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Obtenir la levée d’une mesure de soins psychiatriques sans consentement pour non respect de la loi L3222-5-1 de 2016 sur la contention et l’isolement

Par Neptune 

le 15/11/2017 

0 lectures

Introduction


Avant la loi de « modernisation du système de santé » et son article L3222-5-1 entré en vigueur le 27 janvier 2016, l’isolement et la contention étaient considérés officiellement comme des « actes médicaux », donc laissés à la libre appréciation des psychiatres voire des soignants mandatés « si besoin » par les psychiatres. S’il était possible de contester auprès du Juge des Libertés et de la Détention (JLD) les décisions de « soins » sans consentement, il n’était pas possible, le plus souvent, de contester un « acte médical » comme l’étaient la contention et l’isolement. Les « recommandations » de la Haute Autorité de Santé (HAS) à ce sujet ont toujours été floues (1), très peu opposables en justice, non contraignantes, et laissaient libre cours aux abus, et même à une pratique industrielle dans certains établissements (2).

Désormais, la contention et l’isolement sont encadrés par la loi.

Nous aurions préféré et demandons toujours qu’elles soient abolies : cela est indispensable pour qu’un début de restauration de la confiance dans la médecine ait lieu, et pour que l’on cesse de porter atteinte à la santé physique et mentale des « patients » et des soignants. Cela est possible en France, car les Islandais – pays de même richesse par habitant – l’ont fait (2b).

Puisqu’il faut en France passer par la justice pour faire respecter un peu plus nos droits et notre dignité, nous disposons avec la loi du 26 janvier 2016 - et avec la jurisprudence liée à cette loi - de nouveaux moyens d’obtenir la main levée d’une mesure de soins sans consentement, que ce soit sous la forme d’un internement ou sous celle d’un programme de soins à domicile.

Les mains levées liées directement à la contention ou à l’isolement ci-dessous ne constituent pas une liste exhaustive : les avocats du barreau de Versailles étant très actifs sur ce sujet, et relayés par le CRPA (3), nous disposons seulement des informations de cette juridiction . N’hésitez pas à faire part à votre avocat de ces éléments, qui montrent comment un juge peut et doit trancher lorsqu’une privation extrême de liberté que constituent une contention ou un isolement, est pratiquée illégalement.


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La loi L3222-5-1 du 26 janvier 2016


« L'isolement et la contention sont des pratiques de dernier recours. Il ne peut y être procédé que pour prévenir un dommage immédiat ou imminent pour le patient ou autrui, sur décision d'un psychiatre, prise pour une durée limitée.

Leur mise en œuvre doit faire l'objet d'une surveillance stricte confiée par l'établissement à des professionnels de santé désignés à cette fin.

Un registre est tenu dans chaque établissement de santé autorisé en psychiatrie et désigné par le directeur général de l'agence régionale de santé pour assurer des soins psychiatriques sans consentement en application du I de l'article L. 3222-1. Pour chaque mesure d'isolement ou de contention, ce registre mentionne le nom du psychiatre ayant décidé cette mesure, sa date et son heure, sa durée et le nom des professionnels de santé l'ayant surveillée. Le registre, qui peut être établi sous forme numérique, doit être présenté, sur leur demande, à la commission départementale des soins psychiatriques, au Contrôleur général des lieux de privation de liberté ou à ses délégués et aux parlementaires.

L'établissement établit annuellement un rapport rendant compte des pratiques d'admission en chambre d'isolement et de contention, la politique définie pour limiter le recours à ces pratiques et l'évaluation de sa mise en œuvre. Ce rapport est transmis pour avis à la commission des usagers prévue à l'article L. 1112-3 et au conseil de surveillance prévu à l'article L. 6143-1.»

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Les décisions de justice obtenues




Les jugements ci-dessous, et leur analyse, sont issus d’une étude (4) publiée le 17 juillet 2017 par Jean-Marc Panfili - élève avocat  et cadre supérieur de santé en reconversion professionnelle - docteur en droit - chercheur associé à l’Institut Maurice Hauriou - Université de Toulouse 1 Capitole.

