Hôpital psychiatrique de Rouffach (68) - témoignages, avis
Avertissement
Cet article concerne uniquement les unités fermées de Rouffach, qu'il faut encore essayer à tout prix d'éviter. Les importants efforts de communication de la direction de cet hôpital à l'intention des élèves infirmiers, des familles, de certaines associations et du public, la promotion interne de "bonnes pratiques" ne peuvent faire oublier les pratiques réelles observées de l'intérieur.
Question de conscience : faut-il, devons-nous ou pas informer les personnes qui devront un jour y faire un séjour, leurs familles, par un tel article ? Nous pensons qu'il vaut toujours mieux être prévenu, ainsi chacun peut prendre ses dispositions, et se préparer. Les familles sauront mieux peser leur décision d'interner un proche, et le feront en connaissance de cause. Autre façon de raisonner : devons-nous ne pas le faire, nous taire ? Assurément pas.
Enfin, nous ne publions la description d'une maltraitance dans un établissement, que lorsqu'il peut être recommandé un autre établissement (public ou privé) à une distance raisonnable, ce qui est le cas pour Rouffach, car personne ne peut vous imposer cet hôpital plutôt qu'un autre. Et tout est préférable aux unités fermées de Rouffach.
Seuls les témoignages de "patients" sont pris en compte dans nos différentes évaluations.
Nom : Centre Hospitalier de Rouffach
Adresse : à 20 km au sud de Colmar, 50 km au nord de Mulhouse
Résumé : Fleuron de la psychiatrie française pour les uns, véritable enfer pour ceux qui ont séjourné dans les unités fermées et y ont survécu. On retrouve les mêmes patients en 2013 qu'en 2008, 4 ans plus tard, sans aucun changement, sauf les médecins qui, eux, ne restent pas longtemps.
Site : http://www.ch-rouffach.fr/
Motif d'admission
Le témoignage suivant est en quelque sorte une synthèse.
"On est traités et considérés comme des animaux."
J'ai séjourné trois fois à l’hôpital psychiatrique de Rouffach en unité fermée : entre 2008 et 2013. Rien n'a changé en quatre ans.
Les malades, de tous âges, se retrouvent enfermés, entassés les uns sur les autres. Toutes les pathologies se côtoient et c’est très déstabilisant pour les personnes les plus fragiles : schizophrénie, bipolarité, dépression, alcoolisme, toxicomanie, autisme, trisomie, personnes suicidaires, délinquants sexuels…
Personnes agressives verbalement et/ou physiquement, délirantes ; personnes désorientées et ayant besoin de calme, et qui vivent dans l’angoisse avec une telle agitation permanente.
Certains patients ont besoin de communiquer, d’être entendus : le personnel n’a pas le temps. D’autres sont dans le silence total, alors qu’ils vont très mal, le personnel n’a toujours pas le temps.
Les comportements du personnel soignant, les réactions des patients
Certains membres du personnel soignant essaient de faire de leur mieux dans des conditions très difficiles : écoute, bienveillance. Mais on sent chez beaucoup d’entre eux un découragement qui se lit sur leur visage, une robotisation des soins, un recours systématique aux solutions radicales : l’isolement, la contention.
Ils ramènent leur vie personnelle à l’unité. On ne devrait pas entendre certaines de leurs conversations. Les soignants semblent faire totalement abstraction des patients qui font partie des meubles. Leurs problèmes personnels et leurs crises ne devraient pas être infligés à des personnes en détresse sur le plan psychologique, social et/ou familial. Elles n’ont pas besoin de ça en plus.
On remarque la lassitude, le ras le bol chez bon nombre de membres du personnel.
« Lorsque l’on passe devant une cellule d’isolement, il y a des odeurs d’urine »
L’espace est restreint, les cellules d’isolement sont toujours occupées, souvent parce qu’il manque des lits. Lorsque l’on passe devant une cellule d’isolement, il y a des odeurs d’urine.
Les patients revendicatifs, agressifs verbalement ou ayant des gestes menaçants sont immédiatement mis en cellule d’isolement et/ou en contention. Par la suite, la contention est une arme de dissuasion massivement employée.
