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Open Dialogue : les 12 critères de fidélité à la pratique dialogique - Mary Olson, Jaakko Seikkula, 2014

Par Neptune 

le 28/07/2018 

0 lectures

Open Dialogue : les 12 critères clé de fidélité à la pratique dialogique


Les éléments clés de la pratique dialogique dans Dialogue ouvert : critères de fidélité.

Par :
Mary Olson, Ph.D. Jaakko Seikkula, Ph.D., Douglas Zeidonis, M.D., Ph.D.
Ecole Médicale de l’Université du Massachusetts, USA, Université de Jyväskylä, Finlande
Ce travail a été soutenu par un don de la Fondation pour l’Excellence en Soin en Santé Mentale remis par le Dr. Zeidonis de l’Ecole Médicale de l’Université du Massachusetts.

Document original : The Key Elements of Dialogic Practice in Open Dialogue: Fidelity Criteria, version 1.1, 2014, publié par l'Université de San Diego, California, USA.

Traduction : Copper Lebrun, Association Neptune, 2018

Préface


Les fondateurs de la méthode Open Dialogue (1) ont vu, dès les années 2000, émerger un nombre grandissant d'initiatives se réclamant de l'approche du dialogue ouvert, dans divers pays occidentaux. Nous avons relaté ces initiatives, leurs réussites, les échecs (2). Ces derniers furent analysés à la lumière des principes et critères de l'approche Open Dialogue, et bien souvent, ils n'y satisfaisaient pas entièrement. Jaakko Seikkula et ses collègues parcourent le monde aujourd'hui, invités par chacune de ces initiatives. Les centres de formation, de promotion, d'expérimentation se multiplient. Le présent document vise à "certifier" en quelque sorte l'usage du "label" Open Dialogue, afin d'éviter son appropriation par des initiatives mal préparées, trop enthousiastes, et ainsi éviter de dégrader au niveau international la réputation d'une méthode qui a fait réellement ses preuves là où elle a correctement été appliquée. L'équipe Open Dialogue propose même des séances d'évaluation des initiatives et expériences lancées ici ou là, à partir de séquences vidéos des réunions thérapeutiques, et de questionnaires précis.

Les principes et critères exposés ici étaient moins nombreux à être formalisés dans les années 1990, et la méthode pourtant avait déjà fait preuve de son efficacité, comme il a été exposé précédemment (3). Toutefois, la formalisation de 2014 exposée ici, montre qu'Open Dialogue, comme toute technique émergente, se dote d'outils pédagogiques et d'évaluation solides.  

Neptune


Introduction




La “pratique dialogique” (dialogic practice) est issue de “Dialogue ouvert” (Open Dialogue), une approche pour aider les personnes et leurs familles à se sentir écoutées, respectées et validées. A ses débuts, en 1984, à l’hôpital Keropoudas de Tornio, le personnel qui était déjà formé à la thérapie familiale a décidé de changer la manière dont les patients étaient traités en interne. A la suite des travaux de Yrjö Alanen (1997)(4), ils ont modifié leur prise en charge des crises aiguës en organisant une réunion de réseau (network meetings) , réunissant à la fois la personne en détresse, sa famille, d’autres soutiens naturels, et n’importe quel professionnel impliqué, avant toute décision ayant pour objet l’hospitalisation. Cela a été le début d’une nouvelle pratique ouverte qui a évolué - en parallèle avec une évolution clinique continuelle, le changement organisationnel et la recherche - en ce qui était destiné à devenir “Dialogue ouvert”, une première fois décrite comme telle en 1995 (Seikkula et al., 1995 (5), Aaltonen Seikkula, & Lehtinen, 2011 (6)). L’”ouverture” de Dialogue ouvert se réfère à la transparence de la planification de thérapie et des processus de prise de décision, lesquels ont lieu lorsque tout le monde est présent. (Ce qui ne veut pas dire que les familles sont forcées à s’exprimer sur les thèmes au sujet desquels les thérapeutes pensent qu’elles devraient se montrer ouvertes). Dès le début, cette approche en réseau était conçue pour toutes les situations de traitement. En une période de dix ans, cet ancien établissement de traitement interne, à Tornio, a été transformé en système psychiatrique complet avec une continuité du soin suivant des dispositifs internes, externes et communautaires.

La pratique de Dialogue ouvert a donc deux aspects fondamentaux : un système de traitement basé sur la communauté, et intégré, qui engage les familles et les systèmes sociaux dès le début de leur recherche d’aide ; et, une “pratique dialogique”, forme distincte de conversation thérapeutique au sein de la “réunion thérapeutique” (treatment meeting). Le présent document divise la pratique dialogique en douze éléments qui décrivent l’approche du ou des thérapeute(s) dans la réunion thérapeutique entre la personne, ses réseaux et tous les aidants.

