Traitement des dépressions des troubles bipolairesArticle original publié en aout 2013. Texte intégral, recopié et commenté pour cause d'utilité publique. Par : Bluenn QUILLEROU, Praticien hospitalier, service universitaire de Psychiatrie, hôpital Saint-Antoine, Paris, Liova YON, Praticien hospitalier, pôle de Psychiatrie, hôpital Henri-Mondor, Créteil, Frank BELLIVIER, Professeur des Universités, Praticien hospitalier, service universitaire de Psychiatrie, hôpital Fernand-Widal, Paris. Les renvois numériques par exemple "(1)" renvoient vers les notes bibliographiques de l'article original. Les renvois en couleur, par exemple "(a)", sont nos remarques. Neptune. | Préface Cet article est publié dans le dernier manuel de référence sur les antidépresseurs (ci-contre).
Voici les questions implicitement posées aux auteurs pour ce chapitre important de cet ouvrage imposant. Il n'a pas vocation à parler des effets secondaires, ni de neurophysiologie, sujets traités dans d'autres chapitres. Il ne remplace pas une consultation avec votre médecin, etc. Vous pouvez aussi directement aller à notre conclusion De nombreuses définitions et articles sur les troubles bipolaires sont donnés dans nos chapitres "Troubles bipolaires", "Troubles de l'humeur", ainsi que "Thérapies" | Les antidépresseurs - 2013 Chapitre 14 Sommaire Introduction I. Efficacité II. Tolérance III. Associations IV. Synthese V. Conclusion Avis de Neptune Annexes | |
Déclaration de liens d'intérêts (a)(a) Obligatoire depuis le 22 mai 2013 lors de toute communication écrite ou orale par un professionnel de santé des lors que la communication est liée à ces liens. Lire notre position sur ce sujet (b) Déclarer des conflits c'est prendre le législateur pour une bille, et les lecteurs pour des idiots. De la même façon, aux impôts, on fait une déclaration de revenus, pas une déclaration de fraude ! Mais la psychiatrie n'en est pas à un f. de g. près, et se situe ici encore au dessus des lois. Bluenn QUILLEROU "déclare ne pas avoir de conflit d'intérêt en lien avec le texte publié" (b) Liova YON "déclare ne pas avoir de conflit d'intérêt en lien avec le texte publié" (b) Frank BELLIVIER "déclare ne pas avoir de conflit d'intérêt en lien avec le texte publié" (b) Mise en conformité par Neptune : Bluenn QUILLEROU a des liens d'intérêt non négligeables avec Servier (Stablon, Valdoxan). Liova YON a eu en 2012 des liens d'intérêt non négligeables avec Servier (Stablon, Valdoxan) Frank BELLIVIER a des liens d'intérêt non négligeables avec Astra-Zeneca (Xeroquel), BMS-Otsuka (Abilify), Lundbeck (Seropram, Seroplex), Servier (Stablon, Valdoxan) | |||
(1)(5)(25)(29)(36)(37)(39)(44)(56)(64)(70) Notes peu utiles sur des faits très connus. Consulter l'annexe pour ces renvois. Symptôme classique des publiants, consistant à référencer chaque phrase ou lieu commun avec un renvoi bibliographique, pour faire "sérieux" et présenter une annexe impressionnante. Nous ne reprenons donc dans cette marge que les sources véritablement utiles à la démonstration des auteurs. (c) Produits cités dans cet article Anticonvulsivants thymorégulateurs : valproate : Depakote carbamazépine : Tegretol oxcarbamazépine : Trileptal lamotrigine : Lamictal Antipsychotiques atypiques : risperidone : Risperdal olanzapine : Zyprexa aripiprazole : Abilify quetiapine : Xeroquel Antidépresseurs : fluoxétine : Prozac paroxétine : Deroxat agomélatine : Valdoxan bupropion : Zyban Antidépresseurs anciens voir (f) Thymorégulateur : lithium : Theralite IntroductionLe trouble bipolaire est une pathologie chronique invalidante. Il est diagnostiqué avec un retard de 8 à 10 ans, ce qui expose les patients aux complications du trouble non ou non correctement traité (25, 39, 64). Il s'agit d'un trouble fréquent ; ainsi les études multinationales ont-elles révélé un taux de prévalence sur la vie entière d'environ 1,6 p. 100 pour le trouble bipolaire de type 1 (70) et un taux de 5,5 p. 100 pour le spectre des troubles bipolaires de types 1 et 2 (5). Les épisodes dépressifs caractérisés et les symptômes dépressifs résiduels constituent le principal handicap de cette maladie (29, 36). En effet, les patients bipolaires passent trois fois plus de temps déprimés que maniaques ou hypomaniaques, et cela sans considérer les périodes de dépression résiduelle (40). Par ailleurs, ces périodes subsyndromiques sont caractérisées par une diminution significative des performances et du fonctionnement social des patients (1, 44) et sont associées à une augmentation du risque de récidive d'épisode dépressif caractérisé, qui est alors triplé (37). Cela montre l'importance de la rémission complète comme objectif du traitement de la dépression bipolaire, avec notamment comme cible un retour à un niveau de fonctionnement psychosocial normal. Le but des prises en charge de la dépression bipolaire est également de diminuer le risque suicidaire. En effet, parmi les troubles psychiatriques, les troubles bipolaires font partie de ceux qui entraînent le plus de suicides (56). Ainsi les enjeux du traitement de la dépression bipolaire sont-ils multiples et majeurs. Actuellement, nous disposons d'un panel thérapeutique non médicamenteux (non abordé ici) et médicamenteux, comprenant notamment le lithium, le valproate, la carbamazépine (et l'oxcarbamazépine), la lamotrigine, les antipsychotiques atypiques et les antidépresseurs (c). Au sujet de cette dernière classe, ces cinq dernières années ont été marquées par des débats importants sur les avantages et inconvénients de leur usage dans le trouble bipolaire. Nous nous proposons ici d'en faire une synthèse. | |||
(d) FDA : Food and Drugs Administration, autorité sanitaire des USA. (7) BALDESSARINI RJ, LEAHY L, ARCONA S et al. Patterns of psychotropic drug prescription for U.S. patients with diagnoses of bipolar disorders. Psychiatr Serv, 2007, 58 : 85-91. (30) GRUNZE H, KASPER S, GOODWIN G et al. Recommandations pour le traitement biologique des troubles bipolaires : chapitre I : traitement de la dépression bipolaire (trad fr ; S Dollfus, P Delamillieure). World J Biol Psychiatry, 2002, 3 : 115-124. (49) MOLLER H J , GRUNZE H , BROICH K. Do récent efficacy data on the drug treatment of acute bipolar dépression support the position that drugs other than antidepressants are the treatment of choice ? A conceptual review. Eur Arch Psychiatry Clin Neurosci, 2006, 256:1-16. (63) SIMON NM , OTTO MW, WEISS RD et al. 2004. Pharmacotherapy for bipolar disorder and comorbid conditions : baseline data from STEP-BD. J Clin Psychopharmacol, 2004 , 24 : 512-520. (45)(51)(52)(60) Excès de notes, voir l'annexe en cas de besoin. (e) Nous contestons et avons publié les véritables chiffres : les antidépresseurs sont à peine plus efficaces que le placebo dans le traitement de l'épisode dépressif majeur. Voir notre chapitre "Les antidépresseurs" I. EfficacitéLes antidépresseurs sont très largement prescrits dans les troubles bipolaires, autant de type 1 que de type 2. Ils constituent 50 p. 100 des traitements initiaux administrés chez ces patients (7, 63). Cette large administration s'oppose au peu de consensus qui existe quant à leur utilisation. En effet, seule la fluoxétine, en association à l'olanzapine (c) , est approuvée par la FDA (d) dans la prise en charge de la dépression bipolaire (30). Il existe de nombreuses études étayant l'efficacité des différents antidépresseurs disponibles dans le traitement de la dépression unipolaire, même chez les patients résistants (45, 51, 52, 60). En outre, pour les nouveaux antidépresseurs, les études montrant leur efficacité sont méthodologiquement sophistiquées. Aussi ces antidépresseurs agréés au cours de ces deux dernières décennies ont-ils recueilli un niveau A de preuve pour leur efficacité (30)(e). Cela n'est malheureusement vrai que pour la dépression unipolaire. En effet, la bipolarité est un critère d'exclusion dans la plupart de ces études classiques (49). Plus récemment, plusieurs études se sont spécifiquement penchées sur cette question de l'utilisation des antidépresseurs dans la dépression bipolaire.
