Le mur
Depuis plus de 30 ans, la communauté scientifique internationale reconnait l'autisme comme un trouble neurologique entraînant un handicap dans l'interaction sociale. Tous les autistes présentent des anomalies dans une zone du cerveau, le sillon temporal supérieur, identifiées en 2000 par le Docteur Monica Zilbovicius. En France, la psychiatrie, qui est très largement dominée par la psychanalyse, ignore résolument ces découvertes. Pour les psychanalystes, l'autisme est une psychose, autrement dit un trouble psychique majeur, résultant d'une mauvaise relation maternelle.
Restranscription intégrale par Neptune
Avec l'autorisation et les encouragements de Sophie Robert
Sommaire
- Qu'est-ce que l'autisme pour les psychanalystes ?
- L'autisme lié à une dépression maternelle ?
- L'autisme lié à des raisons biologiques ?
- Autisme et parole
- Les théories de Bettelheim (1903-1990) récusées partout, sauf en France
- Les théories de Lacan (1901-1981) : la mère psychogène
- Les théories de Winnicott (1896-1971) : la folie maternelle
- Lorsque les parents refusent
- L'autisme, conséquence d'un inceste maternel ?
- Et le père, n'est-il pas lui aussi coupable ?
- Ecole, vie sociale...
- En quoi consiste le traitement psychanalytique des enfants autistes ?
- Quel est l'impact de la psychanalyse sur les enfants autistes ?
- Et pourtant, des solutions existent
Interview excusive de Sophie Robert par Neptune
Autres films de Sophie Robert
Chronique judiciaire du film "Le Mur"
Qu'est-ce que l'autisme pour les psychanalystes ? | |||
Dr Stevens | - Je pense que l'autisme, c'est un mode de réaction du sujet, qui est évidemment très tôt dans son "histoire logique" si je puis dire, c'est quand même, qu'au fond, en réponse à ce qui vient d'envahissement du monde et de l'autre, il se ferme. Il se ferme, il se met dans une bulle et il refuse, au fond, d'entrer dans les mécanismes... de la parole, encore que certains autistes parlent, n'est-ce pas, donc c'est plus que de la parole : dans les mécanismes subjectifs. C'est-à-dire parler, d'accord, mais sans y être impliqué. | Dr Alexandre Stevens, Psychanalyste (Ecole de la Cause Freudienne) Psychiatre en chef de l'institution pour enfants "Le Courtil", Tournai, 59 | |
S. Robert | - Est-ce que vous faites une distinction structurale entre la psychose et l'autisme ? | ||
Dr Stevens | - Non. Pour ma part, non. | ||
S. Robert | - Les autistes sont psychotiques ? | ||
Dr Stevens | - Oui. C'est-à-dire si vous voulez au fond l'autisme est une situation extrême de quelque chose qui est dans le cadre de l'ensemble des psychoses. |
Professeur Pierre Delion, psychanalyste Chef du service de pédopsychiatrie du CHU de Lille, 59 | S. Robert | - Est-ce que vous faites une distinction structurale entre la psychose et l'autisme ? |
Pr Delion | - La distinction structurale qu'on peut faire entre l'autisme d'une part et la psychose de l'enfant d'autre part, qui est véritable sur le plan de la description et de la structure sous-jacente, en fait ne résiste pas à l'analyse dans la continuité entre cette première structure et la deuxième, et il me semble qu'il y a des passages entre la structure autistique et la structure psychotique et la structure dysharmonique. Maintenant si on dit ça, on fâche beaucoup les associations de parents d'enfants autistes, qui pensent qu'il n'y a rien à voir entre les autistes et les psychotiques. A mon avis c'est une erreur, je pense qu'il y a beaucoup de choses à voir. |