La réunion thérapeutique constitue le contexte thérapeutique clé de Dialogue Ouvert en réunissant les professionnels et le réseau social de la personne en entreprise collaborative. Ainsi, Dialogue ouvert s'inscrit dans une pratique psychiatrique élargie et partageant ses principes, parce qu’il est essentiel d’unifier les deux aspects. L’approche Dialogue ouvert est une approche intégrative dans laquelle d’autres modalités thérapeutiques (Ziedonis, Fulwiler, Tonelli, 2014 (9); Ziedonis et al, 2005 (8); Ziedonis 2004 (7)) peuvent être ajoutées, adaptées aux besoins de la personne et de la famille, en tant que partie d’une “toile thérapeutique” (treatment web) flexible et en développement constant (Hald, 2013; Seikkula & Arnkil 2014).

Il y a sept principes de base à Dialogue Ouvert, ils sont les lignes directrices globales proposées à l’origine par l’équipe finlandaise (Seikkula et al., 1995)(5). Les principes sont listés dans le tableau ci-dessous :

Les 7 principes de Dialogue ouvert
Aide immédiate
Perspective de réseau social
Flexibilité et mobilité
Responsabilité
Continuité psychologique
Tolérance à l’incertitude
Dialogue (et polyphonie)

Pertinents à la fois pour Dialogue ouvert en tant que thérapie et en tant que système de soin, ces sept principes représentent la gamme extensive de valeurs, sur lesquelles les douze éléments plus spécialisés de Dialogue ouvert sont basés.

Dans l’optique de cette discussion sur la pratique dialogique, les deux principes de “dialogue (polyphonie)” et “tolérance à l’incertitude” seront l’objet d’une attention spéciale en tant que fondements de la conversation thérapeutique au sein de la réunion.

Les cinq principes restants sur sept, lesquels soulignent les traits organisationnels du système, seront expliqués dans un autre document sur le changement organisationnel et les caractéristiques de fidélité du système (Ziedonis, Seikkula, & Olson, en préparation). Ce document associé sur le changement organisationnel décrira différentes façons avec lesquelles les principes de Dialogue ouvert et la réunion thérapeutique ont été intégrés dans la pratique clinique des programmes de traitement, des instituts et des systèmes de santé.

Dans le présent document sur la pratique dialogique, les sept principes de base sur Dialogue ouvert ne sont pas couverts en détail ; cependant ils sont explicités dans d’autres documents source accessibles (Seikkula & Arnkil, 2006 (10); Seikkula & Arnkil, 2014 (11)). La discussion suivante se focalisera sur les douze éléments clé de fidélité à Dialogue ouvert, ou critères, qui caractérisent le style thérapeutique et interactif de Dialogue ouvert dans les entrevues face-à-face qui caractérisent la réunion thérapeutique.

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Notes et références


(1) Voir Open Dialogue : une thérapie qui a pratiquement fait disparaître la schizophrénie en Finlande
https://www.forumpsy.net/t868-open-dialogue-une-therapie-qui-a-pratiquement-fait-disparaitre-la-schizophrenie-en-finlande

(2) Voir différents articles dans Open Dialogue - Dialogue Ouvert
https://www.forumpsy.net/f308-open-dialogue-dialogue-ouvert

(3) Voir Open Dialogue : bases théoriques et institutionnelles
https://www.forumpsy.net/t908-open-dialogue-bases-theoriques-et-institutionnelles

(4) Ouvrage Alanen, Y. (1997). Schizophrenia: its origins and need-adapted treatment. London: Karnac.

(5) Seikkula, Aaltonen, J., Alakare B., Haarakangas K., Keranen J., Sutela M. (1995). Treating psychosis by means of open dialogue.

(6) Ouvrage Aaltonen, J., Seikkula, J., & Lehtinen, K. (2011). Comprehensive open-dialogue approach I: Developing a comprehensive culture of need-adapted approach in a psychiatric public health catchment area in Western Lapland Project. Psychosis, 3, 179-191.

(7) Article  Ziedonis, D.M. (2004) Integrated treatment of co-occurring mental illness and addiction: clinical intervention, program, and system perspectives. CNS Spectrum 9(12):892-904, 925.

(8) Article  Ziedonis, D.M., Smelson, D.A., Rosenthal, R.N., Batki, S.L., Green, A.I., Henry, R.J., Montoya, I., Parks, J., Weiss, R.D. (2005). Improving the care of individuals with schizophrenia and substance use disorders: consensus recommendations. J Psychiatric Practice 11(5):315-39.

(9) Article  Ziedonis, D.M., Fulwiler, C, Tonelli, M. (2014). Integrating mindfulness into your daily routine. Vital signs, A publication of the Massachusetts medical society. 19:2, 6.

(10) Ouvrage Seikkula, J. & Arnkil, T. (2006). Dialogical meetings in social networks. London: Karnac.