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Études en faveur de l'utilisation des antidépresseurs(f) Tricycliques : antidépresseurs apparus dans des années 50, aujourd'hui peu prescrits à cause de leurs effets secondaires importants. "Aussi apparaît-il que toutes les conclusions ne convergent pas vers la généralisation de l'utilisation des antidépresseurs"Les seuls autorisés en France, en seconde intention, sont la clomipramine (Anafranyl), l'amoxapine (Defanyl), l'amitriptyline (Laroxyl), la maprotiline (Ludiomil), la nortriptyline (Nortrilen, Aventyl), la dosulépine (Prothiaden), la doxépine (Quitaxon), l'imipramine (Tofranil), la tianeptine (Stablon), la trimipramine (Surmontil), (g) Inhibiteurs sélectifs irréversibles de la monoamine oxydase : premiers antidépresseurs, de type IMAO. Aujourd'hui seule l'iproniazide (Marsilid) est encore autorisé en France. (j) Les ISRS, ou Inhibiteurs Sélectifs de la Recapture de la Sérotonine sont les produits les plus vendus actuellement ; fluoxétine (Prozac), paroxéine (Deroxat), fluvoxamine (Floxyfral), citalopram (Seropram), escitalopram (Seroplex), sertraline (Zoloft). (k) Divers : La désipramine, tricyclique, n'est plus autorisée en France Le bupropion (Zyban) n'est pas autorisé en France pour la dépression Le topiramate n'est autorisé que comme antiépileptique en France (h) Apprécier le terme "suggèrent", et l'absence de chiffre, pour parler d'efficacité par rapport au placebo, pour une classe de médicament vendu par centaines de millions de boites dans le monde. Vu que lorsque des résultats probants existent, les auteurs brandissent des chiffres (voir plus haut), nous suggérons que cette "affirmation" indique que les résultats sont décevants. Au demeurant les études trouvées en faveur des AD portent sur de "faibles effectifs". On ne nous fera pas croire que des études à fort effectif n'ont pas été faites sur le sujet compte-tenu du marché. Nous en déduisons qu'elles ont été très décevantes pour les laboratoires, et ne sont donc ni citées ni publiées. (3) AMSTERDAM JD, GARDIA-ESPANA F, FAWCETT J et al.Efficacy and safety of fluoxétine in treating bipolar II major dépressive épisode. J Clin Psychopharmacol, 1998, 18:435-440. (10) BAUMHACKL U, BIZIERE K, FISCHBACH R et al. Efficacy and tolerability of moclobemide compared with imipramine in dépressive disorder (DS.M-III) : an Austrian double-blind, multicentre study. Br J. Psychiatry, 1989, 155 (SuppL 16) : 78-83. (15) COHN JB, COLLINS G, ASHBROOK E et al. A comparison of fluoxétine, imipramine, and placebo in patients with bipolar dépressive disorder. Int Clin Psychopharmacol, 1989, 4: 313-322. (20) FETTER JC, ASKLAND KD. Antidepressants for bipolar dépression. Am J Psychiatry, 2005, 162 : 1546-1548. (26) GHAEMI S N , GOODWIN FK. Antidepressants for bipolar dépression. Am J Psychiatry, 2005, 162 : 1545-1546. (27) GIJSMAN HJ, GEDDES JR, RENDELL JM et al. Antidepressants for bipolar dépression : a systematic review of randomized, controlled trials. Am J Psychiatry, 2004, 161 : 1537-1547. (32) GRUNZE H. Carbamazépine, other anticonvulsants and augmenting agents. In : HS AkiskaI, M Tohen. Bipolar psychopharmacotherapy : caring for the patient. London, John Wiley & Sons, 2006 : 63-84. (33) HAYKAL RF, AKISKAL HS. Bupropion as a promising approach to rapid cycling bipolar II patients. J Clin Psychiatry, 1990, 51 : 450-455. (34) HIRSCHFELD RM, FOCHTMANN LJ, MC INTYRE JS. Antidepressants for bipolar dépression. Am J Psychiatry, 2005, 162: 1546-1547. (35) HUMMELHOCH JM, THASE ME, MALLINGER AG et al. Tranylcypromine versus imipramine in anergic bipolar dépression. Am J Psychiatry, 1991, 148 : 910-916. (47) MC INTYRE RS, MANCINI DA, MCCANN S et al. Topiramate versus bupropion SR when added to mood stabilizer therapy for the dépressive phase of bipolar disorder : a preliminary single-blind study. Bipolar Disord, 2002, 4 : 207-213. (48) MOLLER HJ , BOTTLENDER R, GRUNZE H et al. Are antidepressants less effective in the acute treatment of bipolar I compared to unipolar dépression ? J Affect Disord, 2001, 67: 141-146. (57) SACHS GS, LAFER B, STOLL AL. et al. A double-blind trial of bupropion versus désipramine for bipolar dépression. J Clin Psychiatry, 1994, 55: 391-393. (59) SACHS GS, THASE ME, OTTO MW et al. Rationale, design, and methods of the systematic treatment enhancement program for bipolar disorder (STEP-BD). Biol Psychiatry, 2003, 53 : 1028-1042. Les premières études publiées, à la fin des années 1980 et au début des années 1990, concernaient les tricycliques. Ainsi a-t-il été montré que les tricycliques (f) avaient un taux de réponse (défini comme une amélioration d'au moins 50 % à l'échelle de dépression d'Hamilton) entre 50 et 70 % dans le traitement de la dépression bipolaire (10, 15, 35). De plus, des preuves ont également été rapportées en faveur d'une efficacité comparable des tricycliques chez des patients déprimés uni- ou bipolaires lors d'une large étude rétrospective chez 2 032 patients hospitalisés dans le service de Psychiatrie universitaire de Munich (48). Aucune différence n'a été mise en évidence, ni dans les scores de dépression utilisés en routine, ni dans les durées d'hospitalisation entre les patients unipolaires et bipolaires. A l'époque, les antidépresseurs autres que les tricycliques n'étaient que rarement utilisés. L'analyse de la co-administration de thymorégulateurs (quasi exclusivement le lithium) ne faisait pas non plus apparaître de différence. Ainsi cette étude menée par Möller et al. était-elle en faveur de l'efficacité des tricycliques dans la dépression bipolaire (48). Plusieurs essais contrôlés, sur de faibles effectifs, suggèrent (h) que les inhibiteurs irréversibles non sélectifs de la monoamine oxydase (g) (10), les inhibiteurs spécifiques de recapture de la sérotonine (ISRS) (3, 15)(j) et le bupropion (33)(k) sont plus efficaces que le placebo et au moins aussi efficaces que l'imipramine ou la désipramine (k) dans le traitement de la dépression bipolaire. Par ailleurs, une méta-analyse de 2004 de Gijsman et al. (27) montre également les effets bénéfiques des antidépresseurs dans cette indication. Les résultats de cette méta-analyse, bien que controversés par d'autres auteurs (20, 26, 34), ont été corroborés par la revue de la littérature publiée en 2006 par Grunze (32). En ce qui concerne le bupropion (k), son efficacité a été mise en évidence par des études sur de petits effectifs (n < 20) en double aveugle; comparant cet antidépresseur à la désipramine (57) ou au topiramate (47)(k). Toutefois, dans une large étude contre placebo où le bupropion était ajouté à un stabilisateur de l'humeur, il n'existait pas de bénéfice additionnel (59). Notons cependant que, parmi ces « nouveaux » antidépresseurs, dont font partie le bupropion et les ISRS, la paroxétine (un ISRS)(c) a également fait l'objet de nombreuses études. Celles-ci ne concluaient pas à l'efficacité de cette dernière molécule dans la prise en charge de la dépression bipolaire. Aussi apparaît-il que toutes les conclusions ne convergent pas vers la généralisation de l'utilisation des antidépresseurs dans la prise en charge de la dépression bipolaire.
