Troubles factices
Texte intégral.
Les troubles factices sont caractérisés par des symptômes physiques ou psychologiques qui sont produits intentionnellement ou qui sont feints, dans le but de jouer le rôle de malade. Pour juger qu'un symptôme particulier est produit intentionnellement, on s'appuie sur des preuves directes et on élimine les autres causes possibles du symptôme. Par exemple, un sujet présentant une hématurie est trouvé en possession d'anticoagulants. Il nie en avoir pris, alors que les résultats des examens sanguins sont compatibles avec l'ingestion d'anticoagulants. On peut raisonnablement en inférer que la prise du médicament a été intentionnelle, sauf si l'on a des raisons de penser que l'ingestion a été accidentelle. Il faut noter qu'un sujet peut présenter à la fois des symptômes factices et de véritables symptômes physiques ou psychologiques.
Les troubles factices sont ici distingués des actes de simulation. Dans la simulation, l'individu produit aussi les symptômes intentionnellement, mais il a un objectif qui apparaît clairement lorsqu'on connaît le contexte. Ainsi, la production intentionnelle de symptômes pour éviter d'être juré, de passer en jugement ou d'être appelé au service militaire serait considérée comme une simulation. Il en serait de même si une personne traitée dans un service hospitalier pour un trouble mental simulait une aggravation de sa maladie afin d'éviter son transfert dans un autre lieu plus rébarbatif. En revanche, dans le trouble factice, la motivation est un besoin psychologique de jouer le rôle de malade, ainsi qu'en témoigne l'absence de motifs extérieurs pour expliquer le comportement. La simulation peut être considérée comme un comportement adapté dans certaines circonstances (p. ex., en situation d'otage), mais, par définition, un trouble factice implique toujours une psychopathologie.
Critère A
La caractéristique essentielle d'un trouble factice est la production intentionnelle de signes ou de symptômes physiques ou psychologiques.
Critère B
Le tableau clinique peut comporter la fabrication de symptômes somatiques (p. ex., des douleurs abdominales aiguës en l'absence de douleur réelle), la falsification de signes objectifs (p. ex., manipuler un thermomètre pour créer l'illusion de la fièvre), des affections que le sujet se déclenche lui-même (p. ex., en provoquant la formation d'abcès par injection sous-cutanée de salive), la majoration ou l'exacerbation d'une affection médicale générale préexistante (p. ex., la simulation d'une crise de grand mal par un sujet ayant des antécédents de comitialité) ou toute association ou variante des tableaux précédents. La motivation du comportement est de jouer un rôle de malade.
Critère C
Il n'y a pas de motifs extérieurs à ce comportement (p. ex., gagner de l'argent, fuir une responsabilité légale, ou améliorer sa situation matérielle ou physique comme dans la simulation).
Les individus ayant un trouble factice présentent généralement leur histoire avec un grand sens dramatique, mais se montrent extrêmement imprécis et contradictoires quand on leur demande plus de détails. Ils peuvent s'embarquer dans des mensonges pathologiques, d'une façon qui ne laisse pas d'intriguer celui qui les écoute, à propos de n'importe quel aspect de leur histoire ou de leurs symptômes.
Ils ont généralement une vaste connaissance de la terminologie médicale et des habitudes hospitalières. Très souvent, ils se plaignent de douleurs et réclament des analgésiques. Lorsqu'un bilan approfondi en rapport avec leurs principales plaintes initiales s'est avéré négatif, ils se plaignent fréquemment d'autres problèmes physiques ou psychologiques et présentent de nouveaux symptômes factices. Les sujets peuvent se soumettre avec empressement à des investigations et à des opérations multiples et invasives.
Pendant qu'ils sont hospitalisés, ils ont habituellement peu de visites. Tôt ou tard, la situation peut en arriver au point que la nature factice des symptômes est démasquée (p. ex., lorsque la personne est reconnue par une autre qui l'a déjà rencontrée lors d'une admission précédente ; lorsque d'autres hôpitaux confirment qu'il y a eu de nombreuses hospitalisations dans le passé pour une symptomatologie factice). Confrontés aux preuves que leurs symptômes sont factices, ces individus refusent en général de l'admettre ou bien sortent rapidement contre avis médical. Quelquefois, ils sont admis dans un autre hôpital peu de temps après. Ces hospitalisations répétées les conduisent souvent dans de nombreuses villes, dans de nombreux états ou pays.
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Sous-types
Le trouble factice est codé par sous-types, eux-mêmes caractérisés par les symptômes prédominants.