(11) Ouvrage Seikkula, J. & Arnkil, T. (2014). Open dialogues and anticipations: Respecting the otherness in the present moment. Helsinki: THL publications.

Pratique dialogique : résumé




Être dans un dialogue susceptible d'engendrer des changements avec quelqu’un requiert d’être présent, attentif au moment vécu sans aucune hypothèse préconçue ni plan spécifique. L’art et la compétence de la pratique dialogique impliquent que les messages de la part des thérapeutes ne soient pas stéréotypés.

Dialogue ouvert implique d’être capable d’écouter et de s’adapter au contexte particulier, ainsi qu’au langage dans chaque échange. Pour cette raison, il n’est pas possible de formuler des recommandations spécifiques pour les sessions en avance, ou pour des phases invariantes dans le processus de traitement. Prescrire cette forme de structure détaillée pourrait en fait aller à l’encontre du processus de Dialogue ouvert. C’est l’interaction unique au sein d’un groupe unique de participants engagés dans une conversation thérapeutique inévitablement idiosyncratique qui permet la possibilité d’un changement positif.

En même temps, il y a des éléments systémiques à la pratique dialogique. Ainsi, il y a un paradoxe. Bien que chaque dialogue soit unique, il y a des éléments distincts, ou actions conversationnelles de la part des thérapeutes, qui génèrent et promeuvent le flux du dialogue, et, en temps voulu, aident à mobiliser les ressources de la personne au centre de l’attention et le réseau.

C’est ce que nous voulons dire par éléments clé, ou critères. Ceux-ci seront définis et décrits ci-dessous.

La pratique dialogique est basée sur un type spécial d’interaction, dans laquelle la caractéristique principale est que chaque participant se sent écouté et qu’on lui réponde. En mettant l’accent sur l’écoute et les réponses, Dialogue ouvert promeut l’existence de “voix” également valides, multiples et séparées, ou points de vue, au sein de la réunion de traitement. Cette multiplicité de voix dans le réseau est ce que Bakhtin appelle “polyphonie”.

Dans le contexte d’une crise tendue et sévère, ce processus peut être complexe, requérant une sensibilité à mettre en avant les voix de ceux qui sont silencieux, moins diserts, hésitants, déroutés, ou difficiles à comprendre.

Au sein d’une “conversation polyphonique”, il y a un espace pour chaque voix, qui réduit la distance entre les soi-disant “malades” et “sains”. L’échange collaboratif au milieu des différentes voix tisse des compréhensions nouvelles et partagées auxquelles chacun contribue par un fil important. Ceci aboutit à une expérience partagée décrite par Bakhtin comme “non-hiérarchisée”.

Comme spécifié ci-dessus, en nommant une séquence “dialogique”, nous voulons dire spécifiquement que la séquence a le potentiel pour qu’une personne se sente écoutée, ce qui est le début de tout changement. Évaluer la qualité dialogique d’une conversation signifie, avant tout, évaluer la réactivité des thérapeutes. L’une des premières étapes est souvent, pour l’un des thérapeutes, d’engager un échange attentif, détaillé, interactif avec la personne au centre de la crise.

L’intention est d’écouter, et, si besoin, d’aider à trouver des mots pour la détresse de la personne, qui est sinon incarnée en symptômes, et évoluer vers un langage commun. Comme illustré ci-dessus, toute information de la part du réseau aide à éclairer la nature de la crise. Le thérapeute dialogique invite chaque personne dans la réunion à partager sa perspective sur les problèmes relatifs et multiples qui surviennent durant la conversation. Au lieu de regarder les compétences des thérapeutes à établir une méthodologie d’interview structurée, le critère principal est la manière souvent personnelle qu’ont les thérapeutes de répondre aux énoncés de la personne affligée et des autres personnes présentes à la réunion.


Tom Andersen - Neptune
Tom Andersen, 1936-2007, psychiatre, fondateur de l'approche des processus réflexifs, Norvège.

Répondre et refléter


Ce sont les deux compétences fondamentales requises aux cliniciens pour la pratique dialogique : la compétence de réponse et la compétence de reflet (reflecting) (Rober, 2005 (12)). La compétence de réponse est un processus en trois parties qui s’applique à la façon dont les éléments de fidélité sont employés. Ce processus doit être présent pour appeler un échange dialogique.

Pour définir la qualité de l’action du thérapeute, on doit examiner 1) l’énoncé initial de la personne ; 2) la réponse du thérapeute à cet énoncé ; et 3) la réponse à la réponse donnée.

Comment la réponse du thérapeute poursuit l’expérience de chaque participant à être entendu, compris, et reconnu ? Comment ces trois étapes génèrent une interaction dialogiquement dynamique ?

