Les psychotropes et nous : IV.1 - Interactions médicamenteuses pharmacocinétiques
Introduction
Il existe deux sortes d'interactions entre médicaments :
- Les interactions dites "pharmacodynamiques" : l'action d'un médicament va contrer ou modifier l'effet de l'autre médicament. Cela est rarement voulu, et dans la majorité des cas, non recommandé. Par exemple et de manière simplifiée, un antidépresseur aura tendance à accélérer l'activité psychique, qu'une benzodiazépine ralentira. Il est fréquent de se voir prescrire des associations de psychotropes non recommandées pour cette raison, à cause d'un mauvais réflexe de prescription consistant à prescrire une substance pour chaque symptôme :
- Vous dormez mal ? => benzodiazépine.
- Vous êtes déprimé ? => antidépresseur.
Cette prescription mécanique irréfléchie mène progressivement à des cocktails dévastateurs. Ce type d'association sera l'objet d'un article dédié. - Vous dormez mal ? => benzodiazépine.
- Les interactions dites "pharmacocinétiques" : le circuit dans l'organisme d'un médicament perturbe celui de l'autre médicament. Généralement, l'interaction non souhaitée se trouve dans la métabolisation cytoplasmique, ou transformation en métabolites par le foie (cytoplasme), dans le but en général d'éliminer la molécule en la fractionnant en "métabolites".
C'est ce type de perturbation entre médicaments due au métabolisme dans le foie qui est l'objet du présent article.
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A utiliser de préférence après avoir bien assimilé les notions exposées ici
Le foie fonctionne comme un péage autoroutier
Sommaire
I. Bases de pharmacocinétique
- Qu'est-ce que la métabolisation ?
- Qu'est-ce que la concentration ?
- Libération et absorption
- La demi-vie
- Le volume de distribution
- L'espace "thérapeutique"
- Thérapeutique mais aussi...
- Rapprocher ou éloigner les prises : quel effet ?
- Les médicaments à libération prolongée
- Vivent les injections ?
- Enfants et psychotropes
- Oui à la prévention, non au dépistage
- La loi et les prescriptions hors AMM
- Métabolisme des enfants et adolescents
Principe des cytochromes spécialisés
Pour bien comprendre ces interactions pharmacocinétiques, il suffit de se représenter le foie, qui est une usine chimique très élaborée et très sensible, comme une barrière de péage d'autoroute, dans laquelle il y a des péages spécialisés par type de véhicule.
Dans un péage autoroutier, certaines files ne traitent que les poids lourds, d'autres ne traitent que les véhicules légers, d'autres encore se spécialisent dans le télépéage etc. Il est précisé qu'on ne peut pas ajouter des péages, et le nombre de files par spécialité est limité dès la construction. La barrière de péage va fonctionner correctement pour les poids lourds s'il ne sont pas trop nombreux, de même pour chaque autre type de véhicule (Figure 1).
Le parallèle avec le cytoplasme est le suivant : chaque spécialisation du péage (poids lourds, véhicules légers, télépéage etc.) est une spécialisation d'une partie du foie par type de médicament : ceux qui utilisent la métabolisation de type 1, ceux qui utilisent la métabolisation de type 2 etc. C'est là qu'intervient l'importance du cytochrome : le cytochrome est un "enzyme", c'est-à-dire une molécule spécialisée dans la métabolisation de certains types de molécules. Par exemple, le cytochrome P450-2D6 est spécialisé dans la métabolisation de la plupart des antipsychotiques et antidépresseurs. Le cytochrome P450-1A9 va s'occuper un peu des antipsychotiques, mais est incontournable pour les benzodiazépines etc. Chaque "atelier" de cytochromes du même type est donc une spécialisation qui travaille comme une file spécialisée de notre péage d'autoroute (Figure 2).
Il y aura un "bouchon" en amont d'une file spécialisée, par exemple la file "2D6", s'il y a trop de molécules devant impérativement passer par l'atelier spécialisé "2D6". Ceci se produit déjà avec une seule molécule lorsque sa dose est trop importante : l'atelier est saturé même s'il est performant. Cela se produit aussi si l'atelier est moins performant que la normale : c'est le cas des insuffisants hépatiques, ou des métaboliseurs lents dont l'atelier 2D6 est génétiquement plus lent que la normale. Ceci se produit encore lorsque l'on prend deux médicaments à dose normale ou même légère, mais qui tous les deux doivent passer par l'atelier 2D6 pour être métabolisés. Ce dernier cas est malheureusement très fréquemment rencontré avec les psychotropes qui sont ajoutés les uns par dessus les autres sans prendre garde à leur métabolisme. Le résultat sera une sur-concentration de chacun des psychotropes qui doit "patienter" dans la même file d'attente que l'autre psychotrope (Figure 3).
Les conséquences seront alors :
- La saturation du foie, pouvant à terme mener à des complications hépatiques
- Une sur-concentration de la molécule A dans le sang, avec des effets très souvent iatrogènes
- Une sur-concentration de la molécule B dans le sang, avec des effets très souvent iatrogènes
- Des "effets paradoxaux" ou inattendus dus aux interactions directes entre A et B en trop forte concentration.
Il y a un nombre assez faible de types de cytochromes, encore plus faible si l'on considère seulement ceux qui métabolisent les psychotropes. Ceci fait que le phénomène de bouchon et ses effets délétères est malheureusement fréquent, car le prescripteur ne fait pas toujours attention à ce phénomène, même s'il est - en partie - documenté dans les notices à sa disposition.
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Figure 1. Spécialisation dans un péage autoroutier
Figure 2. Spécialisation des cytochromes du foie
Figure 3. Lorsque la molécule A et la molécule B sont métabolisées par le même cytochrome
L'outil "transformer" : mode d'emploi
1 Lancer l'outil en cliquant ci-dessous | 2 Entrez le nom de la première molécule Exemple : quetiapine, venlafaxine etc. | 3 Cliquez sur la molécule dans la liste |
4 Entrez le nom de la deuxième molécule et sélectionnez dans la liste comme précédemment | 5 Cliquez sur "Get Interactions" | 6 Un tableau de résultats s'affiche comme dans l'exemple ci-dessous. Élargissez au besoin votre fenêtre pour mieux voir le résultat |
7 Exemple de résultat Cliquez sur l'image pour l'agrandir | 8 Interprétation | |
Le groupe auteur de Transformer : Michael F. Hoffmann, Sarah C. Preissner, Janette Nickel, Mathias Dunkel, Robert Preissner et Saskia Preissner. Références médicales et scientifiques : mots-clé "Transformer", "database", "biotransformation", "xenobiotiques", publication de référence : Revenir au début | Important1. Nos conseils ne se substituent pas à la consultation d'un bon médecin. 2. Nous sommes réceptifs à toute remarque sur le présent article dans le but d'améliorer nos connaissances, et celles des nombreux lecteurs d'un tel sujet. Aussi, n'hésitez pas à "répondre" à ce sujet, ou à nous contacter pour nous signaler toute information utile, remarque, observation, que nous étudierons dans les meilleurs délais. L'équipe Neptune |