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(4) AMSTERDAM JD , SHULTS J. Efficacy and safety of longterm fluoxétine versus lithium monotherapy of bipolar II disorder : a randomized, double-blind, placebo substitution study. Am J Psychiatry, 2010, 167: 792-800. (15) COHN JB, COLLINS G, ASHBROOK E et al. A comparison of fluoxétine, imipramine, and placebo in patients with bipolar dépressive disorder. Int Clin Psychopharmacol, 1989, 4: 313-322. (17) CORYA SA, PERLIS RH , KECK PE et al. A 24-week openlabel extension study of olanzapine-fluoxetine combination and olanzapine monotherapy in the treatment of bipolar dépression. J Clin Psychiatry, 2006, 67: 798-806 (24) FRYE MA. Bipolar disorder : a focus on dépression. N Engl J Med, 2011, 364: 51-59. (28) GOLDBERG JF, PERLIS R H , GHAEMI SN et al. Adjunctive antidepressant use and symptomatic recovery among bipolar depressed patients with concomitant manie symptoms : findings from the STEP BD. Am J Psychiatry, 2007, 164 :1348-1355. (38) KASPER S, AGREN H, BOURGEOIS ML et al. The BEAM panel. Chnical overview. Module 2 : recognizing bipolar disorder. Macclesfield, Complète Médical Communications, 2002. (46) MC ELROY SL, WEISLER RH, CHANG W et al. A doubleblind, placebo-controlled study of quétiapine and paroxétine monotherapy in adults with bipolar dépression (EMBOLDEN II). J Clin Psychiatry, 2010, 71: 163-174. (53) NEMEROFF CB, DWIGHT LE, GYULAI L et al. Doubleblind, placebo controlled comparison of imipramine and paroxétine in the treatment of bipolar dépression. Am J Psychiatry, 2001, 158 : 906-912. (56) RIHMER Z. Prédiction and prévention of suicide in bipolar disorders. Clin Neuropsychiatry, 2005, 2 : 48-54. (58) SACHS GS, NIERENBERG AA , CALABRESE JR et al. Effectiveness of adjunctive antidepressant treatment for bipolar dépression. N Engl J Med, 2007, 356: 1711-1722. (62) SIDOR M.M, MACQUEEN GM. Antidepressants for acute treatment of bipolar dépression : a systematic review and metaanalysis. J Clin Psychiatry, 2011, 72 : 156-167. (66) TOHEN M , VIETA E, CALABRESE J et al. Efficacy of olanzapine and olanzapine-fluoxetine combination in the treatment of bipolar I dépression. Arch Gen Psychiatry, 2003, 60: 1079-1088. (l) On remarque que différents produits font l'objet d'études négatives, mais que seule la paroxétine (Deroxat, GSK) figure en vedette dans la conclusion (m) Il est déplorable en effet que, pour des produits aussi souvent prescrits, aussi peu d'études à grande échelle n'aient été menées. Les auteurs ne devraient alors pas donner de "bouts d'étude", et se contenter de la première partie du paragraphe. Dans le cas présent, ils donnent l'impression de recommander la fluoxétine en association, et de décommander la paroxétine sur la base de minuscules études, sans se prononcer clairement sur ce sujet. (4) porte sur seulement 81 personnes, et sur seulement une forme de trouble bipolaire, pour le seul traitement de maintenance. Pour les autres études de ce paragraphe (15)(17)(66) l'une au moins est ouverte, et il n'est même pas précisé combien de personnes ont participé, donc certainement moins que 80. Éléments contre l'utilisation des antidépresseurs dans la dépression bipolaireUne méta-analyse de quinze essais randomisés en double aveugle comparant sur un court terme (c'est-à-dire moins de 4 mois) un traitement antidépresseur avec une autre molécule active dans cette indication de dépression bipolaire ou un placebo, chez 2 373 patients bipolaires de type 1 ou 2, ne mettait pas en évidence de bénéfice du traitement antidépresseur (24)(62). Six de ces études, incluant 1 469 patients, étaient des essais contre placebo évaluant la fluoxétine, la paroxétine, l'imipramine et le bupropion ; plus des deux tiers des patients inclus recevaient un stabilisateur de l'humeur. Bien que la définition des résultats variait d'une étude à l'autre, les analyses mises en commun n'ont montré de bénéfice significatif ni pour les taux de réponse, ni pour ceux de rémission. Cette méta-analyse est conforme aux résultats obtenus dans les études menées avec la paroxétine. La paroxétine, au même titre que la fluoxétine (c), a plus particulièrement fait l'objet d'études et nous disposons ainsi de nombreuses données la concernant. Nous vous proposons une synthèse de ces données. ParoxétineLa paroxétine (c) est l'ISRS qui a été le plus rigoureusement évalué dans la dépression bipolaire (38)(53)(58). Les données valables sur son efficacité n'apportent que peu de soutien à son utilisation généralisée. Ainsi, dans l'étude EMBOLDEN II , la paroxétine (à la posologie de 20 mg/j) comparée à la quétiapine (c)(à la posologie de 300 ou 600 mg/j) et à un placebo n'était pas plus efficace que le placebo pour améliorer les scores et donc les symptômes de dépression et était plus fréquemment responsable de virages de l'humeur (46).En 1994, Prien et al. avaient déjà noté que combiner imipramine et lithium n'offrait pas d'avantage par rapport au lithium seul (56). Ces résultats ont été confirmés par l'étude plus récente de Nemeroff et al. (53) où ceux-ci comparait l'adjonction de paroxétine, d'imipramine ou de placebo au lithium. Ni la paroxétine, ni l'imipramine n'étaient supérieurs au placebo dans le traitement de la dépression bipolaire. Toutefois, il apparaissait une supériorité de la paroxétine et de l'imipramine sur le placebo lorsque la dose moyenne de lithium était faible. Finalement, un essai de 26 semaines a inclus 366 patients déprimés bipolaires de type 1 ou 2, ceux-ci recevaient tous un thymorégulateur. Il leur a été assigné de manière randomisée un antidépresseur (paroxétine ou bupropion) ou un placebo. Aucune