Avec signes et symptômes psychologiques prédominants
Ce sous-type représente les tableaux cliniques où les signes et symptômes psychologiques sont au premier plan. Il est caractérisé par la production intentionnelle ou la simulation de symptômes psychologiques (souvent psychotiques) qui suggèrent un trouble mental. Le but du sujet est apparemment de jouer le rôle de « malade » et il ne s'explique d'aucune autre manière, à la lumière des circonstances qui entourent le sujet (contrairement à la simulation).
On évoque ce sous-type devant une symptomatologie variée, qui souvent ne correspond à aucun syndrome répertorié, devant une évolution et une réponse au traitement inhabituelles et une aggravation des symptômes lorsque le sujet se sait observé. Les individus ayant ce sous-type de trouble factice peuvent se prétendre déprimés et dire qu'ils ont des idées de suicide après la mort d'un conjoint (un tel décès n'étant pas confirmé par d'autres sources d'information) ; ils peuvent se plaindre de troubles de la mémoire (à court terme et à long terme), d'hallucinations ou d'idées délirantes, de symptômes d'un état de stress post-traumatique, et de symptômes dissociatifs.
Certains sujets peuvent discerner dans les questions de la personne qui les examine quels sont les symptômes à feindre lors d'une récapitulation générale. A l'opposé, ils peuvent avoir une attitude très négativiste et non coopérative à l'entretien. Le tableau clinique traduit en général la conception qu'a le sujet des troubles mentaux et ne correspond à aucune catégorie diagnostique reconnue.
Avec signes et symptômes physiques prédominants
Ce sous-type représente les tableaux cliniques où sont au premier plan les signes et les symptômes de ce qui paraît être une affection médicale générale. Les problèmes cliniques pouvant être feints ou produits le plus souvent sont les infections (p. ex., les abcès), les défauts de cicatrisation, la douleur, l'hypoglycémie, l'anémie, les saignements, les éruptions, les symptômes neurologiques (p. ex., les crises, les vertiges ou les évanouissements), les vomissements, la diarrhée, les fièvres d'origine indéterminée et les symptômes de maladies auto-immunes ou des connectivites.
La forme la plus sévère et la plus chronique de ce trouble est connue sous le nom de « syndrome de Münchhausen », dont les éléments essentiels sont des hospitalisations récurrentes, des pérégrinations et la pseudologia fantastica (ndlr : mythomanie ou mensonge pathologique). Tous les organes peuvent être touchés, et seuls le degré d'évolution du sujet, son imagination, et ses connaissances médicales limitent l'étendue et la variété des symptômes.
Avec une association de signes et de symptômes psychologiques et physiques
Ce sous-type représente des tableaux cliniques qui comportent à la fois des signes et des symptômes psychologiques et physiques, mais où aucun ne prédomine.
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Caractéristiques et troubles associés
Dans le trouble factice avec signes et symptômes psychologiques prédominants, les sujets peuvent donner des réponses approximatives (p. ex., 8 fois 8 égalent 65). Le sujet peut utiliser volontairement des substances dans le but de provoquer des symptômes qui suggèrent un trouble mental (p. ex., des stimulants pour provoquer de l'agitation ou de l'insomnie, des hallucinogènes pour induire des anomalies perceptives, des analgésiques pour provoquer une euphorie et des hypnotiques pour entraîner une léthargie). Les associations de substances peuvent produire des tableaux cliniques très inhabituels.
Les sujets ayant un trouble factice avec signes et symptômes physiques prédominants peuvent également présenter un abus d'une substance, en particulier des analgésiques et des sédatifs qui ont pu leur être prescrits.
Les hospitalisations multiples entraînent souvent des affections médicales générales iatrogènes (p. ex., la formation d'un tissu cicatriciel suite à des interventions chirurgicales injustifiées ou des réactions indésirables aux médicaments).
Dans la forme chronique de ce trouble, on peut observer des « abdomens balafrés » à force d'interventions chirurgicales multiples. Il est rare que des individus ayant un trouble factice chronique maintiennent un emploi stable, des liens familiaux et des relations interpersonnelles.
Pourraient prédisposer au trouble factice : d'autres troubles mentaux ou affections médicales générales survenus pendant l'enfance ou l'adolescence qui ont conduit à de nombreux traitements médicaux et hospitalisations ; des ruptures familiales ou une maltraitance psychologique ou physique dans l'enfance ; une rancune contre le corps médical, la présence d'un trouble grave de la personnalité, le plus souvent une personnalité borderline.
