Troubles liés à la nicotine
Texte intégral
La dépendance et le sevrage à la nicotine peuvent se développer lors de l'utilisation d'une forme quelconque de tabac (cigarettes, tabac à chiquer ou à priser, pipes, cigares) y compris de médications prescrites (gomme à mâcher à la nicotine et patch).
La capacité relative de ces produits à produire une dépendance ou à induire un sevrage dépend de la rapidité d'action de la voie d'administration (fumée plus rapide que voie orale, elle-même plus rapide que voie transdermale) et de la quantité de nicotine du produit.
Cette section comprend des précisions spécifiques aux troubles liés à la nicotine. Des textes et des critères ont déjà été donnés pour définir les aspects généraux d'une dépendance à une substance qui s'appliquent quelle que soit la substance.
L'application de ces critères généraux à la dépendance à la nicotine est indiquée ci-dessous.
Compte tenu du faible nombre de données cliniques pertinentes, l'intoxication à la nicotine et l'abus de nicotine ne sont pas inclus dans le DSM-IV.
Un texte spécifique et un ensemble de critères pour le sevrage à la nicotine sont aussi donnés ci-dessous.
Dépendance à la nicotine
Se référer aussi au texte et aux critères pour une dépendance à une substance.
Certains des critères généraux de dépendance ne paraissent pas s'appliquer à la nicotine alors que d'autres nécessitent des explications supplémentaires.
La tolérance à la nicotine se manifeste par des effets plus intenses de la nicotine lors de la prise initiale pendant la journée et par l'absence de nausées, d'étourdissements et d'autres symptômes caractéristiques, malgré l'utilisation de quantités substantielles de nicotine.
L'arrêt de l'utilisation de la nicotine produit un syndrome de sevrage bien défini qui est décrit ci-dessous. De nombreux sujets qui utilisent la nicotine en prennent pour soulager ou éviter les symptômes de sevrage quand ils s'éveillent ou après s'être trouvés dans une situation où l'utilisation est limitée (ex. : au travail ou dans un avion). Les sujets qui fument ou les autres sujets qui utilisent de la nicotine utilisent leur réserve de cigarettes ou d'autres produits contenant de la nicotine plus rapidement qu'ils ne le voudraient.
Bien que plus de 80 % des sujets qui fument expriment le désir de cesser de fumer, et bien que 35 % essayent d'arrêter chaque année, moins de 5 % y parviennent s'ils ne sont pas aidés dans leurs efforts. Le meilleur exemple du fait de passer beaucoup de temps à l'utilisation de la substance est de fumer cigarette sur cigarette.
Dans la mesure où les sources de nicotine sont disponibles facilement et légalement, il est rare de passer beaucoup de temps pour s'en procurer. Renoncer à d'importantes activités sociales, professionnelles ou de loisirs peut se produire si un sujet abandonne une activité parce qu'elle a lieu dans une zone où il est interdit de fumer. La poursuite de l'utilisation malgré des problèmes médicaux associés constitue un problème de santé particulièrement important (ex. : un sujet qui continue à fumer bien qu'il ait une affection médicale générale induite par le tabac telle qu'une bronchite ou une bronchopneumopathie obstructive chronique).
Spécifications
Les spécifications suivantes pour l'évolution peuvent s'appliquer au diagnostic de dépendance à la nicotine.
Elles sont codées au cinquième caractère.
- Rémission précoce complète
- Rémission précoce partielle
- Rémission prolongée complète
- Rémission prolongée partielle
Spécifier si :
- Avec dépendance physique
- Sans dépendance physique
Sevrage à la nicotine
Se référer aussi au texte et aux critères pour le sevrage à une substance.
Critères A et B
- humeur dysphorique ou dépressive ;
- insomnie ;
- irritabilité, frustration ou colère ;
- anxiété ;
- difficultés de concentration ;
- fébrilité ou impatiences ;
- diminution du rythme cardiaque ;
- et augmentation de l'appétit ou prise de poids.
La caractéristique essentielle du sevrage à la nicotine est la présence d'un syndrome de sevrage caractéristique qui se développe après l'arrêt brutal, ou la réduction de l'utilisation de produits contenant de la nicotine après une période prolongée (au moins plusieurs semaines) d'utilisation quotidienne.
Le syndrome de sevrage inclut au moins quatre des signes suivants :
Critère C
Le syndrome de sevrage cause une souffrance cliniquement significative ou une altération du fonctionnement social, professionnel, ou dans d'autres domaines importants.
Critère D
Les symptômes ne sont pas dus à une affection médicale générale, et ne sont pas mieux expliqués par un autre trouble mental.
Ces symptômes sont dus, pour une large part, à la privation de nicotine et, typiquement, sont plus intenses chez les sujets qui fument des cigarettes que chez des sujets qui utilisent d'autres produits contenant de la nicotine.
Le début plus rapide des effets de la nicotine qu'on obtient en fumant la cigarette conduit à un mode d'habituation plus intense et plus difficile à abandonner du fait de la fréquence et de la rapidité du renforcement et de la plus grande dépendance physique à la nicotine.
