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Positions du CRPA, et de Neptune, sur le projet de loi d'organisation de la "santé mentale" et de la psychiatrie - 18 nov 2014

Par Neptune 

le 20/11/2014 

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Voici le texte intégral d'une publication du CRPA, à laquelle nous souscrivons mot par mot


Positions du CRPA exposées le 18 novembre 2014, au Ministère de la santé, lors d'une audition par M. Michel Laforcade, directeur général de l’Agence régionale de santé Aquitaine, missionné par la Ministre de la santé, sur le volet santé mentale du projet de loi de santé.

Positions du CRPA sur l’organisation de la santé mentale et de la psychiatrie, au sens de l’article 13°) du projet de loi de santé.





I. A propos de deux points importants du projet de loi de santé :


Notre association tient tout d’abord à souligner deux points importants voire fondamentaux du projet de loi de santé approuvé le 15 octobre passé en Conseil des ministres, en ce qu’ils renforcent les droits des patients en général, et en particulier ceux des usagers en psychiatrie et en santé mentale :

1°) Ce projet de loi va légaliser l’action de groupe en matière de santé. Cela va permettre à des requérants de demander aux juridictions compétentes, de façon plus efficace qu’actuellement, la condamnation des firmes pharmaceutiques, des vendeurs et des prescripteurs de molécules aux effets iatrogènes incontrôlables. Ce point est particulièrement important en matière de psycho-médicaments, où quantité de substances actuellement sur le marché ont des effets iatrogènes pour le moins puissants et pouvant porter atteinte à la santé des personnes soumises à ces traitements. Nous soulignons à cet endroit qu’en matière psychiatrique les traitements administrés peuvent l’être sous contrainte, ou sous la menace de la contrainte en application de  la législation française du 5 juillet 2011 sur les soins psychiatriques sans consentement, alors même que les molécules en question peuvent être particulièrement toxiques.

2°) Ce projet de loi par ailleurs, introduit le tiers payant généralisé, qui est une mesure favorable pour l’accès à la santé, pour les personnes des classes sociales populaires. Nous attendons de cette généralisation du tiers payant que dans les consultations psychiatriques privées, il puisse y avoir un frein posé à certaines dérives. Nous pensons notamment aux dépassements d’honoraires excessifs, et au fait que nombre de psychiatres exerçant dans le privé, dès lors que vous les consultez pour faire un travail de psychothérapie d’inspiration psychanalytique, quittent la carte Vitale ou la feuille maladie et le cadre des tarifs conventionnés ou contractualisés, pour des honoraires de consultation libres. Cette pratique, malheureusement répandue, fait obstacle à l’accès aux cures de type psychanalytiques pour les personnes d’appartenance populaire n’ayant pas les moyens de payer de tels honoraires libres. Les patients des classes populaires sont ainsi renvoyés à l’abrutissement par des psycho-médicaments, seule modalité thérapeutique pratiquement accessible, et ne peuvent donc pas aisément accéder à des thérapies plus humaines, et plus approfondies, lesquelles sont ainsi réservées aux classes sociales aisées et aux classes moyennes. Il doit être mis un signal d’alarme sur ce hiatus dans l’accès à des soins psychiatriques et en santé mentale de qualité, dans le circuit privé, entre les patients des classes populaires et ceux des classes sociales aisées.

II. Sur l’organisation territoriale des prises en charge psychiatriques :


1°) Sur le libre choix du praticien et du secteur psychiatrique pour le patient et sa famille :

Nous pensons que vu le cadrage opéré dans l’article 13°) du projet de loi de santé, de la sectorisation psychiatrique intégrée dans le service territorial de santé au public pluri- disciplinaire, sous la direction des Agences régionales de santé, il y a une nécessité de garantir et de réaffirmer le libre choix pour le patient et sa famille, du praticien et de l'équipe de santé mentale publique ou privée, dans les soins libres comme dans les soins sous contrainte.

En effet, dans le cadre proposé, le secteur psychiatrique est une prestation spécifique insérée dans les prestations sanitaires et médico-sociales généralistes du territoire, dont le maillage est supervisé par les agences régionales de santé et leurs délégations départementales.

