Demande de visite urgente en France aux Rapporteurs Spéciaux de l’ONU à propos de la situation grave des personnes handicapées et des refus d’application des Conventions par la France, notamment à l’encontre des personnes autistes Le 03/10/2015 Madame la Rapporteure Spéciale sur les droits des Personnes Handicapées Monsieur le Rapporteur Spécial sur le droit qu’a toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale possible Monsieur le Rapporteur Spécial sur le droit à l’éducation Monsieur le Président-Rapporteur du groupe de travail sur la détention arbitraire Monsieur le Rapporteur Spécial sur la torture Nous tenons tout d’abord à vous remercier pour votre intervention du 17 septembre à l’adresse (1) de la France,à laquelle -malheureusement et encore une fois- les services judiciaires de notre pays n’ont pas cru bon de devoir prêter attention (confirmant leur décision absurde et inique de détention médicale de Timothée, par jugement du 25 septembre (2)). Les associations signataires de la présente, inquiètes de la persistance de ce type de maltraitance administrative ordinaire en France, et au vu de la situation alarmante des personnes handicapées dans notre pays et en particulier des enfants et adultes autistes, vous prient de bien vouloir considérer la possibilité d’une visite dans le cadre de vos mandats respectifs, y compris une visite conjointe si cela vous est possible. (3) Rapport alternatif d'Autisme France En mars 2015, plusieurs associations ont présenté des rapports alternatifs -dont notamment celui d’Autisme France (3) et celui de l’Alliance Autiste (4) - au Comité des Droits de l’Enfant, qui a posé des questions précises à la France sur la situation des enfants handicapés.(4) Rapport alternatif d'Alliance Autisme (5) Décision du Conseil de l’Europe, septembre 2013 (6) Convention relative aux Droits de l’Enfant (7) Convention relative aux Droits des Personnes Handicapées En août 2015, le Comité des Droits de l’Homme s’est déclaré inquiet de révélations portant sur des atteintes à la dignité et à l’intégrité physique et psychique de personnes handicapées placées en institution (…) et du fait que le «packing», qui consiste à envelopper des enfants atteints d’autisme et des adultes psychotiques dans des draps extrêmement froids et humides, continue d’être pratiqué à titre d’expérimentation. L’intérêt porté par ces organes onusiens, tout comme les communications individuelles envoyées à la France par la Rapporteuse Spéciale sur les droits des personnes handicapées ou encore les conclusions sévères rendues par le Comité Européen des Droits Sociaux à différentes reprises (la dernière remontant à septembre 2013 (5)) démontrent que des violations graves des droits fondamentaux ont cours en France, sans que les 5 mesures nécessaires pour y mettre un terme ne soient prises. En ce qui concerne les personnes handicapées que nos associations tentent de soutenir, nous ne pouvons que déplorer : • La discrimination généralisée des enfants handicapés, concernant la scolarisation et l’accueil dans les centres de loisirs, violant ainsi l’article 2 de la CIDE et 5 de la CDPH : (6) (7)
Les MDPH (Maisons Départementales des Personnes Handicapées) orientent massivement les enfants autistes dans des institutions dès lors que l’enfant n’a pas le niveau scolaire requis, ou lorsqu’il a des besoins spécifiques. Ces orientations se font souvent de manière abusive, sans demander l’avis aux parents et sans même que ceux-ci ne fassent une demande d’orientation. Lorsqu’une MDPH notifie le droit à une auxiliaire de vie scolaire (AVS), l’Éducation Nationale peine à en recruter : ainsi, même lorsque l’enfant a droit à cette aide, concrètement il n’y a personne pour l’accompagner. Le nombre d’heures affectées aux AVS (notifié par la MDPH) est bien souvent insuffisant (au mieux un mi-temps) et diminue au fil de la scolarisation. Généralement, l’enfant ne passe pas le cap du Cours Préparatoire (6 ans), et est orienté en classe spécialisée ou en