Chez les sujets qui fument des cigarettes, le rythme cardiaque diminue de 5 à 12 battements par minute dans les premiers jours qui suivent l'arrêt de la cigarette, et le poids augmente en moyenne de 2 à 3 kilos au cours de la première année après cet arrêt.
De légers symptômes de sevrage peuvent se produire après le passage à des cigarettes à faible teneur en goudrons et en nicotine, et après l'arrêt de l'utilisation du tabac non fumé (chique), du chewing-gum ou des patchs à la nicotine.
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Informations supplémentaires sur les troubles liés à la nicotine
Caractéristiques et troubles associés
- fumer rapidement après l'éveil,
- fumer quand on est malade,
- avoir de la difficulté à ne pas fumer,
- signaler que la première cigarette de la journée est la plus difficile à abandonner,
- fumer plus le matin que l'après-midi.
Le manque est un élément important du sevrage à la nicotine et peut expliquer la difficulté qu'ont les sujets à arrêter les produits contenant de la nicotine.
D'autres symptômes associés au sevrage à la nicotine comprennent une envie de bonbons et une altération des performances sur les tâches qui requièrent de la vigilance.
Plusieurs caractéristiques associées à la dépendance à la nicotine semblent annoncer une plus grande difficulté à arrêter l'utilisation de nicotine :
Le nombre de cigarettes fumées par jour, le contenu de la cigarette en nicotine, et le nombre de paquets-années sont aussi liés à la probabilité qu'un sujet arrête de fumer.
La dépendance à la nicotine est plus fréquente chez les sujets qui présentent d'autres troubles mentaux comme une schizophrénie.
Selon la population étudiée, de 55 à 90 % des sujets ayant un autre trouble mental fument, à comparer aux 30 % de la population générale.
Les troubles de l'humeur, les troubles anxieux, et les autres troubles liés à une substance seraient plus courants chez les sujets qui fument que chez les anciens fumeurs ou ceux qui n'ont jamais fumé.
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Examens complémentaires
Les symptômes de sevrage sont associés à un ralentissement de l'EEG, une diminution des taux de catécholamines et de cortisol, des modifications des mouvements oculaires rapides (MOR), des altérations aux tests neuropsychologiques, et une diminution du métabolisme.
Le fait de fumer augmente la métabolisation de nombreuses médications prescrites pour traiter des troubles mentaux et celle d'autres substances. De ce fait, cesser de fumer peut augmenter les taux sanguins de ces médications et ceux d'autres substances, parfois de manière cliniquement significative. Cet effet ne semble pas dû à la nicotine mais plutôt à d'autres produits contenus dans le tabac. La nicotine et son métabolite la cotinine peuvent être mesurés dans le sang, la salive et l'urine. Souvent, les personnes qui fument ont aussi des examens fonctionnels pulmonaires altérés et un volume globulaire moyen (VGM) augmenté.
Examen physique et affections médicales générales associées
Le sevrage à la nicotine peut être associé à une toux sèche ou productive, un ralentissement du rythme cardiaque, une augmentation de l'appétit ou un gain de poids, et un affaiblissement de la réponse orthostatique.
Les signes les plus habituels d'une dépendance à la nicotine sont l'odeur de tabac, la toux, les signes d'une broncho-pneumopathie obstructive chronique, et une augmentation des rides cutanées. Des taches de tabac sur les doigts peuvent se produire mais sont rares.
L'utilisation du tabac peut accroître notablement la morbidité et en particulier, les risques de cancers surtout pulmonaires et oro-pharyngés, de maladies cardio-vasculaires ou cérébro-vasculaires, de maladies pulmonaires et en particulier de broncho-pneumopathies obstructives chroniques, d'ulcères, de complications chez la femme enceinte et le fœtus.
Bien que la plupart de ces problèmes semblent causés par les carcinogènes et l'oxyde de carbone contenus dans la fumée du tabac, plus que par la nicotine elle-même, la nicotine pourrait augmenter le risque cardio-vasculaire.
Ceux qui n'ont jamais fumé mais sont exposés de façon chronique à la fumée du tabac semblent avoir un risque accru de maladies, en particulier de cancer du poumon et de cardiopathies.
Caractéristiques liées à la culture, à l'âge et au sexe
La prévalence du tabagisme diminue dans la plupart des pays industrialisés, mais augmente dans les pays en voie de développement.
Les sujets masculins d'origine afro-américaine tendent à avoir des taux sanguins de nicotine plus élevés pour un nombre de cigarettes donné en comparaison avec les autres groupes ethniques, ce qui peut contribuer à occasionner de plus grandes difficultés pour l'arrêt du tabac.
Les taux les plus élevés de prévalence d'utilisation de la nicotine sur la vie entière s'observent chez les sujets plus âgés, contrairement à ce qui se passe pour les autres drogues.