L’arrivée d’une dizaine de blouses blanches devant un patient engendre toujours de la peur chez ceux qui assistent à la scène
- certains craignent d’y passer,
- ceux qui sont passés par là sont terriblement angoissés.
Des patients éprouvent du soulagement d’être débarrassés d’un élément particulièrement déstabilisant et médisent sur la personne en question : « Il (elle) l’a cherché, etc. »
D’autres, des hommes, semblent avoir pris le pli de ce "traitement" qui devient "leur normalité" : dressés à être mis en cage, et/ou attachés comme des animaux.
La peur est présente et palpable en permanence.
On retrouve la même population dans l’unité quatre ans après. Les violents, les victimes, ils sont tous là ! A se demander si certains sont sortis de cet univers en quatre ans ?
Attacher une personne dès sa sortie de coma
En 2008, à la suite d'un malaise, je m’écroule dans le réfectoire à midi, je perds connaissance. Le rapport médical parle de "symptômes de manque". Droguée par les traitements, ou à cause du traumatisme, je ne me souviens que d'images et de bruits.
Couleurs criardes, vétusté, lit au milieu de la pièce, mauvaise odeur, atmosphère glaciale, caméra pour observer le patient, lumière qui fait mal aux yeux au-dessus de ma tête.
Je ne comprends pas à mon réveil pourquoi je suis attachée et bouclée, alors que je peux à peine remuer un doigt. Le temps ne signifie plus rien : je n’ai plus aucun repère temporel. Je pense avoir passé trois jours attachée.
Les soignants sont très peu présents : deux ou trois minutes lorsqu’ils passent, peut-être deux fois par jour.
On ne me rassure pas, personne ne me dit que ça va bientôt s’arrêter. J’ai l’impression que cette situation ne s’arrêtera jamais, que je suis attachée pour la vie. L’horreur, la douleur physique et psychologique, l’incapacité de comprendre ce « traitement » sont insupportables. Je sais alors ce que signifie la souffrance « éternelle ».
La seule chose qui me passe par la tête : « C’est comme ça qu’on soigne les gens en France ? ». Lorsque je sors enfin, personne ne m’explique ce qui s’est passé.
Rien n’apparaît dans les dossiers médicaux, sauf un "numéro d'ordonnance". C'est un non-respect de l'esprit de la loi, qui exige que l'on trace les actes médicaux. Pourtant les prescriptions médicamenteuses figurent bien au dossier.
Les psychiatres
Les patients attendent très longtemps pour rencontrer un psychiatre. Ils demandent souvent quand est prévu le prochain entretien avec un psychiatre. On leur répond souvent qu’on ne sait pas si le psychiatre sera là et aura le temps. L’attente est interminable. Tous n'ont qu'une demande : sortir de l’enfer de l’enfermement.
Les psychiatres ne s’intéressent pas aux problèmes de fond des patients, à leur histoire. La majorité des psychiatres ne sont pas d’origine française, ce qui n'est pas en soi répréhensible, mais révélateur : les psychiatres d’origine française sont démissionnaires de cet endroit peu attractif. Des médecins de Strasbourg "viennent" de Rouffach, l'inverse est rarement vrai.
Harcèlement sexuel à tous les étages, sans intervention des soignants
Tous âges confondus, certains patients harcèlent sexuellement les femmes, du matin au soir. Le personnel ne fait rien ou fait mine de ne pas voir, nous dit de ne pas y prêter attention, que « ce n’est pas grave ».
Un patient fragile était victime d’abus sexuels de la part de délinquants sexuels. Ces faits étaient soumis à la loi du silence. Ce patient demandait à être enfermé dans sa chambre la nuit par les infirmier(e)s. Il me désignait ses agresseurs par un geste discret.
L’abus sexuel d’un aide-soignant, Xxxxxxx : connu des patientes pour attouchements, connu des équipes. Sa technique est la bienveillance apparente, et ses mains sont sur vous très vite. Quel mal y a-t-il en effet à profiter de personnes "inférieures" ?