IME à la fin de la maternelle. Les classes spécialisées qui accueillaient jusqu’à 12 élèves par classe (les CLIS) et qui étaient plus ou moins ghettoïsées à l’intérieur des écoles en offrant peu d’opportunités d’inclusion dans les classes ordinaires, viennent d’être remplacées par des dispositifs dits adaptés (les ULIS, Unités Locales d’Inclusion Scolaire), qui doivent permettre plus facilement d’inclure. Le problème est que dans ces nouveaux dispositifs, aux côtés de l’enseignant spécialisé il n’y aura plus d’accompagnants individuels et donc les élèves devront être assez autonomes pour être inclus dans les classes ordinaires sans cette aide. Ce qui est à craindre c’est que désormais, ce soient les plus performants qui soient orientés vers ces dispositifs “adaptés” alors que les autres seront orientés vers les institutions spécialisées... • La violation généralisée des droits fondamentaux des personnes handicapées et notamment des personnes autistes : droit à l'éducation, à jouir du meilleur état de santé, à l’épanouissement, à l’autonomie et à la participation effective dans la société, à vivre au sein de sa famille, à la liberté de mouvements (articles 9.1, 14, 19, 23.4, 24, 25 de la Convention des Droits des Personnes Handicapées ; articles 2, 9.1, 37 a), 23, 24, 29 a) de la Convention des Droits de l’Enfant) : La formation des professionnels dans le domaine du social, du médico-social et du sanitaire est toujours imprégnée des théories psychanalytiques obsolètes qui rendent la mère responsable de l’autisme de son enfant. De cette perception erronée et maltraitante pour les familles découlent de nombreuses violations des droits : les parents sont obligés d’assurer eux-mêmes l’éducation de leurs enfants, s’endettent pour payer des professionnels dans le privé, se trouvent mis en accusation s’ils n’acceptent pas l’institutionnalisation, et traduits devant les tribunaux, finalement en tant que coupables d’exiger des processus inclusifs. ( 8 ) Ce rapport, rendu public en avril 2015, est disponible ici Un récent rapport établi par les services d’inspection de l'Éducation Nationale, des Affaires sociales et de la Santé, et des Finances ( 8 ), fait un rude constat de la situation actuelle de la scolarisation des élèves en situation de handicap qui sont censés être scolarisés en institutions et hôpitaux psychiatriques de jour.(9) Décision du Conseil de l’Europe, septembre 2013 : le Comité conclut, à l’unanimité, qu’il y a violation de l’article 15§1 en ce qui concerne le droit des enfants et adolescents autistes à la scolarisation en priorité dans les établissements de droit commun ; en ce qui concerne l’absence de prédominance d’un caractère éducatif au sein des institutions spécialisées prenant en charge les enfants et les adolescents autistes (...) (10) Avis N°102 du CCNE sur l’autisme, 2007 : (...) L’absence de diagnostic précoce, d’accès à l’éducation, de socialisation, et de prise en charge précoce adaptée conduit donc, dans ce handicap grave, à une perte de chance pour l’enfant qui constitue une « maltraitance » par défaut. (10) La situation n’a pas évolué depuis la dernière condamnation de la France par le Conseil de l’Europe qui (9) concluait « à l'absence de prédominance d'un caractère éducatif au sein des institutions spécialisées. ». En général les parents ne savent pas ce que fait concrètement l’enfant dans la journée (celui-ci est amené et ramené en taxi : les parents n’ont donc pas l’occasion de parler avec les professionnels). Les évaluations des compétences de l’enfant et les objectifs d’apprentissage sont généralement très vagues. Il n’y a pas de réel projet éducatif, et encore moins professionnel. Ces enfants sont simplement gardés à la journée ou en internat, et n’ont aucune perspective d’avenir. Leur autonomie et leur participation à la vie de la collectivité sont mis gravement en péril. • Des pratiques qui s’apparentent à la torture et qui sont constitutives de traitements inhumains ou dégradants , en