras, R. Gaillard, 2014

(1a) Les troubles bipolaires chap. 55, traitement médical de maintenance des troubles bipolaires, T. Mauras, M.Masson, 2014.

(1b) ALTSHULER LL , POST RM, LEVERICH GS, MIKALAUSKAS K et al. Antidepressant-induced mania and cycle accélération ; a controversy revisited. Am J Psychiatry, 1995, 152 : 1130-1138

(21) GOODWIN GM, ANDERSON I, ARANGO G et al. EGNP consensus meeting. Bipolar dépression. Nice, March 2007. Eur Neuropsychopharmacol, 2008, 18 : 535-549.
Sur le long terme, certaines études ont véhiculé l'idée que les antidépresseurs favorisaient l'apparition de cycles rapides ou leur accélération (1b). Cependant, cette observation est loin de faire l'unanimité et pourrait être infirmée (21)(1).

Cette crainte justifie toutefois, avec l'ensemble des effets secondaires des antidépresseurs sur le long terme, le fait que les antidépresseurs ne sont en général pas recommandés dans le "traitement médical de maintenance" des troubles bipolaires.(1a)


Conduite à tenir





Paragraphe entièrement tiré de l'article en référence (1).

Limiter l'apparition d'un virage de l'humeur

(1) Les troubles bipolaires chap. 25 "Virages de l'humeur", T. Mauras, R. Gaillard, 2014

(11) CIAPPARELLi A, DELL'OSSO L, TUNDO A et al. Electroconvulsive therapy in medication-nonresponsive patients with mixed mania and bipolar dépression. J Clin Psychiatry, 2001, 62 : 552-525.

(18) GOODWIN G M . Evidence-based guidelines for treating bipolar disorder : revised second edition-recommendations from the British Association for Psychopharmacology. J Psychopharmacol, 2009, 23 : 346-388.

(20) GOODWIN GM, ANDERSON I, ARANGO C et al. ECNP consensus meeting. Bipolar dépression. Nice, March 2007. Eur Neuropsychopharmacol, 2008, 18 : 535-549.

(24) HENRY C, M'BAILARA K, MATHIEU F et al. Construction and validation of a dimensional scale exploring mood disorders : MATHYS (multidimensionai assessment of thymic states). BMC Psychiatry, 2008, 19 : 82.

(25) HIRSCHFELD R, BOWDEN CL, GLITLIN MJ et al. Practice guideline for the treatment of patients with bipolar disorder (revision). FOCUS, 2003, 1 : 64-110.

(29) LICHT RW, GIJSMAN H , NOLEN WA, ANGST J. Are antidepressants safe in the treatment of bipolar dépression? A critical évaluation of their potential risk to induce switch into mania or cycle accélération. Acta Psychiatr Scand, 2008, 118 : 337-346.

(41) SACHS GS, NIERENBERG AA, GALABRESE J R et al. Effectiveness of adjunctive antidepressant treatment for bipolar dépression. N Engl J Med, 2007, 356 : 1711-1722.

Le rapport bénéfices sur risques de la prescription d'un antidépresseur au cours d'une dépression bipolaire fait débat.

Les publications nord-américaines (25), confortées par les résultats de la cohorte STEP-BD (41), ne recommandent pas leur prescription. Le cas échéant, celle-ci devrait être strictement encadrée par une prescription de thymorégulateur. Le bupropion est l'antidépresseur alors mis en avant.

Les recommandations européennes (18)(20) sont moins restrictives. Elles mettent en balance l'effet délétère d'un épisode dépressif majeur avec les conséquences d'un éventuel virage de l'humeur (29). La prescription d'un antidépresseur doit tenir compte d'une part de l'évaluation des facteurs de risque d'un virage de l'humeur et de la gravité de l'épisode.

Une présentation clinique mixte pourra bénéficier de l'évaluation de la réactivité émotionnelle par des outils spécifiques comme l'échelle MAThyS (multidimensional assessment ofthymic States) (24) et devrait faire renoncer à la prescription d'un antidépresseur.

Il paraît raisonnable, surtout dans le cas du trouble bipolaire de type I, de ne pas commencer la prescription sans thymorégulateur.

La prescription de l'antidépresseur sera de courte durée : une décroissance pourra être commencée dès 2 mois après le retour à l'euthymie. Cette décroissance sera progressive (un mois minimum) car les changements brutaux sont des facteurs de risque de virage et de rechute. Dans les situations difficiles (mixité, cycles rapides), l'indication d'une cure d'ECT pourrait être retenue (11).



Gérer un virage de l'humeur - Neptune


Gérer un virage de l'humeur dépression-manie








(16) GOLDBERG JF, TRUMAN GJ. Antidepressant-induced mania : an overview of carrent controversies. Bipolar Disord, 2003, 5 : 407-420.

(22) HENRY C, SORBARA F, LACOSTE J, GINDRE C , LEBOYER M. Antidepressant-induced mania in bipolar patients : identification of risk factors. J Glin Psychiatry, 2001 62 : 249-255.

(25) HIRSCHFELD R, BOWDEN GL, GLITLIN MJ et al. Practice guideline for the treatment of patients with bipolar disorder (revision). FOCUS, 2003, 1 : 64-110.
Lors de l'apparition d'un virage de l'humeur dépression-manie, la conduite à tenir dépend de l'intensité des symptômes (16).

Légers, ils peuvent être en partie respectés ;

Modérés, la posologie de l'antidépresseur est à diminuer.

Par ailleurs, des facteurs comme la prise de toxiques (alcool) ou de privation de sommeil sont à rechercher et à éliminer.

Dans le cas d'une symptomatologie franche, l'antidépresseur doit être arrêté.

Pour éviter une majoration des symptômes, un arrêt progressif a été avancé (16).

Si le diagnostic de bipolarité est établi, un thymorégulateur sera prescrit, de préférence le lithium (22). Si le patient bénéficiait déjà d'un thymorégulateur, une bithérapie thymorégulatrice ou la prescription d'un neuroleptique de seconde génération est conseillée (25).

Pour les patients sans histoire de bipolarité, comme lors d'un virage induit par une corticothérapie, la prescription limitée dans le temps d'un neuroleptique de seconde génération ou de benzodiazépine est recommandée.


Conclusion





Paragraphe entièrement tiré de l'article en référence (1).

(1) Les troubles bipolaires chap. 25 "Virages de l'humeur", T. Mauras, R. Gaillard, 2014

Les virages de l'humeur sont fréquents dans la pratique clinique. Afin d'en limiter l'apparition, il est nécessaire de repérer les facteurs de risque qui y sont associés et qui diffèrent en fonction du sens de l'inversion de la polarité.

Cependant, à un niveau individuel, ce risque est difficile à préciser et ne doit pas faire renoncer à une prescription d'antidépresseur sur une période de courte durée. Lors de l'apparition d'un virage de l'humeur, la conduite à tenir dépend de l'intensité des symptômes et de l'histoire du patient.


Pharmacologie et troubles bipolaires - Neptune

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