Guillaume | - Bonjour, je m'appelle Guillaume. Je suis autiste de 80%, et mon problème, c'est que j'ai des troubles du comportement de temps en temps. Je vais essayer d'en faire le moins possible. Mes deux frères s'appellent Julien et Gabriel. Un qui est hyperactif, Julien, il a des troubles du comportement comme moi, il fait des crises. Et Gabriel, qui est "fou"... qui est fou. (commence à rire) Eh ! Et Gabriel ... (rit) Et Julien qui vient m'embêter... Aïe Julien ! Et ils font ça, ils arrêtent pas de me faire tomber ! (course-poursuite dans la maison). | Guillaume Revenir au sommaire |
S. Robert | - Tu peux nous présenter Julien ? Le grand Julien ? | |
Guillaume | - Grand Julien c'est un frère qui est autiste, comme moi, mais qui ne parle pas. C'est pas mon frère, c'est le frère de Florian. Il parle pas. Le grand Julien assis sur un canapé se met à se balancer et tape avec ses pieds |
Mme Cavret | Là il "fume". Il adore faire la fumée ; il aime beaucoup être dehors. Donc là c'est la période de l'année qu'il aime le moins parce qu'évidemment il ne peut pas sortir ; et manger ; et sinon euh/// C'est vrai qu'il ne sait pas s'occuper tout seul. Donc se promener, manger, bouger beaucoup... A l'IME il fait du vélo ; ici je ne peux pas l'emmener, parce qu'il sait pédaler mais il ne sait pas freiner ni regarder devant, donc ce serait risqué. Il fait du roller aussi, mais selon le revêtement, il faut que ce soit très lisse, donc c'est en salle. | Chez la famille Cavret Revenir au sommaire |
L'autisme lié à des raisons biologiques ? | ||
Dr Alexandre Stevens, Psychanalyste (Ecole de la Cause Freudienne) Psychiatre en chef de l'institution pour enfants "Le Courtil", Tournai, 59 Dr Aldo Naouri, pédiatre, analyste, essayiste Professseur Bernard Golse, psychanalyste APF Chef du Service de pédopsychiatrie de l'hôpital Necker, Paris | Curieusement, pour justifier de la toxicité maternelle à l'égard de l'enfant, les psychanalystes n'hésitent pas à recourir à la biologie. | |
S.R. | - Comment peut-on expliquer qu'une dépression maternelle puisse rendre un enfant autiste ? A commencer par : in utero ? | |
Dr Stevens | - Donc d'abord, in utero, il se passe déjà des choses, je ne suis pas spécialiste de l'in utero, mais il se passe des choses in utero : l'enfant bouge, les mères en parlent, les mères lui parent, les enfants réagissent à un certain nombre de stimuli. En effet, qu'est-ce que les enfants savent du lien à l'autre, in utero ? Ça ne passe pas complètement par le langage, mais ça passe par tout l'environnement des sons corporels, et, au fond, est-ce qu'une mère déprimée, quand l'enfant est là in utero, l'enfant en ressent quelque chose ? Ça je suis parfaitement incapable de vous le dire, n'est-ce pas. Mais en soi, moi, ça ne me paraît pas une étrangeté que de le penser. | |
Dr Naouri | - Eh bien, la plupart du temps, le symptôme de l'enfant n'est ni plus ni moins que le symptôme qui lui est imparti d'avoir par l'inconscient maternel, principalement. Parce que les enfants sont dans une relation très très très perméable dans leur communication avec leur mère. La gestation conditionne littéralement un enfant, et le formate, et, et.. et vraiment lui donne quelque chose qui est entièrement fabriqué sur le corps, sur ce qui vient du corps de sa mère. Ça fragilise le terrain, c'est-à-dire que ça met l'enfant dans un état où, justement, sa résistance est altérée par les conditions qui lui sont faites et de son environnement. | |