différence significative n'a été mise en évidence parmi les divers groupes, autant dans les taux de réponse définie par 8 semaines consécutives d'euthymie sans virage de l'humeur (58). Ces études sont donc plutôt en défaveur de l'indication de la paroxétine dans le traitement de la dépression bipolaire. (l) FluoxétineDès 1989, Cohn et al. mettaient en évidence l'efficacité de la fluoxétine dans la dépression bipolaire. Ils montraient même la supériorité de cette molécule sur l'imipramine dans cette indication (15).Il s'avère en fait que la plus grande preuve de son efficacité vient d'une autre étude dans laquelle la fluoxétine était associée à l'olanzapine (le bras fluoxétine seul n'était pas signifîcativement différent du placebo). Cette association était significativement plus efficace que l'olanzapine en monothérapie ou associée à un placebo (66). En outre, il n'était pas mis en évidence d'augmentation du risque de virage de l'humeur pendant les 24 semaines d'extension en ouvert de cette première étude (17). Dans un essai randomisé de traitement d'entretien de dépression bipolaire de type 2, 81 patients ayant répondu initialement à la fluoxétine administrée en monothérapie ont été répartis, de manière randomisée, en trois bras pendant 50 semaines : l'un continuant la fluoxétine, l'autre remplaçant la fluoxétine par du lithium et le troisième échangeant la fluoxétine contre un placebo. Le temps de rechute ou de récurrence de dépression était signiflcativement plus long chez les patients recevant la fluoxétine (250 jours) que chez ceux recevant le lithium (156 jours) ou encore le placebo (187 jours). En outre, il n'était, là non plus, pas mis en exergue d'augmentation du risque de virage de l'humeur avec la fluoxétine (4). (m) | |||
(n) Sur le sujet des virages de l'humeur, voir "antidépresseurs et virages de l'humeur" dédié à ce sujet, qui cite d'autres études et aboutit à peu près aux même conclusions. (o) l'IRSNa venlafaxine (Effexor - Pierre Fabre), l'un des AD les plus récents et aujourd'hui l'un des plus prescrits, a, selon une étude non citée ici, un risque de virage élevé. Cette précision nous semblait importante (n). (p) Cette succession d'affirmations contradictoires est déroutante : copier / coller ? (6) ANGST J. Switch from dépression to mania- a record study over décades between 1920 and 1982, Psychopathology, 1985, 18: 140-154 (11) BOND DJ, NORONHA MM, KAUER-SANT'ANNA M et al. Antidepressant-associated mood élévations in bipolar II disorder compared with bipolar I disorder and major dépressive disorder : a systematic review and meta-analysis. J Clin Psychiatry, 2008, 69 : 1589-1601. (12) BUNNEY WE, MURPHY D L , GOODWIN FK et al. The switch process in manic-dépressive illness. A systematic study of sequential behavioral changes. Arch Gen Psychiatry, 1972,27:295-302. (13) CALABRESE JR, RAPPORT DJ, KIMMEL SE et al. Controlled trials in bipolar I dépression : focus on switch rates and efficacy. Eur Neuropsychopharmacol, 1999, 9 (SuppL 4) :109-112. (14) CARLSON GA, FINCH SJ, FOCHTMANN LJ et al. Antidepressant-associated switches from dépression to mania in severe bipolar disorder. Bipolar Disord, 2007, 9 :851-859. (21) FOGELSON DL, BYSTRITSKY A, PASNAN R. Bupropion in the treatment of bipolar disorders ; the same old story ? J Clin Psychiatry, 1992, 53 : 443-446. (23) FRYE MA, HELLEMAN G, MC ELROY SL et al. Correlates of treatment-emergent mania associated with antidepressant treatment in bipolar dépression, Am J Psychiatry, 2009, 166: 164-172. (24) FRYE MA. Bipolar disorder : a focus on dépression. N Engl J Med, 2011, 364: 51-59. (28) GOLDBERG JF, PERLIS RH , GHAEMI SN et al. Adjunctive antidepressant use and symptomatic recovery among bipolar depressed patients with concomitant manic symptoms : findings from the STEP BD. Am J Psychiatry, 2007, 164 : 1348-1355. (33) HAYKAL RF, AKISKAL HS. Bupropion as a promising approach to rapid cycling bipolar II patients. J Clin Psychiatry, 1990, 51 : 450-455. (43) LEWIS JL, WINOKUR G. The induction of mania. A natural history study with controls. Arch Gen Psychiatry, 1982, 39: 303-306. (53) NEMEROFF CB, DWIGHT LE, GYULAI L et al. Doubleblind, placebo controlled comparison of imipramine and paroxétine in the treatment of bipolar dépression. Am J Psychiatry, 2001, 158 : 906-912. (54) PEET M . Induction of mania with sélective serotonin reuptake inhibitors and tricyclic antidepressants. Am J Psychiatry, 1994, 164: 549-550. (57) SACHS GS, LAFER B, STOLL AL. et al. A double-blind trial of bupropion versus désipramine for bipolar dépression. J Clin Psychiatry, 1994, 55: 391-393. (58) SACHS GS, NIERENBERG AA , CALABRESE JR et al. Effectiveness of adjunctive antidepressant treatment for bipolar dépression. N Engl J Med, 2007, 356: 1711-1722. (62) SIDOR MM, MAC QUEEN GM. Antidepressants for acute treatment of bipolar dépression : a systematic review and metaanalysis. J Clin Psychiatry, 2011, 72 : 156-167. (65) TOHEN M, FRANK E, BOWDEN CL et al. The International Society for Bipolar Disorders (ISBD) task force report on the nomenclature of course and outcome in bipolar disorders. Bipolar Disord, 2009, 11 : 453-473. (69) WEHR T A , GOODWIN FK. Can antidepressants cause mania and worsen the course of affective illness ? Am J Psychiatry, 1987,144: 1403-1411. (q) ISBD - International Society for Bipolar Disorder, société savante fondée en 1999 et basées à Pittsburgh, Pennsylvanie, USA. II. ToléranceVirage maniaque ou hypomaniaque(n)Le risque de virage maniaque naturel, indépendamment de toute prise d'antidépresseur, au décours d'une dépression bipolaire est estimé entre 4 et 8 p. 100 (6)(12). Ce taux rapporté avec une monothérapie par un thymorégulateur se situe entre 0 et 5 p. 100. Parmi ces stabilisateurs de l'humeur en monothérapie, le lithium apparaît sans doute comme le plus efficace dans la prévention de ces virages thymiques (13). De même, pour certains auteurs, le risque des nouveaux antidépresseurs (IRSS et bupropion) ne semble pas différent du risque naturel (54). (o) Il existe un risque de virage induit par les antidépresseurs. (p) Cependant, une revue systématique récente (69) ne retrouve pas d'association forte entre l'utilisation d'antidépresseurs et le nombre de virages. De plus, les chiffres émanant d'études observationnelles et d'études rétrospectives divergent (14)(43). Cela vient en partie de la question de la définition du virage maniaque