2013 - Dépôt de plainte par la famille
« Une enquête préliminaire » est toujours en cours pour déterminer les conditions du décès. Le but est de comprendre pourquoi l'occlusion intestinale a été fatale, de voir « si une faute quelconque a été commise », explique le procureur de la République Bernard Farret. La famille juge d'ores et déjà l'hôpital responsable. La mère et la grand-mère de Mélodie ont d'ailleurs déposé plainte auprès du commissariat d'Abbeville pour « mise en danger d'autrui » la semaine suivant le décès : « Depuis, rien, nous n'avons pas de nouvelles. C'est dur. » Kévin Thorel précise d'abord que sa sœur et lui ont été placés en famille d'accueil à l'âge de 4 et 7 ans. « Elle a fait plusieurs familles, elle n'a pas eu un parcours facile », confie-t-il. Souffrant d'un mal-être, de troubles du comportement, elle se retrouve à l'hôpital psychiatrique Pinel, à Amiens, pendant six ans. Puis, début 2013, arrive à l'hôpital d'Abbeville. L'occasion pour son frère de resserrer les liens familiaux. « J'allais la voir tout le temps », raconte Kévin Thorel.
« Un membre du personnel est venu la chercher et l'a ramenée à pied. Ils lui ont donné un Spasfon »
Et puis un jour, elle a commencé à se plaindre de maux de ventre. « On a d'abord pensé que c'était à cause de son traitement médical, qui était très lourd. Mais quand elle venait manger à la maison, elle n'arrivait plus à manger », poursuit le jeune homme. Qui affirme : « J'en ai parlé à l'hôpital, j'ai demandé une fibroscopie, mais rien n'a été fait. » L'état de Mélodie semble s'améliorer. Mais le mercredi 21 août, quand elle se rend chez sa grand-mère, elle est au plus mal. « Elle était pliée en deux, elle avait très mal au ventre », rapporte Kévin Thorel. « Sa grand-mère a rappelé l'hôpital. Un membre du personnel est venu la chercher et l'a ramenée à pied. Ils lui ont donné un spasfon. Elle est allée se coucher et ne s'est jamais réveillée. Ils l'ont découverte à 8 h 45. »
« Elle est toujours à se plaindre, mais si on l’écoutait on lui donnerait toujours des médicaments »
(2)La famille est prévenue du décès. Mais quand elle arrive à l'hôpital, « ils avaient déjà enlevé le corps et nettoyé la chambre ». « À la morgue, nous n'avons pas pu la voir, car il y avait une demande d'autopsie. » Les membres de la famille sont également conviés au commissariat pour témoigner. « Pour moi, ils auraient dû le voir, il n'y a pas eu de surveillance correcte », souligne Kévin Thorel. Il insiste : « Nous voulons savoir ce qui s'est passé, par respect pour ma sœur. Et pour que cela n'arrive plus. »
« Nous étions en période estivale »
Interrogé sur cette affaire, le directeur de l'hôpital d'Abbeville, Hervé Ducrocquet, commente : « On ne peut que compatir à la douleur de la famille. Cette jeune femme venait tout juste d'avoir 18 ans, on comprend la surprise et la douleur de la famille (...) Il ne m'appartient pas à ce stade de me prononcer, car je n'ai pas d'éléments suffisants. On attend les résultats de l'enquête. Elle dira s'il y a eu manque de suivi. » Il défend toutefois l'intervention des services : « Elle était dans une chambre individuelle. Le nettoyage a été fait rapidement car les circonstances étaient particulières. Nous sommes dans un service psychiatrique, cela aurait pu provoquer un traumatisme chez les autres patients. Et nous étions en période estivale. »
Octobre 2013 - Ouverture d'une information judiciaire par le procureur
A la suite de l'enquête préliminaire de police, le procureur décide de confier la plainte à un juge d'instruction. Il répond au Quotidien du Médecin « Ouvrir une information contre X pour homicide involontaire signifie qu’on estime qu’une faute a pu être commise ».
Sources :
- Kévin veut savoir pourquoi sa petite sœur est morte à l’hôpital, le Journal d'Abbeville, 3 octobre 2013
- Enquête après la mort de Mélodie, Courrier Picard, 19 octobre 2013
- Décès à l’hôpital d’Abbeville : une information judiciaire contre X pour homicide involontaire, Le Quotidien du Medecin, 24 octobre 2013
25 octobre 2014 : où en sommes nous ?
Silence total dans les médias. Pas de jugement, pas de condamnation. Va-t-on, comme dans l'affaire similaire du décès de Florence Edaine (3), faire durer une procédure pendant 10 ans pour protéger les personnels dont la faute est manifeste ?
Le droit de choisir son établissement de soins psychiatriques
La loi L.3212-1, spécifique au droit des personnes en matière de soins psychiatrique, stipule que vous êtes libre de choisir votre établissement et votre équipe de soins, y compris en dehors de votre "secteur". Malheureusement elle n'est pas respectée par les hôpitaux. Nous vous conseillons de la faire valoir : la jurisprudence a montré qu'il est pour cela nécessaire de justifier d'un suivi réel auprès des professionnels de votre choix.
Le secteur couvert par le Centre Hospitalier d'Abbeville (60 lits en psychiatrie)
Liens utiles
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- Signatures forcées, comment se rétracter
- Porter plainte contre un hôpital psychiatrique
Mélodie Thorel, décédée le 22 Aout 2013 faute de soins, à l'Hôpital Psychiatrique d'Abbeville.
Kevin Thorel, son frère ainé, veut savoir
(2) Propos du soignant rapportés par Kevin Thorel dans le "Journal d'Abbeville"
Hervé Ducroquet, directeur : "Nous étions en période estivale"
En diffusant ce type d'information, nous savons que l'on va penser que nous sommes mus par la révolte, la colère, ou même la méchanceté envers les structures ou les personnes. Ce n'est pas le cas, même si nous avons nous-même vécu ce que les témoins racontent. Nous voulons par ces descriptions, que l'on prenne plus de soin.
Que les personnes devant se rendre dans ces lieux soient vigilantes,
Que les médecins prennent conscience des effets de certaines pratiques mécaniques, déshumanisantes, désocialisantes et finalement iatrogènes,
Que les personnes découvrant cet univers réfléchissent avant d'y conduire un proche. Et qu'elles restent, justement, très proches et vigilantes avant, pendant et après le séjour.
En diffusant aussi des descriptions de lieux de bientraitance, nous ne voulons pas simplement faire un effet de contraste : nous voulons montrer que c'est possible, ici et maintenant, et pour tous.
Neptune.