1. La preuve du respect de la loi incombe à l’hôpital


    Cour d’appel de Versailles, ordonnance de mainlevée du 24 octobre 2016, n°16/0739324 octobre 2016, Centre Hospitalier ERASME d’Antony (92)

    Dans cette affaire, le Juge des Libertés et de la Détention avait rejeté en première instance la demande de main levée formulée par la famille, au motif que les demandeurs « n’apportaient pas la preuve du non-respect des dispositions de l’article L3222-5-1 ». La famille fait immédiatement appel (5). Le juge d’appel, qui a noté dans un rapport d’audience qu’il y avait bien eu isolement - le représentant de l’hôpital l’avait indirectement évoqué - a constaté que l'hôpital n’avait fourni aucune justification et a motivé sa décision ainsi :  « C’est à l’établissement hospitalier de justifier du respect des dispositions de l’article L3222-5-1 du code de la santé publique et de fournir au juge les éléments lui permettant d’opérer le contrôle qui lui incombe sur les atteintes à la liberté du patient ». Il infirme l’ordonnance du JLD et ordonne la main levée de la mesure d’hospitalisation.

    Il donne un délai de 24 heures pour laisser le temps d’établir un programme de soins (6).

2. L’isolement ou la contention pour prévenir un risque de fuite ne sont pas un motif valable


    TGI de Versailles, ordonnance de mainlevée du JLD du 4 mai 2017, n°17/00699

    Le juge des libertés et de la détention a estimé en première instance que la loi n’était pas respectée : « La mise en chambre de soins intensifs […] est consécutive, non pas à la volonté de prévenir un dommage immédiat ou imminent pour le patient ou pour autrui, mais au souhait de prévenir un risque de fuite de la part de l’intéressé […] » Il ordonne la main levée de la mesure de soins sans consentement avec un délai maximal de 24 heures pour permettre l’établissement d’un programme de soins.

3. Des manquements dans l’obligation de surveillance lors d’un isolement ou d’une contention sont graves et justifient une main levée


    TGI de Versailles, ordonnance de mainlevée du JLD du 24 mai 2017, n°17/00813

    Le patient en soins sur décision du représentant de l’État, n’avait pas bénéficié de la surveillance prévue à l’art. L. 3222-5-1 (ci-dessus). En l’occurrence, il ressortait du registre de l’établissement, que la surveillance avait d’abord été assurée dans un premier temps, seulement par un agent de sécurité, à la place des professionnels de santé normalement requis à cette fin. Ensuite il n’y avait plus eu aucune surveillance. Le juge des libertés et de la détention a prononcé la main levée des soins sans consentement.

4. La non-justification d’un isolement ou d’une contention au regard de la loi motive une main levée


    TGI de Versailles, ordonnance de mainlevée du JLD du 20 juin 2017, n°17/00996

    L’hôpital avait versé au dossier le registre du placement en isolement. Il a été retenu que l’absence d’informations relatives à la motivation (dommage imminent pour le patient ou pour autrui), ou à des observations permettant de connaître les raisons de dernier recours justifiant le placement en isolement, violait l’article L. 3222-5-1. Le juge des libertés et de la détention a prononcé la main levée des soins sans consentement.

5. Des « troubles du comportement » ayant motivé des soins sous contrainte, ne suffisent pas à justifier en eux-mêmes d’une mise à l’isolement


    TGI de Versailles, ordonnance de mainlevée du JLD du 23 juin 2017, n°17/01010.

    L’hôpital avait versé au dossier le registre du placement en isolement. Il a été retenu que dans ce registre il n’y avait pas de justification pour une mise en isolement autre que celles justifiant la décision des soins non consentis. Le juge a fait valoir que ces deux décisions ne se justifiaient pas de la même façon, l’isolement, mesure « extrême », nécessitant une justification plus forte que le soin sans consentement, et a prononcé la main levée globale sous 24 heures des soins sans consentement

6. La communication par l’hôpital au juge des libertés et de la détention des informations détaillées sur l’isolement et la contention est obligatoire


    Cour d’Appel de Versailles, ordonnance de mainlevée du 29 mai 2017, n°17/04051

    Le juge d’appel a considéré qu’en application de l’article L3211, qui précise que « sont communiqués au JLD afin qu’il statue : (…) 4° Une copie des certificats et avis médicaux prévus (…), et de tout autre certificat ou avis médical utile, dont ceux sur lesquels se fonde la décision la plus récente de maintien des soins », l’absence des documents justifiant de la contention ou de l’isolement était fautive, et a prononcé l’annulation de la décision de maintien des soins sous contraintes par le JLD, et donc la remise en liberté de la personne.