qui diffère d'une étude à l'autre. Ce n'est que récemment, en 2009, que l'ISBD (q) a proposé une première définition du virage de l'humeur qui reste aujourd'hui controversée (65). De plus, le taux de virage n'est pas calculé de la même façon selon les essais : en intention de traiter, en incluant les nonrépondeurs ou pas... Il apparaît donc que cette question du virage induit pose de nombreuses questions méthodologiques. En ce qui concerne le risque de virage sous antidépresseur plusieurs facteurs de risque ont été identifiés. Ainsi les patients bipolaires de type 1 sont plus à risque que les patients bipolaires de type 2 de présenter un épisode hypomaniaque ou maniaque induit par un traitement antidépresseur (11). De plus, les virages surviennent spécialement en cas de symptômes mixtes (28). En particulier, l'accélération motrice, psychique ou du débit verbal serait prédictive d'un plus grand risque de virage de l'humeur sous antidépresseur (23). Ces éléments invitent à considérer précisément la tonalité symptomatique de l'épisode dépressif en cours dans le choix du traitement à instaurer. Au sein des antidépresseurs, les tricycliques sont associées à un taux plus élevé de virage de l'humeur (43)(69). Par ailleurs, Nemeroff et al. dans leur étude de 2000 comparant la paroxétine à l'imipramine, en association avec le lithium, montraient que l'imipramine entraînait significativement plus de virages de l'humeur que la paroxétine (53). Cette différence entre les tricycliques et les ISRS a été largement documentée par ailleurs, les IRNA étant associés à un risque intermédiaire (67)(o). Enfin, le risque de virage de l'humeur sous bupropion serait faible (33)(58), même si une petite étude en ouvert tend à infirmer cette donnée (21). Par ailleurs, d'autres études ont rapporté que le bupropion associé au lithium ou aux anticonvulsivants n'entraîne pas de manie chez les patients à cycles rapides (33) et semblerait induire moins de virages que la désipramine. Aussi le bupropion n'apparaît-il pas particulièrement maniacogène. Enfin, dans la méta-analyse précédemment citée, rassemblant quinze essais randomisés en double aveugle et comparant sur un court terme (c'est-à-dire moins de 4 mois) un traitement antidépresseur avec une autre molécule active dans cette indication de dépression bipolaire ou un placebo, les analyses des données sur plus de 1 000 patients ont suggéré que les traitements antidépresseurs n'augmentaient pas le risque de virage maniaque ou hypomaniaque (24)(62). Au total, l'efficacité de la prévention des virages maniaques induits par les antidépresseurs, par l'association à un thymorégulateur est étayée par de nombreuses données de la littérature. | |||
(2) ALTSHULER LL, POST RM, LEVERICH GS et al. Antidepressant-induced mania and cycle accélération : a controversy revisited. Am 1 Psychiatry, 1995, 152: 1130-1138. ( 8 ) BARBEY JT, ROOSE SP. SSRI safety in overdose. Clin Psychiatry, 1998, 59 (Suppl 15) : 42-48. (9) BARBUI C, HATOPF M , FREEMANTLE N et al. Sélective serotonin reuptake inhibitors versus tricyclic and heterocyclic antidepressants : comparison of drug adhérence. Cochrane Database Syst Rev CD002791, 2000. (10) BAUMHACKL U, BIZIERE K, FISCHBACH R et al. Efficacy and tolerability of moclobemide compared with imipramine in dépressive disorder (DS.M-III) : an Austrian double-blind, multicentre study. Br J. Psychiatry, 1989, 155 (Suppl 16): 78-83. (15) COHN JB, COLLINS G, ASHBROOK E et al. A comparison of fluoxétine, imipramine, and placebo in patients with bipolar dépressive disorder. Int Clin Psychopharmacol, 1989, 4: 313-322. (16) COHN JB, WILCOX CS. Paroxétine in major dépression : a double-blind trial with imipramine and placebo. J Clin Psychiatry, 1992, 53 (Suppl) : 52-56. (18) CORYELL W, ENDICOTT J, KELLER M. Rapidly cycling affective disorder. Demographics, diagnosis, family history, and course. Arch. Gen. Psychiatry, 1992, 49 : 126-131. (19) DILSAVER SC, SWANN AC. Mixed mania : apparent induction by a tricyclic antidepressant in five consecutively treated patients with bipolar dépression. Biol. Psychiatry, 1995,37:60-62. (22) FREY R, SCHRENZER D, STIMPFL T et al. Suicide by antidepressant intoxication at autopsy in Vienna between 1991-1997 : the favourable conséquences of the increasing use of SSRIs. Eur. Neuropsychopharmacol., 2000, 10 : 133-142. (30) GRUNZE H, KASPER S, GOODWIN G et al. Recommandations pour le traitement biologique des troubles bipolaires : chapitre I : Traitement de la dépression bipolaire (trad fr : S Dollfus, P Delamillieure). World J Biol Psychiatry, 2002, 3 : 115-124. (31) GRUNZE H, VIETA E, GOODWIN GM et al. The world fédération of societies of biological psychiatry guidelines for the biological treatment of bipolar disorders : update 2010 on the treatment of acute dépression. World J Biol Psychiatry, 2010, 11 : 81-109. (40) KUPKA RW, ALTSHULER LL , NOLEN WA et al. Three times more days depressed than manic or hypomanic in both bipolar I and bipolar II disorder. Bipolar Disord, 2007, 3 : 531-535. (41) LADER MH. Tolerablity and safety : essentials in antidepressant pharmacotherapy. J Clin Psychiatry, 1996, 57 (Suppl. 2) : 39-44. (53) NEMEROFF CB, DWIGHT LE, GYULAI L et al. Doubleblind, placebo controlled comparison of imipramine and paroxétine in the treatment of bipolar dépression. Am J Psychiatry, 2001, 158 : 906-912. (62) SIDOR MM, MACQUEEN GM. Antidepressants for acute treatment of bipolar dépression : a systematic review and metaanalysis. J Clin Psychiatry, 2011, 72 : 156-167. Antidépresseur et risque d'induction de cycles rapidesIl existe un relatif consensus pour contre-indiquer les antidépresseurs au cours des dépressions bipolaires émaillant l'évolution d'un trouble à cycles rapides. Par ailleurs, le rôle des antidépresseurs dans l'induction des cycles rapides dans le trouble bipolaire est controversé. Altshuler et al. (2) suggèrent que les antidépresseurs augmentent, comme nous l'avons vu précédemment, le risque de virage maniaque, donc le nombre d'épisodes, avec une accélération des cycles. Cependant, cela a été remis en question (18). Compte tenu de l'opposition relativement consensuelle à la prescription d'antidépresseurs dans la dépression bipolaire intervenant au cours de cycles rapides, il est recommandé chez ces patients, en première intention, une monothérapie par stabilisateur de l'humeur. En deuxième intention, on proposera une