Nous courons donc le risque que d’un point à l’autre du territoire concerné, les prestataires en matière psychiatrique et de santé mentale se voient liés les uns aux autres par le biais des conventions avec l’Agence régionale de santé,  provoquant ainsi des situations de conflits d’intérêts. Ainsi d’un patient qui entendrait passer d’un point à l’autre du dispositif, alors même qu’il est en conflit avec son suivi du secteur psychiatrique. Vu le maillage des prestations couvert par l’Etat, tel prestataire pourrait aussi bien lui opposer qu’il est en lien d’intérêt, de dépendance ou de subordination avec tel autre prestataire du territoire de santé concerné, et refuser ainsi au patient une prise en charge alternative à celle du secteur psychiatrique. Cela sans que ce patient puisse valablement défendre, de façon opposable et praticable, son libre choix de l’équipe de santé mentale, et du secteur, comme du praticien.

Nous proposons donc de renforcer légalement le principe du libre choix du praticien et du secteur psychiatrique dans la loi du 5 juillet 2011 elle-même.

Nous proposons deux amendements au premier alinéa de l'article 13°) de ce projet de loi :

Le premier visant à ce que le libre choix du praticien et de l'équipe de santé mentale publique ou privée, s'exerce également quand la personne est en soins sous contrainte.

Le deuxième amendement tendant à ce que ce principe du libre choix du secteur psychiatrique et de l'équipe de soins comme du praticien, soit inséré parmi les droits dont disposent en tout état de cause les patients qui sont tenus sous mesures de soins sous contrainte, et qui sont listés dans l'article L 3211-3 du code de la santé publique, issu de la loi du 5 juillet 2011.

Cela dans le but de rendre opposable ce libre choix du secteur comme du praticien, de sorte que la non information du patient sur ce libre choix, ou l'obstacle mis à l'exercice de ce droit puissent être considérés comme une illégalité substantielle pouvant entraîner une mainlevée  de la mesure de soins sous contrainte, si une telle mesure est en cours et est soumise au contrôle d’un juge des libertés et de la détention, ou une indemnisation en cas de contentieux a posteriori portant sur une mesure de soins sans consentement.

Dans ce cadre, le deuxième alinéa de l’article L. 3211-1 de la loi du 5 juillet 2011, porté au code de la santé publique, se lirait :

« Toute personne faisant l’objet de soins psychiatriques, ou sa famille, dispose du droit de s’adresser au praticien ou à l’équipe de santé mentale, publique ou privée, de son choix aussi bien dans le cadre de soins libres que dans celui de soins sous contrainte. »

Quant à l’article L 3211-3 du même code sur les droits des personnes tenues sous mesures de soins sous contraintes, il serait modifié comme suit :

« En tout état de cause, elle [la personne tenue sous contrainte] dispose du droit :

5°) nouveau: « de s’adresser à un praticien ou à l’équipe de santé mentale publique ou privée de son choix.».

Les points 5°) et suivants actuels prenant une numérotation décalée d’une unité.  

2°) Sur la sectorisation psychiatrique :


En ce qui concerne l'articulation du secteur psychiatrique dans le service territorial de santé au public, qui implique nécessairement une perte de spécificité de la discipline psychiatrique, vu son intégration dans un ensemble de prestations sanitaires et médico-sociales généralistes, nous ne pensons pas que cette question concerne pleinement, tout au moins en première ligne, les usagers et anciens usagers contraints de l’institution psychiatrique que nous sommes. Nous pensons que la parole sera plus utilement portée par des professionnels de santé mentale, puisque après tout il s'agit, dans le cadre de l'organisation territoriale des prises en charge, de l'organisation de leurs professions.

Néanmoins, nous tenons à affirmer que nous défendons l’idée qu’il faut en finir avec la citadelle psychiatrique, avec ce monde clos et autarcique qui provient des anciens asiles d’aliénés et des hôpitaux psychiatriques villages, que le rédacteur de la présente note a bien connu dans les dernières années de la loi du 30 juin 1838. Mais s’il faut en finir avec ce monde ancien et actuellement nécessairement révolu, autant que ce soit dans le sens d’un humanisme et non dans celui d’une  psychiatrie biologique où prévalent le médicament, l’abrasion des symptômes et la déshumanisation des patients.