contradiction de l’article 7 du pacte international relatif aux droits civils et politiques et 37 a) de la Convention Internationale des Droits de l’Enfant : Malgré la récente bonne volonté du gouvernement concernant le contenu des formations relevant du développement professionnel continu, la prise en charge sur le terrain ne répond pas aux recommandations de la Haute Autorité de Santé (HAS) s’agissant d’autisme. Concrètement, la très grande majorité des établissements sanitaires et médico-sociaux proposent au mieux de “l’occupationnel”, et au pire rien du tout et/ou une psychothérapie d’inspiration psychanalytique (observation sans interaction, atelier contes, atelier terre, flaque thérapeutique...). Le fait d’observer sans interagir, de ne rien mettre en place pour leur apprendre à exprimer leurs besoins, est lourd de conséquences car alors ils s’exprimeront par des cris/crises : des troubles du comportement s’installeront et seront très difficiles à supprimer. En grandissant, ces troubles augmenteront : cela conduira trop souvent à l’utilisation préjudiciable de psychotropes (en particulier neuroleptiques) utilisés notamment pour juguler chimiquement des comportements dont un accompagnement psycho-éducatif adapté aurait dû permettre d’éviter l’apparition, ou du moins l’aggravation. Comme le souligne le Comité Consultatif National d’Éthique, tout ceci constitue une maltraitance par défaut. Les hôpitaux psychiatriques (HP) ne proposent généralement que des « solutions » médicamenteuses aux conséquences catastrophiques : les personnes autistes ou ayant un handicap mental sévère- qui y croupissent bien souvent à vie- subissent chaque jour les effets dévastateurs de ces traitements sur leur psychisme, leurs facultés intellectuelles/cognitives, avec de très nombreux effets secondaires, diminuant fortement leur espérance de vie. De nombreux adultes y “vivent” dans des conditions s’apparentant à de la torture, parfois attachés à leur lit sur des périodes de plusieurs jours. • Des privations arbitraires de libertéparfois accompagnées de privation du droit de vivre dans sa famille si celle-ci se fait trop entendre et réclame la fin de telles mesures : Notre système de sécurité sociale favorise encore trop le maintien en institution, avec des coûts exorbitants dans le cas des hôpitaux psychiatriques, qui trouvent leur intérêt supérieur à garder les personnes autistes ou ayant un handicap mental dans leurs murs, souvent à vie, et sans contrôle effectif, violant ainsi l’article 3 de la CIDE). De nombreux enfants autistes ont été, suite à des signalements aux services sociaux, retirés à la garde de leur famille, parfois placés dans des familles d'accueil, séparés de leur fratrie. Ceci est courant quand les familles demandent un accompagnement adapté pour leur enfant. Cette maltraitance généralisée doit cesser et nous pensons qu’une visite en France serait essentielle pour que des recommandations soient faites, et effectivement suivies, afin que nous sortions enfin de ce système maltraitant et dangereux pour les enfants et leurs familles. Nous serions donc reconnaissants à Madame la Rapporteuse Spéciale, Messieurs les Rapporteurs Spéciaux et Monsieur le Président-Rapporteur de bien vouloir considérer la possibilité de conduire une mission de visite dans notre pays, dans l’espoir de faire diminuer les souffrances et injustices endurées par les personnes autistes et leurs familles. Nous restons à votre disposition pour toute information ou support complémentaires, et vous prions de croire, Madame, Messieurs, en l’assurance de notre respectueuse considération. Les associations et personnes signataires : Cette demande, initiée par l’Alliance Autiste, est également soutenue et co-signée par :
avec le soutien de l’association R.I.Au (Rencontres Internationales de l’Autisme) - Pdte Véronique GROPL |
Maltraitance psychiatrique en France : demande conjointe des associations à l’ONU, 2015
Par Neptune
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