    TGI de Versailles, ordonnance de mainlevée du JLD du 29 juin 2017, n°17/01044

    Dès la première comparution devant le JLD, celui-ci, apprenant par l’intéressé et par le certificat médical des 24 heures, qu’il avait été mis à l’isolement dès son admission, et ne voyant pas dans le dossier les éléments justificatifs demandés par la loi L3222-1-5 et notamment, le nom du psychiatre prescripteur ainsi que des professionnels ayant effectué la surveillance, a prononcé la main levée sous 24 heures de la personne qui avait été internée à la demande du représentant de l’état.

    TGI de Versailles, ordonnance de mainlevée du JLD du 7/07/2017, n°17/01092

    Motivation et décision identiques à la précédente.

    TGI de Versailles, ordonnance de mainlevée du JLD du10/07/2017, n°17/01081

    Motivation et décision presque identiques : dans ce cas, les documents étaient bien au dossier, mais illisibles.

7. Une « chambre de soins intensifs », ou autre appellation politiquement correcte, reste un isolement ; un "placement X4" est une contention mécanique


    Cour d’Appel de Versailles, ordonnance de mainlevée du 16 juin 2017, n°17/04374;
    Centre Hospitalier François-Quesnay de Mantes-la-Jolie (Yvelines 78). Avocat : Delphine Mamoudy


    Le juge d’appel a contesté l’interprétation du préfet et du Juge des Libertés en première instance, selon laquelle, en jouant sur les mots, une « chambre de soins intensifs » ne serait pas un isolement. Il motive sa décision par le fait qu’« au vu de la littérature professionnelle, la mise en « chambre de soins intensifs » correspond bien à l’isolement prévu par l’article L. 3222-5-1 ». En effet, dans les recommandations de la Haute autorité de santé (critère 10e du manuel de certification HAS 2014), s’inspirant de la circulaire Veil n° 48 DGS/SP3 du 19 juillet 1993, l’isolement est constitué dès que le patient se trouve seul dans une chambre verrouillée. Le juge d’appel a annulé la décision du JLD, et prononcé la mainlevée de la mesure de soins sous contrainte.

    On rencontre toutes sortes d’appellations pour ce qui s’avère au final être un isolement : « chambres d’apaisement », « chambre sécurisée », "mise à l'abri des sollicitations extérieures" etc.

    De même, les prescriptions de contention sont souvent dissimulées par le jargon : "X4" ou "placement X4", par exemple, signifie, pour les initiés, attachement par les 4 membres.

8. Un isolement « de quelques heures » est un isolement


    TGI de Versailles, ordonnance de mainlevée du JLD du 03 juillet 2017, n°1701064

    Le patient a déclaré à l’audience, avoir été placé en isolement. L’hôpital minimise l’isolement, arguant qu’il n’a duré que 2 à 3 heures. En l’espèce, l’absence des pièces afférentes au dossier transmis au juge, notamment du nom du psychiatre prescripteur de la mesure d’isolement, et des professionnels ayant assuré la surveillance, ne permet pas au juge de s’assurer du respect des dispositions de l’article L. 3222-5-1. Cette situation fait nécessairement grief au patient, ce qui entraîne une mainlevée de la mesure sous 24 heures.

9. La communication tardive des éléments obligatoires sur l’isolement ou la contention, est illégale


    TGI de Versailles, ordonnance de mainlevée du 07 /07/2017, n°17/01087

    Le juge des libertés et de la détention a prononcé la mainlevée pour une personne hospitalisée sur décision du représentant de l’État, car le registre d’isolement avait été versé tardivement, ceci ne permettant pas de respecter le principe contradictoire. De plus, il manquait les justifications de danger imminent pour le patient ou pour autrui, ainsi que celles relatives au dernier recours.

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À savoir que la jurisprudence a évolué depuis 2017, et la question (de l'absence de contrôle périodique des mesures d'isolement et de contention, qui ne relèvent plus du JLD) a fait l'objet d'une Question prioritaire de constitutionnalité (QPC) auprès de la Cour de Cassation qui l'a renvoyée, en date du 5 mars 2020, pour examen devant le Conseil constitutionnel : https://www.courdecassation.fr/jurisprudence_2/qpc_3396/cour_cassation_3641/5_1_44253.html

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