Nous tenons à dire que si, depuis 25 ans, ce sont environ 50 000 lits de psychiatrie qui ont été fermés, cela ne s'est pas accompagné d'une due péréquation en faveur de l'ouverture de places et de structures de proximité, dans la cité, favorisant des prises en charge libres, sans qu'il y ait besoin de ce surcroît d’hospitalisations sans consentement, et d'enfermements que nous connaissons ces vingt dernières années.

En effet, il est avéré que nous sommes actuellement dans une époque où, en psychiatrie publique hospitalière, la contrainte domine, le soin libre a régressé. Des pratiques répressives sont à l'ordre du jour, dont certaines étaient plus ou moins tombées en désuétude au fur et à mesure des années 70 et 80, qui ont connu l’ouverture des hôpitaux psychiatriques et le développement de la psychiatrie de secteur. Ainsi de la mise en isolement et sous contention souvent systématiques dès l'admission dans certains services, pour des périodes parfois longues, sans qu'il y ait de justifications impératives à cela.

3°) Sur les propositions d’amendements faites le 31 octobre 2014, par la Conférence des Présidents des Commissions médicales des établissements psychiatriques, les établissements privés non lucratifs regroupés dans la FEHAP, la Fédération hospitalière de France, l’UNAFAM et la FNAPSY :

De ces propositions d’amendements des organisations institutionnelles précitées, nous ne soutenons guère que la proposition d’amendement de l’article 3222-1 du code de la santé publique visant à clarifier la définition légale de la psychiatrie, par différence avec la santé mentale, ainsi que les propositions d’articles additionnels relatifs à des rapports à établir dans les trois mois qui suivront la promulgation de la loi de santé :

-         Sur les modalités de coopération entre les Agences régionales de santé, les secteurs psychiatriques, et les diverses institutions du territoire impliquées dans les prises en charge psychiatriques.

-         Sur le statut législatif et réglementaire des UMD.

-         Sur l’évolution de l’organisation de l’Infirmerie psychiatrique de la préfecture de police de Paris (I3P).

-         Sur les dysfonctionnements qui entachent les commissions départementales des soins psychiatriques (CDSP).

Pour le reste, nous ne pouvons pas soutenir les autres propositions d’amendements faites dans ce communiqué de presse du  31 octobre  2014, et relatives à l’organisation territoriale des prises en charge en matière psychiatrique, parce qu’elles nous semblent beaucoup trop marquées de la volonté de généraliser les soins ambulatoires sous contrainte, ou tout au moins des parcours de soins effectués sous la menace de tels soins sous contrainte, lesquels reposent essentiellement, dans l’esprit des signataires de ces propositions d’amendements, sur les psycho-médicaments. En effet selon nous, il faut, dans ce pays, ouvrir aux patients des alternatives au tout médicament.

Au surplus la conception des prises en charge ici développée, reste marquée par l’hospitalo-centrisme qui a été à la base de la mise en échec de la politique de secteur à partir des lois sur la sectorisation psychiatrique de 1985 et 1986, et qui, historiquement, est un des facteurs structurels qui a induit la hausse des hospitalisations sans consentement que nous connaissons en France depuis plus de de vingt ans. Le système psychiatrique français est centré sur l’hôpital, et par voie de conséquence sur l’hospitalisation sans consentement et sur les soins sous contrainte. Selon nous le rattachement des secteurs et des prestations de proximité psychiatriques aux établissements hospitaliers pose problème. Il nous semble qu’il serait nécessaire d’ouvrir un débat sur cette question.

3°) Sur la conception dominante actuelle des soins psychiatriques, ainsi que dans nombre de  prises en charge en santé mentale :

Nous voulons enfin faire connaître très clairement notre désaccord formel avec cette orientation qui est celle massive de la psychiatrie publique, qui consiste en se reposer sur le médicament, à ne faire que prescrire, mettre sous injections neuroleptiques retard, et estimer que le soin c’est cela et que cela s'arrête là. Nous affirmons que nous ne concevons pas le parcours de soins d’un patient suivi en psychiatrie pour des problèmes de santé mentale comme devant être essentiellement médicamenteux. A notre sens toutes alternatives sont possibles, et tout d’abord celle qui consiste en aider à la restauration du libre arbitre chez le patient.