combinaison de deux thymorégulateurs. En cas d'échec ou de résultat insuffisant, on pourra alors essayer l'électroconvulsivothérapie. Les antidépresseurs seront envisagés qu'en dernier recours dans cette indication (30)(31). Tolérance des nouveaux antidépresseurs par rapport à celle des tricycliques et des IMAOAu-delà du risque d'accélération des cycles ou des virages maniaques, la tolérance des antidépresseurs dans le traitement de la dépression bipolaire est un autre enjeu crucial. En effet, la tolérance conditionne la compliance au traitement. Le traitement par tricycliques est associé à une incidence élevée d'effets secondaires, en particulier anticholinergiques, que de nombreux patients bipolaires tolèrent mal (15). De plus, aussi bien les tricycliques que les IMAO présentent un index thérapeutique bas, ce qui constitue un problème en cas de surdosage volontaire chez des patients bipolaires déprimés exposés au risque suicidaire. Les ISRS, quant à eux, présentent une moindre incidence des effets secondaires que les tricycliques, en particulier en ce qui concerne les effets anticholinergiques et cardiaques (40)(62). Ils semblent ainsi plus faciles à tolérer. C'est ce qu'illustre l'étude de Nemeroff (53) comparant la paroxétine et l'imipramine en association au lithium. Les effets secondaires étaient responsables d'une sortie d'étude pour un patient traire par paroxétine (2,9 %) contre douze patients sous imipramine (30,8 %). Ces observations sont conformes aux autres études concernant les effets secondaires des ISRS (10)(16)(19). Ces différences sont encore plus vraies pour des très fortes doses ( 8 )(22)(41). Notons cependant qu'une méta-analyse Cochrane a établi l'absence d'avantage significatif des ISRS sur les tricycliques lorsque l'on examinait les taux de sorties d'essais cliniques (9). Au total, comparé aux tricycliques, les ISRS semblent entraîner moins de virages et ne pas augmenter le nombre d'épisodes chez les patients bipolaires à cycles rapides. Ce dernier point paraît surtout établi lorsque l'antidépresseur est associé à un thymorégulateur. En outre, ils sont mieux tolérés, même à fortes doses, que les tricycliques. | |||
(r) FDA : Food and Drug Administration, USA (17) CORYA SA, PERLIS RH , KECK PE et al. A 24-week openlabel extension study of olanzapine-fluoxetine combination and olanzapine monotherapy in the treatment of bipolar dépression. J Clin Psychiatry, 2006, 67: 798-806. (30) GRUNZE H, KASPER S, GOODWIN G et al. Recommandations pour le traitement biologique des troubles bipolaires : chapitre I : traitement de la dépression bipolaire (trad fr : S Dollfus, P Delamillieure). World J Biol Psychiatry, 2002, 3 : 115-124. (50) NATIONAL INSTITUTE FOR HEALTH AND CLINICAL EXCELLENCE. Bipolar disorder : the management for bipolar disorder in adults, children and adolescents, in primary and secondary care. (66) TOHEN M, VIETA E, CALABRESE J et al. Efficacy of olanzapine and olanzapine-fluoxetine combination in the treatment of bipolar I dépression. Arch Gen Psychiatry, 2003, 60: 1079-1088. (71) YATHAM LN, KENNEDY SH, SCHAFFER A et al. Collaborative update of CANMAT guidelines for the management of patients with bipolar disorder : update 2009. Bipolar Disord, 2009,11:225-255. (72) YOUNG LT , JOFFE RT , ROBB RJ et al. Double-blind comparison of addition of a second mood stabilizer versus an antidepressant to an initial mood stabilizer for treatment of patients with bipolar dépression. Am J Psychiatry, 2000, 157: 124-126. (s) Cette phrase à l'allure de dicton contredit l'ensemble de l'exposé, mais fait plaisir à l'auteur. III. AssociationLa fluoxétine en association à l'olanzapine est le seul antidépresseur approuvé par la FDA (r) dans la dépression bipolaire. Dans les études ayant permis cet enregistrement, cette association était significativement plus efficace que l'olanzapine en monothérapie ou associée à un placebo (66), sans augmentation du risque de virage de l'humeur pendant les 24 semaines d'extension en ouvert de cette première étude (17). Comme nous l'avons vu plus haut, l'association d'un antidépresseur et d'un thymorégulateur permettrait donc d'optimiser l'efficacité, assortie d'une meilleure sécurité, au moins en ce qui concerne le risque de virage maniaque. Quand on considère indépendamment l'efficacité, la tolérance et la sécurité des traitements à disposition pour la prise en charge de la dépression bipolaire, il apparaît que les antidépresseurs sont probablement le traitement le plus efficace alors que les stabilisateurs de l'humeur sont le traitement le plus sûr (s). Les antidépresseurs de nouvelle génération ainsi que les derniers thymorégulareurs comme la lamotrigine (c) semblent être aussi bien tolérés. Quand les principaux risques de la dépression bipolaire sont le virage maniaque et le suicide, on conçoit aisément que l'association d'un antidépresseur et d'un stabilisateur de l'humeur soit le traitement de choix dès le début de la dépression bipolaire. Ainsi propose-t-on en première intention les ISRS comme antidépresseur, voire le bupropion selon la disponibilité. Pour les stabilisateurs de l'humeur, on suggère en première ligne le lithium et la lamotrigine. La principale difficulté de la lamotrigine est que l'augmentation rapide du dosage est inenvisageable du fait des risques dermatologiques graves que celle-ci peut entraîner (30)(71). Enfin, dans la mesure où le stabilisateur de l'humeur est prolongé à visée prophylactique au-delà de la phase curative de l'épisode dépressif, le choix de la molécule qui est associée à l'antidépresseur peut tenir compte du profil général de cyclicité, de la polarité prédominante, d'un éventuel désir de grossesse ou d'antécédent de tentative de suicide grave. Si ce premier traitement est inefficace ou insatisfaisant, il n'y a que peu d'études contrôlées sur lesquelles s'appuyer pour adapter le traitement. Certains préconisent l'addition d'un deuxième stabilisateur de l'humeur quand d'autres proposent un changement d'antidépresseur (50)(71). Le niveau de preuves est insuffisant pour appuyer plus une option que l'autre (72). Cependant, en ce qui concerne la tolérance, l'addition d'un antidépresseur non tricyclique pourrait être mieux tolérée que la combinaison de deux stabilisateurs de l'humeur. De toute évidence, la décision d'associer un antidépresseur au thymorégulateur, de changer d'antidépresseur si le premier n'est pas suffisamment efficace ou encore d'ajouter un deuxième stabilisateur de l'humeur doit être prise au regard de l'analyse de l'histoire du patient, en particulier des antécédents de virages maniaques ou de cycles rapides, mais aussi des autres facteurs de risque de virage de l'humeur ou encore du risque suicidaire (30). | |||