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Caractéristiques liées au sexe
Le trouble factice est plus fréquent chez la femme que chez l'homme. Toutefois, sa variante la plus chronique et la plus grave (Münchhausen) semble plus fréquente chez l'homme que chez la femme.
Prévalence
On dispose de peu d'informations sur la prévalence du trouble factice. Les techniques épidémiologiques habituelles sont limitées par le fait que le trouble factice comporte toujours une tromperie et parfois des pérégrinations, ce qui fait qu'il n'est souvent pas reconnu. D'un autre côté, la fréquence de la forme chronique du trouble pourrait être surestimée du fait que les sujets atteints par ce trouble se présentent à différents médecins dans différents hôpitaux, souvent sous des identités différentes.
Les données les plus sûres indiquent que dans les grands hôpitaux généraux, le diagnostic de trouble factice est porté chez environ 1 % des sujets qui subissent un examen psychiatrique. La prévalence semble plus élevée dans des structures très spécialisées.
Les formes avec signes et symptômes psychologiques prédominants sont signalées beaucoup moins souvent que celles avec signes et symptômes physiques prédominants.
Évolution
L'évolution du trouble factice consiste habituellement en épisodes intermittents. Plus rares sont les épisodes uniques ou les évolutions chroniques, sans rémission. Le début survient habituellement chez l'adulte jeune, souvent dans les suites d'une hospitalisation pour une affection médicale générale ou pour un autre trouble mental. Dans la forme chronique du trouble, la succession des hospitalisations peut devenir un mode de vie permanent.
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Diagnostic différentiel
- Un trouble factice doit être distingué d'une affection médicale générale véritable et d'un trouble mental véritable. Un trouble mental ou une affection médicale générale peuvent être soupçonnés d'être en réalité un trouble factice si l'on constate une association des éléments suivants :
- un tableau clinique atypique ou dramatique qui ne correspond à aucune affection médicale générale ou à aucun trouble mental identifiable ;
- des symptômes ou des comportements qui n'existent que lorsque l'individu est observé ;
- la pseudologia fantastica ; (ndlr : mensonge pathologique ou mythomanie)
- un comportement perturbateur dans le service (p. ex., le non-respect du règlement de l'hôpital, des discussions interminables avec les infirmières et les médecins) ;
- une connaissance approfondie de la terminologie médicale et des habitudes hospitalières ;
- l'utilisation cachée de substances diverses ;
- la trace de multiples interventions à visée thérapeutique (opérations chirurgicales répétées, séries répétées d'électrochocs) ;
- de nombreux voyages ;
- peu ou pas de visites pendant l'hospitalisation ;
- une évolution clinique fluctuante avec apparition rapide de « complications » ou d'une pathologie nouvelle une fois que le bilan initial s'avère négatif.
Cependant, il faut noter que l'absence de signes objectifs (p. ex., l'absence d'une lésion démontrable) ne signifie pas nécessairement que les symptômes (p. ex., la douleur) sont produits intentionnellement. - un tableau clinique atypique ou dramatique qui ne correspond à aucune affection médicale générale ou à aucun trouble mental identifiable ;
- Dans les troubles somatoformes, on observe aussi des plaintes somatiques qui ne peuvent pas être attribuées uniquement à une véritable affection médicale générale, mais les symptômes ne sont pas produits intentionnellement.
- La simulation diffère du trouble factice par le fait que le sujet y est poussé consciemment par un motif extérieur. Dans la simulation, les individus peuvent chercher à se faire hospitaliser dans le cadre de tentatives pour obtenir un dédommagement, éviter des poursuites ou simplement pour trouver où dormir. Mais leur but est généralement apparent et ils peuvent faire "cesser" les symptômes lorsque ceux-ci ne leur servent plus à rien. Dans le trouble factice, le sujet n'est en général pas conscient de la motivation qui se trouve derrière le comportement factice et il n'y a pas de motifs extérieurs.
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Correspondance avec les Critères diagnostiques pour la CIM-10
Les critères diagnostiques pour la recherche de la CIM-10 et les critères du DSM-IV pour les troubles factices sont presque identiques.
*N.d.T. À ce diagnostic correspondent les codes 000.xx de la CIM-9-MC et le code F68.1 de la CIM-10.
Trouble factice non spécifié
Cette catégorie s'applique à des troubles qui comportent des symptômes factices ne répondant pas aux critères diagnostiques du trouble factice. Un exemple en est le trouble factice par procuration : production ou feinte intentionnelle de signes ou de symptômes physiques ou psychologiques chez une autre personne dont l'individu a la charge dans le but de jouer indirectement le rôle de malade.
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