Nous sommes très clairement opposés au fait que la réponse chimiothérapique soit la réponse prévalante dans les prises en charge psychiatriques. Selon nous, l’administration de psycho-médicaments ne devrait être qu’un moment de la prise en charge, et non comme on le voit trop souvent le seul et unique moyen de réponse aux patients et à leurs symptômes.

Je renvoie sur ce point à l’exposé de nos positions lors de notre audition par M. Denys Robiliard, au titre de la Mission d’information sur la santé mentale et l’avenir de la psychiatrie, le 21 novembre 2013.

Nous pensons, en effet, qu’un effort doit être consenti pour améliorer la formation des professionnels intervenant en psychiatrie et en santé mentale. Ce terrain est en fait aussi bien un terrain des sciences humaines, juridiques et sociales. Il ne peut être laissé dans les seules mains de personnes essentiellement formées à la prescription médicamenteuse, et à la mise sous observation des patients, aux seules fins de savoir si les traitements prescrits ont été effectivement ingérés ou non.

Cette conception du soin et des patients est, de nos jours, malheureusement celle de la majorité des soignants en psychiatrie et en santé mentale. Elle est aussi malheureusement, celle qui prévaut dans les hiérarchies étatiques ou des organismes publics et privées décideurs sur ce terrain, comme dans la principale organisation des familles de patients. Ces décideurs en la matière conçoivent, dans leur majorité, le parcours de soins en psychiatrie, comme étant essentiellement centré sur le médicament et devant être contraint, ou sous menace de contrainte. Cette conception n’est pas digne de ce pays parmi les plus évolués du monde qu’est la France, et de notre 21ème siècle.

Par ailleurs, on peut trouver problématique voire scandaleux, que dans la psychiatrie française, les psychologues jouent un rôle aussi peu important que celui qui est le leur actuellement, à telle enseigne que dans le cadre d’une prise en charge dans le dispositif de soins psychiatriques de secteur, les patients rencontrent, de nos jours, des obstacles importants pour accéder à des entretiens psychothérapeutiques.

Cela alors même que sont en place, dans le dispositif de soins psychiatriques public, toutes les facilités pour surdoser les patients de psycho-médicaments, et pour que ceux-ci déclenchent en conséquence, des affections iatrogènes en série, tout en étant aussi chronicisés que possible. Au total, ces mêmes patients font des carrières de malades à vie. Puis ensuite, au hasard de tels travaux statistiques, ou de déficits trop chroniques et trop importants des fonds publics, on vient s’étonner de ce que les coûts induits par de telles pratiques institutionnelles soient rédhibitoires pour les fonds publics et pour ceux de la sécurité sociale.

Sur ce même plan, et pour conclure, nous tenons à signaler qu’il y a tout de même, à notre connaissance, un nombre alarmant de patients qui décèdent prématurément du fait des surdosages en psycho-médicaments en établissements psychiatriques, ou en ambulatoire, et qu’en soi, un tel état de fait devrait provoquer des études sérieuses actuellement non produites, et pour cause. Ces questions sont habituellement esquivées et mises de côté.

Mais il est également vrai que la vie même d’une personne atteinte de maladie mentale n’est d’aucune importance, ou pas loin, et que les parquets classent comme morts naturelles, systématiquement ou presque, les cas de morts subites par surdosage de neuroleptiques et d’autres psycho-médicaments, distribués larga manu, dans les enceintes psychiatriques hospitalières.

La psychiatrie française ne peut pas continuer ainsi. Une réforme est nécessaire.



Pièces jointes :

-         Présentation du Cercle de réflexion et de proposition d’actions sur la psychiatrie (CRPA).

-         Positions du CRPA exposées lors de l’audition informelle du jeudi 21 novembre 2013, à propos du rapport définitif de la Mission parlementaire d’information sur la santé mentale et l’avenir de la psychiatrie (lien : http://psychiatrie.crpa.asso.fr/390 ).

Cf. sur le site du CRPA : http://psychiatrie.crpa.asso.fr/463 /

Ainsi que : http://psychiatrie.crpa.asso.fr/390 /


CRPA - Neptune

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Par Pink Belette

 5/4/2015, 13:30
https://www.youtube.com/watch?v=IgCpa1RlSdQ

Neptune

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