(50) NATIONAL INSTITUTE FOR HEALTH AND CLINICAL EXCELLENCE. Bipolar disorder : the management for bipolar disorder in adults, children and adolescents, in primary and secondary care. (s) NICE : société savante majeure au Royaume-Uni. IV. SynthèsePlusieurs sociétés savantes ont proposé une synthèse de ces données et ainsi édité des conduites à tenir. Nous vous proposons ici une synthèse de ces recommandations ainsi que ces algorithmes. NICE - National Institute for Health and Clinical Excellence (50)(s) Un antidépresseur peut être prescrit à condition d'être associé à un antimaniaque. Le choix de ce dernier doit tenir compte des objectifs préventifs à moyen et long termes, puisque ce traitement (à la différence du traitement antidépresseur) a vocation à être poursuivi. Le choix d'un traitement pour le moyen/long terme doit tenir compte du profil de tolérance au long cours (poids, syndrome métabolique, sédation, interaction médicamenteuse), d'un projet de grossesse chez les femmes en âge de procréer ou encore d'une antériorité de réponse. L'antidépresseur doit être commencé à petites doses et augmenté progressivement jusqu'à la dose minimale efficace. Cette augmentation doit être surveillée avec attention afin de prévenir tout effet secondaire, en particulier le virage maniaque. Un IRSS est recommandé en première intention (à l'exception de la paroxétine (c), en particulier chez la femme enceinte), moins à risque de virage maniaque que les tricycliques. Parmi les antimaniaques, la quétiapine (c) occupe une place de choix dans ces recommandations du fait de son efficacité sur la polarité dépressive. Selon le NICE, plusieurs contre-indications aux antidépresseurs doivent être considérées : patients bipolaires déprimés avec cycles rapides, épisode hypomaniaque ou mixte récent, tonalité « mixte » dans l'épisode en cours ou fluctuations thymiques rapides au cours des derniers mois. Dans ces situations il est alors conseillé d'optimiser le premier stabilisateur de l'humeur (augmentation des doses et monitoring des taux thérapeutiques le cas échéant) puis d'en ajouter un deuxième. Enfin, les mesures non médicamenteuses (psychothérapie, psycho-éducation, thérapies comportementales des symptômes dépressifs, thérapie des rythmes sociaux) devront être associées précocement. (7) BALDESSARINI RJ, LEAHY L, ARCONA S et al. Patterns of psychotropic drug prescription for U.S. patients with diagnoses of bipolar disorders. Psychiatr Serv, 2007, 58 : 85-91. (71) YATHAM LN, KENNEDY SH, SCHAFFER A et al. Collaborative update of CANMAT guidelines for the management of patients with bipolar disorder : update 2009. Bipolar Disord, 2009,11:225-255. (t) CANMAT : société savante majeure au Canada, et influente au delà du Canada. ISBD : société savante américaine spécialisée sur le trouble bipolaire (u) l'une des nombreuses fautes grossières de français de cet article qui n'a même pas été relu par ses auteurs, ni par l'éditeur. (v) Produits cités par le CANMAT : Thymoréglateurs : Lithium : théralite Anticonvulsivants prescrits comme thymorégulateurs : Lamotrigine : Lamictal (GSK) et génériques Divalproate : Depakote (Sanofi), génériques Carbamazépine : Tegretol (Novartis), génériques Gabapentine : Neurontin (Pfizer), génériques Lévétiracipam : Keppra (UCB Pharma). Absent du site de l'ANSM Antipsychotiques, appelés "antimaniaques" Olanzapine : Zyprexa (Lilly) Quétiapine : Xeroquel (Astra-Zeneca) Aripiprazole : Abilify (BMS-Otsuka) Lurasidone : Latuda (Dainippon Sumitomo). Autorisé en 2010 aux USA, pas d'AMM en France Ziprasidone : Geodon, Zeldox (Pfizer). Autorisé en 2001 aux USA, pas d'AMM en France IRSS synonyme du terme approprié "ISRS" Classe d'antidépresseurs inhibiteurs sélectif de la recapture de la sérotonine Liste : voir plus haut dans ces notes. Antidépresseurs autres Bupropion : Zyban (GSK) hors AMM sauf pour le sevrage tabagique Venlafaxine : Effexor (Pfizer), génériques Autres Modafinil : Modiodal (Teva) et génériques. classe des anti-narcoleptiques, ou excitants Pramipexole : Sifrol (Boehringer), Oprymea (Krka ), et génériques : agoniste dopaminergique (antiparkinsonien) Acide eicosapentaénoïque : EPA, acide gras de la classe des Omega-3. Plus d'information Riluzole : Rilutek ; médicament extrême indiqué pour la prolongation de vie au stade avancé de la SLA (sclérose latérale amyotrphique). Plus d'information Topiramate : Epitomax (Janssen-Cilag), génériques : anticonvulsivant ECT : électroconvulsiothérapie (w) Tableau 14-1 présenté par l'article français : Même le copier-coller est défaillant chez nos psychiatres Français... (x) Figure 14-1 présentée dans l'article français : (31) GRUNZE H, VIETA E, GOODWIN G M et al. The world fédération of societies of biological psychiatry guidelines for the biological treatment of bipolar disorders : update 2010 on the treatment of acute dépression. World J Biol Psychiatry, 2010, 11 : 81-109. (y) WFSBP - World Federation of Societies of Biological Psychiatry. La plus importante société savante. CANMAT - Canadian Network for Mood and Anxiety Treatments, et ISBD - International Society for Bipolar Disorders (71)(t) Les recommandations de ces deux sociétés savantes sont résumées en un tableau récapitulatif et un algorithme décisionnel (Tableau 14-1 et Figure 14-1). Là encore, il apparaît que les antidépresseurs sont toujours proposés en association à un thymorégulateur. De même, il est recommandé de choisir en première intention un ISRS et d'éviter les tricycliques. Enfin, le CANMAT propose la diminution rapide puis l'arrêt de l'antidépresseur dès l'obtention de la normothymie. Les mesures non médicamenteuses (psychothérapie, psycho-éducation, thérapies comportementales des symptômes dépressifs, thérapie des rythmes sociaux) d'être associées précocement. (u) TABLEAU 14-1. - Recommandations pour le traitement de la dépression bipolaire selon le CANMAT. ndlr : l'article expose la version 2009 des recommandations du CANMAT, modifiées en 2013 . Fait gravissime: la version 2009 n'est même pas correctement recopiée !. En effet, elle comprend en deuxième ligne la prescritpion de divalproate en monothérapie, et la troisième ligne est largement divergente. Pour ne pas alourdir le présent article, nous présentons donc ci-dessous la dernière version 2013 des recommandations CANMAT (tableau et schéma), qui ne varient pas dans le principe général. (w) Source : http://canmat.org/resources/CANMAT%20Bipolar%20Disorder%20Guidelines%20-2013%20Update.pdf FIGURE 14-1. - Algorithme décisionnel proposé par le CANMAT er l'ISBD (7) ndlr : l'article expose la version 2009 des recommandations du CANMAT, modifiées en 2013. Pour ne pas induire en erreur nos lecteurs et éviter les erreurs de recopie par les auteurs, nous publions le tableau original du CANMAT (x) WFSBP - World Fédération of Societies of Biological Psychiatry (31) (y)