L’hôpital ne semble pas prendre les mesures qui s’imposent : protéger les patients des autres patients, sanctionner les membres du personnel ayant ce comportement prédateur.
« Même en prison, on a plus de liberté qu’ici ! »
Les activités
Elles sont inexistantes dans certaines unités fermées : les patients sont livrés à eux-mêmes du matin au soir et errent ou restent assis dans les couloirs. Parfois, une infirmière propose un jeu de société (unité fermée 2011).
Les sorties
Dans une unité fermée en 2013 : deux sorties d’à peine quelques minutes (matin et soir) dans la cour pour les fumeurs. Une jeune femme ayant fait de la préventive n’en revient pas des conditions de prise en charge des patients : « Même en prison, on a plus de liberté qu’ici ! »
La propagande et les tentatives d'humanisation
De vains efforts sont tentés par quelques cadres, qui se heurtent au conservatisme de chefs de service peu empressés de se remettre en question.
Ce ne sont pas les initiatives comme la "Semaine de la sécurité des patients" (novembre 2013), ou une expérience lancée en 2011 sur les pairs-aidants, rapidement abandonnée, ou quelques pièces de théâtre, qui auront changé ce que l'on a vu de nos propres yeux à l'intérieur des unités fermées, qui reste de la maltraitance pure et dure, et qu'il faudra bien un jour assumer.
On ne reconstruit pas une institution délabrée avec une succession d'expérimentations, de mesures cosmétiques et de communication.
On abolit la maltraitance comme on a aboli la peine de mort, on ne l'aménage pas, on ne la rend pas plus humaine.
En France, on est malheureusement obligé de considérer que les recommandations ne sont pas suivies.
En France, pour sauver des vies, nous avons été obligés d'interdire les dépassements de vitesse sur la route, et de sanctionner sévèrement les contrevenants. Les hôpitaux psychiatriques n'échappent pas à la règle. Tant qu'il ne leur est pas fermement interdit certaines pratiques, elles perdureront. Voir aussi notre article Hôpital Sainte-Anne, 4 ans après le film et les sanctions symboliques, rien n'a changé.
Dossiers médicaux
Faut-il alourdir encore ce triste article ?
Les dossiers médicaux sont rédigés à la va-vite par un personnel pressé.
La parole du patient est qualifiée de délirante lorsqu'on parle de maltraitance psychiatrique vécue. Lorsque l'on parle d'événements familiaux lointains, elle est prise pour argent comptant. Ainsi le chapitre "histoire de la maladie" et "antécédents" diffère totalement d'une hospitalisation à l'autre !
En résumé, les rapports donnent l'impression que "tout est retenu contre vous".
Il y manque des actes dits "médicaux" (mise en contention mécanique, mise en cellule d'isolement).
Le délai de communication des dossiers est long, il fallut relancer la direction de l'hôpital en recommandé.
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Centre Hospitalier de Rouffach
La "Direction de la clientèle et de la communication" tente vainement de faire évoluer les choses, mais se heurte à l'immobilisme des chefs de service concernés. Ainsi, en 2011, l'opération "Faire ensemble en psychiatrie" qui visait à démontrer qu'une autre forme de psychiatrie est possible, avec l'exemple et la visite de médecins, et pair aidants de Trente (Italie), n'a pas eu de suites.
Qu'en sera-t-il de la "Semaine de la sécurité des patients" ?
Règles relatives à la publication d'avis
Les témoignages reflètent les opinions de leurs auteurs. Ils sont acceptés lorsqu'ils proviennent d'usagers ayant été directement confrontés aux établissements et/ou aux personnels médicaux. Ces derniers ne sont pas cités nominativement. Les témoignages et avis positifs ou négatifs sont acceptés s'ils sont suffisamment précis sur les faits relatés. Ils sont publié jusqu'à obsolescence, c'est à dire que les faits ne doivent pas remonter à plus de 10 ans, sauf mention expresse de description d'un fait d'histoire et intéressants pour une perspective historique clairement exprimée comme telle.
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