Biais de présentation
Synomymes
biais de publication, ou biais d'autocomplaisance.
Autres types de biais
Définition
Le biais de présentation consiste à ne présenter qu'une partie des résultats, ou à sélectionner une des formes de présentation possibles des résultats, dans le but d'aboutir à une conclusion voulue préalablement.
Exemples de moyens employés
1. Modifier l'unité de mesure
Technique employée pour diluer des chiffres élevés ou pour maximiser des chiffres faibles.Exemple caractéristique : l'étude publiée par Lancet, 2009, concluant à un très faible taux de mortalité par suicide pour les personnes prenant de la clozapine (Leponex@) et d'autres neuroleptiques (1). L'étude s'est déroulée sur plusieurs années (11 ans), mais tous les résultats ont été présentés en nombre de décès par année-homme.
Or, les médicaments tels que la clozapine sont associés à une forte incidence de décès lors de la première année de traitement, et beaucoup moins ensuite. Les chiffres qui suivent sont fictifs mais montrent comment on peut obtenir un pourcentage fondamentalement faux sur un évènement dont l'intensité diminue avec le temps.
Courbe de mortalité en nombre de cas par an.
70 % de décès, 26 % selon Lancet
La mortalité réelle est de 70 % : s'il y a 100 personnes au départ, 50 décès la première année (2), et 5 par an au cours des 4 années suivantes, alors la mortalité est de 50 + 4x5 = 70, donc 70 % de décès en 5 ans.
La mortalité annoncée est de 26 % : en changeant l'unité de mesure en nombre de décès par année-homme, c'est à dire la probabilité moyenne de décéder dans l'année à venir. On compte le même nombre de décès également répartis, donc 70, que l'on rapport au nombre d'année x homme, soit 100 + 50 + 45 + 40 + 35 (années commencées par un homme vivant, donc) ce qui fait 70 / 270 = 25,92 %.
En outre, les auteurs publiés par Lancet ont conclu, par un autre type de biais, que la clozapine "provoquait moins de décès que des antipsychotiques plus modernes". Là il s'agit d'un biais de sélection car le traitement à la clozapine était commencé.... avant le début de l'étude, contrairement aux autres produits. Voir notre article sur les biais de sélection
2. Supprimer une étude complète pour ne retenir que la plus favorable
Technique employée souvent en pharmacologie : les laboratoires ont les moyens de lancer de nombreuses études, et ils le font. Même si la méthodologie de l'étude 1 est identique à celle de l'étude 2, on élimine l'étude 2 en lui trouvant des défauts après coup, et on ne présente que l'étude 1.Exemple : Frédéric Rouillon, l'un des auteurs les plus réputés sur les antidépresseurs en France, a conduit 2 études préalables à la mise sur le marché du Valdoxan (agomélatine) : l'étude CL3-21 et l'étude CL3-041. La première ne donne pas un avantage significatif sur le placebo, la seconde donne un avantage clair. Cependant, son article dans l'ouvrage "Les antidépresseurs" (3), ne cite, dans un comparatif entre antidépresseurs, que la seconde étude, alors que les deux études sont retenues par l'ANSM dans son évaluation concluant à "un faible avantage".
Le Pr Rouillon a conduit ces deux études mais ne cite que la seconde dans l'article
La première étude n'avait aucune raison scientifique d'être purement écartée. Le Pr Rouillon aurait même du en conclure qu'il n'y avait aucune différence d'efficacité avec le placebo à une dose de 25 mg.
Nous pensons en observant ce cas parmi d'autres, que les liens d'intérêt sont une "étiologie" de biais plus ou moins volontaires dans les publications dites scientifiques. Le Pr Rouillon reconnaît (en annexe de l'ouvrage) "des honoraires pour des conférences ou une participation à des essais thérapeutiques pour les laboratoires Servier, Lilly, Janssen-Cilag, Lundbeck et Sanofi".
3. Ne retenir que le comparateur extrême
Cette technique est particulièrement facile à détecter dans la vie courante, mais plus sournoise sur des sujets moins connus.De manière caricaturale, on rencontre cette technique dans les discours politiques démagogiques et excessifs : comparer le rhume et la peste, comparer le nombre de victimes d'une bombe atomique au nombre de victimes de la Shoah, etc, dans l'intention de soutenir une théorie.
En psychiatrie cette technique est parfois employée : on la retrouve dans l'étude Lancet de 2009 déjà citée, concluant à un très faible taux de mortalité par suicide pour les personnes prenant de la clozapine et d'autres neuroleptiques. (1)
Le but déclaré de l'étude était la comparaison entre antipsychotiques dits "atypiques" (clozapine, risperidone-Risperdal@, quetiapine-Xeroquel@, etc) et ceux de 1ere génération (halopéridol- Haldol@, chlorpromazine-Largactil@, cyamémazine-Tercian@ pour les plus courants). Jusque là, pas de problème.
Or les résultats furent publiés en terme de comparaison entre antipsychotiques atypiques, et ... la perphenazine (Trilifan@). Soit un neuroleptique de première génération, devenu peu prescrit du fait de son extrême nocivité, justement. Dans ce cas même l'halopéridol-Haldol@ aurait fait un bon score.
On peut aussi classer cette technique dans le biais de sélection, si l'intention de fausser l'interprétation n'est pas manifeste. Elle reste un biais de présentation si l'intention est de soutenir une conclusion voulue préalablement.
Bibliographie :
Les biais en épidémiologie, Alain Lévêque (4). Une très bonne synthèse assortie de nombreux exemples et schémas.
Anglais
Publication Bias, Self-serving bias
Rechercher "biais" dans le site Neptune
(1) Tiihonen, Lancet, 2009
(2) Attention : ces chiffres ne sont pas ceux de la clozapine (Leponex@), mais donné à titre d'illustration en accentuant l'effet "répartition inégale de l'incidence au cours des années".
(3) Les antidépresseurs, Lavoisier, Ch XIII traitement des troubles dépressifs unipolaires, Frédérice Rouillon, CH Sainte-Anne, 2013
(4) Les biais en épidémiologie, Alain Lévêque
Professeur d’épidémiologie à la Faculté de Médecine et à l’Ecole de Santé Publique de l’Université de Bruxelles, "Méthodes en épidémiologie"