Aux États-Unis, la prévalence du tabagisme est légèrement plus forte chez les hommes que chez les femmes mais diminue plus rapidement chez les hommes que chez les femmes.
Dans d'autres pays, le tabagisme est souvent nettement prévalent chez les hommes. Lorsqu'il est prisé ou chiqué, le tabac est beaucoup plus utilisé par les hommes que par les femmes, dans une proportion d'au moins 8 pour 1.
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Prévalence
On a observé une diminution assez importante du tabagisme et de la dépendance à la nicotine dans la plupart des groupes au cours des années 1980, suivie d'une stabilisation du taux de diminution, estimé à seulement 2 % ou moins à la fin des années 1990.
Des taux plus élevés de diminution ont été observés chez l'homme par rapport à la femme, et chez les sujets d'origine caucasienne que chez ceux d'origine afro-américaine ou hispanique.
Dans plusieurs groupes, on a même observé une augmentation de la prévalence du tabagisme ou de la dépendance à la nicotine au milieu des années 1990, particulièrement chez les femmes n'ayant pas suivi d'études supérieures.
Selon une étude nationale menée en 1996 sur l'utilisation des drogues, environ 72 % des adultes vivant aux États-Unis ont déjà fumé des cigarettes, 32 % au cours des 12 derniers mois et 29 % au cours du dernier mois.
Aux États-Unis, les taux de prévalence sur la vie entière les plus élevés se situent chez les sujets âgés de 35 ans et plus (78 %), alors qu'on les trouve dans la classe d'âge 18-25 ans pour les sujets ayant pris ce type de produit au cours des douze derniers mois (45 %) ou du dernier mois (38 %).
L'étude de 1996 retrouve aussi des taux importants d'utilisation du tabac à priser ou à chiquer, 17 % de la population reconnaissant avoir déjà pris du tabac sous cette forme, et 5 % au cours du dernier mois.
Les enquêtes sur la prise de drogues chez les étudiants indiquent que l'utilisation du tabac est en augmentation dans la population jeune. Selon une enquête menée en 1997, 65 % des élèves de terminale reconnaissent avoir déjà fumé des cigarettes — une augmentation de 62 % par rapport à 1994 (mais moins que le pic de prévalence sur la vie entière de 76 % observé en 1977).
Comme l'on estime que 80 à 90 % des fumeurs réguliers ont une dépendance à la nicotine, jusqu'à 25 % des sujets vivant aux États-Unis ont probablement une dépendance à la nicotine.
Il a été montré que le taux de dépendance à la nicotine était plus élevé chez les sujets atteints de schizophrénie ou de dépendance à l'alcool que dans la population générale.
Évolution
La prise de nicotine débute habituellement au début de l'adolescence, 95 % des sujets qui continuent de fumer à l'âge de 20 ans devenant des fumeurs réguliers quotidiens.
Plus de 80 % des fumeurs indiquent avoir essayé d'arrêter de fumer, mais, au cours de la première tentative, moins de 25 % de ceux qui arrêtent restent abstinents pendant une période prolongée.
Au long cours, environ 4,35 % des consommateurs réguliers de nicotine peuvent arrêter finalement de fumer.
Pour la grande majorité des fumeurs atteints de dépendance à la nicotine, l'arrêt du tabac entraîne habituellement des symptômes de sevrage qui commencent clans les quelques heures suivant l'arrêt, avec habituellement un pic d'intensité entre le premier et le quatrième jour, les symptômes résiduels s'améliorant de façon importante au bout de trois à quatre semaines, mais la faim et la prise de poids peuvent persister pendant 6 mois ou plus.
Cette évolution émaillée de rechutes et de tentatives répétées d'abstinence s'applique probablement aussi aux autres formes dans lesquelles est consommée la nicotine, y compris le tabac à chiquer.
Aspects familiaux
Le risque de tabagisme est triplé si un parent biologique du premier degré fume.
Les études de jumeaux et d'adoption indiquent que des facteurs génétiques contribuent à l'installation et au maintien du tabagisme, le degré d'héritabilité étant équivalent à celui observé pour la dépendance alcoolique.
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Diagnostic différentiel
Pour une discussion générale du diagnostic différentiel, voir troubles liés à une substance.
Les symptômes du sevrage à la nicotine recoupent ceux d'autres syndromes de sevrage à une substance, ceux de l'intoxication à la caféine, des troubles anxieux, des troubles de l'humeur, des troubles du sommeil, et de l'akathisie induite par un médicament.
L'admission dans une unité d'hospitalisation où il est interdit de fumer peut induire un syndrome de sevrage qui peut imiter, rendre plus marqués, ou masquer d'autres diagnostics.
La diminution des symptômes associée à la reprise du tabagisme, ou à un traitement de substitution de la nicotine, confirme le diagnostic.
Dans la mesure où l'utilisation régulière de nicotine ne paraît pas altérer les fonctions mentales, la dépendance à la nicotine ne risque guère d'être confondue avec d'autres troubles liés à une substance ou avec d'autres troubles mentaux.