V. ConclusionAu total, la prescription des antidépresseurs dans la prise en charge de la dépression bipolaire est le sujet de débats importants. De la synthèse des recommandations et de la littérature, se dégagent les éléments suivants qui paraissent consensuels : les tricycliques et les IMAO doivent être évités et les ISRS préférés, sauf peut-être la paroxétine pour laquelle il existe plusieurs études indépendantes indiquant l'absence d'eflîcacité. Ils ne doivent être prescrits qu'en deuxième intention et en association à un thymorégulateur. L'arrêt des antidépresseurs rapidement après l'obtention de la normothymie et la poursuite du thymorégulateur paraît être une précaution supplémentaire pour favoriser une normothymie durable, seul objectif permettant d'améliorer le pronostic de la pathologie bipolaire. Notre avisSur le fond Les antidépresseurs sont ils efficaces contre une dépression bipolaire ? Aucun élément convainquant ne figure dans cet article, qui s'enlise à ce sujet en préférant recopier des généralités, et en ne citant aucun chiffre. Les anciens antidépresseurs avaient des effets indésirables graves, et étaient sans doute efficaces. Pour continuer toutefois à vendre des AD, les laboratoires ont axé leurs recherches sur la diminution des effets indésirables. Ils y sont parvenus en partie, au prix... d'une efficacité nulle, à part le rôle psychologique de l'effet placebo ! Quitte à prendre un placebo, autant en choisir un qui soit réellement inoffensif. Comme un autre article du même ouvrage le dit très bien "Au total, même si l'augmentation des prescriptions des antidépresseurs a clairement eu un impact bénéfique pour l'industrie pharmaceutique, l'impact en terme de santé publique n'est pas clairement démontré à ce jour" (z) (z) Hélène Verdoux et Marie Tournier, psychiatres praticiennes au CH Perrens de Bordeaux, dans le même ouvrage "Les antidépresseurs", chapitre 12 - Pharmaco-épidémiologie - conclusion. Le Pr H.Verdoux, et le Dr M.Tournier, n'ont, elles, aucun lien d'intérêt avec l'industrie pharmaceutique, ce que nous avons vérifié. (aa) Pierre Petit, Jean-Philippe Boulenger, Hôpital de la Colombière, Montpellier in "Les Antidépresseurs", ch. 18 - Indications frontières et dérives de prescription. "L'absence de différence entre placebo et antidépresseur ne doit pas faire oublier que, dans ces essais cliniques, l'amélioration liée aux facteurs autres que pharmacologiques était responsable d'une grande partie des effets thérapeutiques observés dans les troubles anxieux et dépressifs (...) une prise en charge plus adaptée des effets dépressifs devrait donc passer par une sensibilisation accrue des médecins généralistes - auteurs de plus de 70 % des prescriptions d'antidépresseurs" Les auteurs tentent de faire bonne figure en se réfugiant derrière les recommandations internationales, contradictoires, et qui admettent la possibilité de prescrire ces placebos, en complément de produits véritablement actifs. Il s'agit peut être de ne pas contrarier les patients ? Sous son air anodin, peut-être est-ce une véritable question... Neptune |
Antidépresseurs et dépression bipolaire : une lecture critique
Par Neptune
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Dernière édition par Neptune le 16/5/2018, 09:58, édité 3 fois
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Exemple : les liens d'intêret "non négligeable" entre le Dr. QUILLEROU et Servier (si on prend la peine d'aller sur le site de l'ordre pour verifier) c'est 150€ (inscription à un congres), et 50-60€ de restauration...
Pour Bellivier c'est 60€ de restauration par Servier et une expertise pour Roche
Pour Yon c'est environ 200-300€ de restauration...
Vous aller vraiment essayer de faire croire que c'est "non négligeable" tout ça ?? Vous avez des standards bien bas.
En réponse à votre remarque, nous vous renvoyons à nos critères précis qui sont indiqués par un lien dans l'article. Ils sont recopiés ci-dessous :
A partir de la date du dépôt légal d'un ouvrage étudié (et nous étudions les principaux ouvrages), nous comparons et reproduisons la déclaration de liens d'intérêt, le sujet de l'article (et quelques extraits si nécessaire), et les liens importants relevés dans les 18 mois précédant la date de parution, avec des laboratoires commercialisant des psychotropes en rapport avec l'ouvrage et l'article du psychiatre.
Nous ne retenons pas les très nombreux repas à 40 ou 50 euros, mais uniquement ceux de plus de 100 euros (nombreux), les "conventions d'hospitalités" se chiffrant entre 150 et 2500 euros l'unité (nuits d'hôtel, séjours, voyages), les "frais d'inscription" et les "participations", bénévoles ou de montants supérieurs à 100 euros et souvent beaucoup plus importants.
Les liens du Dr Quillerou sont certes modestes, mais auraient dû être annoncés comme la loi le prévoit. Nous ne tenons pas compte (la loi, elle, l'exige pourtant) des liens pour les repas de faible montant. Leur grande fréquence est toutefois indicatrice de lien.
Ce que nous n'apprécions pas c'est que ces liens ne soient pas annoncés, et nous expliquons dans de nombreux cas la teneur d'un article, par la volonté de ne déplaire à personne... consommateurs actuels d'AD, collègues, laboratoires qui financent les recherches.
Pour le Dr Bellivier, vous ne lui rendez pas un bon service par votre sympathique message . Nos lecteurs jugeront au vu de ce tout petit extrait des relations "insignifiantes" que vous "oubliez" probablement.
Pour Liova YON, nous rectifions. Les seuls liens de 2012 sont avec Servier, notre rédacteur ayant fait une erreur de prénom. Votre intervention aura donc été utile.
Neptune