Pr Golse | - Parce que le bébé, il y a une partie, la moitié de ses gènes, de ses chromosomes viennent de la mère, la moitié du père, donc il y a une partie qui est comme la mère, celle-là ne pose pas problème, mais il y a une partie qui est comme le père, et celle-là pose immédiatement un problème. Et d'ailleurs dès que le bébé est conçu, l'organisme maternel va immédiatement secréter une vague d'anticorps, très forte, pour expulser ce bébé, qui est à demi étranger, pour le corps de la mère. C'est un peu triste à dire, si je dois vous le dire comme ça, mais finalement la première chose que biologiquement la mère ne supporte pas chez son bébé, c'est la partie qui vient du père. Alors ce qui est anthropologique là-dedans c'est le double "non". Non je ne reconnais pas ce bébé je veux l'éjecter, mais tout de suite un non au non. Ce qu'on va retrouver dans le langage. Il y a toute une question intéressante là, et dans le langage on va retrouver aussi des doubles négations de ce type-là. On a ça au niveau de la biologie. Revenir au sommaire |
S. Robert | Le psychisme, il n'évolue pas indépendamment du cerveau, il ne se promène pas tout seul dans le vide. Si on a d'un côté un enfant qui a un cerveau "normal", qui fonctionne bien, d'un côté, et de l'autre côté un enfant autiste par exemple dont le cerveau ne fonctionne pas bien, est-ce que ça ne fait pas une différence fondamentale dans sa capacité à communiquer avec le monde extérieur ? | Esthela Solano, psychanalyste, Ecole de la Cause Freudienne, Psychologue clinicienne Sandrine Guy, mère de Guillaume, autiste "au bout de 2-3 mois de PECS, il commençait à dire ses premiers mots, et au bout de 6 mois il n'utilisait plus le PECS parce qu'il faisait des phrases" Revenir au sommaire |
E. Solano | - Cette façon de concevoir la causalité de l'autisme est très réductrice. Ce que nous pouvons constater lorsque nous nous occupons d'enfants autistes, c'est précisément que les enfants autistes sont malades du langage. Que l'autisme est une façon de se défendre, de ... de la langue. | |
S. Robert | - Qu'est-ce que tu as ressenti quand tu as compris que Guillaume était autiste ? | |
S. Guy | - Euh... un coup de massue sur la tête ! Énorme. C'est ... pffuuuh.. "qu'est ce qui lui arrive, qu'est-ce que c'est, pourquoi ... on se pose vraiment toutes ces questions, on passe par des phases de peur, de colère, de culpabilité, on passe par toutes ces phases et puis on se bouge les fesses et puis on avance après. On se dit ça sert à rien de s'apitoyer, on va trouve ce qu'il faut pour le faire avancer. Pour 'aider à grandir correctement, le mieux possible, à s'intégrer aux autres. Donc voilà, et on a fait toutes les démarches, associations, et c'est là qu'on a appris qu'il y avait des méthodes éducatives... pour leur apprendre à communiquer, à se développer, à diminuer leur angoisse , donc à s'ouvrir au monde, tout simplement. | |
S. Robert | - C'est le PECS ? | |
S. Guy | - PECS, oui. Et ça a très bien marché avec Guillaume. | |
S. Robert | - C'est-à-dire concrètement, c'est des images, ça permet de communiquer avec des images ? | |
S.Guy | - Oui, tout à fait, oui. C'est-à-dire que pour me demander un verre d'eau, avec lui j'ai commencé avec un carte. Parce qu'il prenait de l'eau et crachait l'eau par terre. Je me suis dit bon, je commence tout de suite avec ça, parce que là il va en faire un jeu... J'ai dit : tant pis, j'essaye. Pour me demander l'eau, je lui ai appris à me donner la carte. Comme ça dès qu'il me donnait la carte il avait l'eau. Et au bout de 2-3 fois il a compris que pour avoir l'eau il fallait qu'il me donne la carte. Donc ça a marché comme ça pour l'eau au début, après ça a continué pour les aliments, et pour plein d'autres choses. Et au bout de 2-3 mois de PECS, il commençait à dire ses premiers mots, et au bout de 6 mois il n'utilisait plus le PECS parce qu'il faisait des phrases. | |
S. Robert | - À quel âge ? | |
S. Guy | - Il avait presque 4 ans. Donc, pour ça, ça a été très bénéfique pour lui. Son langage s'est développé à une vitesse grand V avec le PECS. Sacrée victoire. Le premier "maman" : boum ! On tombe par terre. (rires) |