L’autre compétence basique de la pratique dialogique - la compétence réflexive -  est la faculté d’engager une conversation ouverte, participative, transparente, et libre de jargon avec le réseau et les autres professionnels de la réunion. La compétence réflexive est ancrée sur la compétence à répondre. Entre parenthèses, “refléter” est différent de la façon dont ce même terme est employé dans d’autres formes de thérapie. Par exemple, dans l’entretien motivationnel, la “réflexion” se réfère à la manière dont le thérapeute écoute activement ce que dit la personne. Dans la pratique dialogique, ce terme se réfère plutôt à la manière dont les professionnels parlent de leurs propres idées en face de la famille.

Nous avons appris des autres que cela peut être déroutant sachant que beaucoup de thérapeutes intéressés par la pratique dialogique ont aussi reçu un entraînement en entretien motivationnel.

Monologue et dialogue


Le réunion thérapeutique Dialogue ouvert inclut à la fois une communication monologique et dialogique. Des séquences nommées “monologiques” dans le dialogue sont nécessaires afin d’arriver à des accords pratiques, ou pour acquérir de nouvelles informations qui peuvent aider à une compréhension plus complète de la situation. Par communication monologique, nous voulons dire qu’il y a des séquences dans lesquelles les thérapeutes introduisent eux-mêmes des sujets de conversation.

De telles séquences peuvent inclure un rassemblement d’informations, fournir de l’aide, une planification de traitement, ou initier, d’autre part, de nouveaux sujets pour la discussion, non basés sur les paroles précédentes de la personne ou de tout autre participant. Dans une réunion thérapeutique Dialogue ouvert, jusqu’à un tiers (1/3) de la conversation peut être monologique, afin de rester cohérente avec l’approche et de mener une réunion efficace.

Le monologue peut se référer à la nature de la communication soit au sein du réseau social soit entre les experts et le réseau. Ceci dit, il y a une différence entre la communication monologique décrite ci-dessus et c’est ce qui est compris généralement de ce terme, le “discours monologique”. Ce dernier terme se réfère à une manière institutionnelle de parler, dans laquelle il y a un expert privilégié, avec une approche descendante, sans la contribution d’un écoutant. A la place de maintenir un dialogue entre les multiples participants, lesquels sont considérés comme légitimes et égaux, une approche entièrement monologique va à l’encontre d’un processus plus collaboratif pouvant mener à de nouvelles idées et à de la créativité.

Pour expliquer plus avant ce contraste, il est utile de se référer à la traduction par John Shotter’s (2004) du discours “dialogique” face à “monologique”, pour les termes plus accessibles de “pensée assistée” face à “pensée générale”.

Dans notre expérience clinique, cette ancienne façon de penser et cette pratique tendait à ouvrir davantage de possibilités dans les crises psychiatriques et à aider à débloquer les situations menacées par la chronicité.

Dans ce qui suit, nous allons décrire chacun des critères de fidélité dans la pratique dialogique dans Dialogue ouvert et donner des exemples cliniques pour illustrer ceux-ci. Les exemples sont tirés des sessions thérapeutiques du premier et du deuxième auteur, travaillant ensemble et séparément. Bien que chaque session incorpore ces éléments, nous avons choisi d’inclure des illustrations issues de familles différentes. La raison de ceci est de donner un sens aux différents types de problèmes et situations que nous avons rencontrés. Il y a aussi des définitions additionnelles, supplémentaires et des exemples de concepts importants dans le glossaire. Ces douze éléments de fidélité ne sont pas séparés mais se chevauchent souvent et adviennent simultanément dans la pratique réelle.

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Les douze critères clé de fidélité à la pratique dialogique dans Dialogue ouvert





Les 12 critères clé de fidélité à la pratique dialogique dans Dialogue ouvert
1. Deux thérapeutes (ou plus) dans la réunion d’équipe
2. Participation de la famille et du réseau social
3. Utiliser des questions ouvertes
4. Répondre aux énoncés de la personne
5. Mettre en valeur le moment présent
6. Susciter des points de vue multiples (polyphonie)
7. Privilégier le relationnel dans le dialogue
8. Répondre aux discours et aux comportements dits problématiques, en étant attentif aux significations
9. Mettre en valeur les propos et les histoires des personnes, pas les symptômes
10. Conversation entre professionnels (processus réflexif) dans les réunions thérapeutiques
11. Être transparent
12. Tolérer l’incertitude

1. Deux thérapeutes (ou plus)


L'approche Dialogue ouvert met en valeur l'importance d'une réunion où de multiples thérapeutes entrent en contact en tant qu'équipe avec le réseau social. Il devrait y avoir au moins deux thérapeutes dans la réunion. Le travail d'équipe est essentiel afin de répondre de façon efficace à des crises sévères, aiguës et des conditions psychiatriques chroniques. Un thérapeute peut être en train de poser des questions au(x) personnes(s), pendant que l'autre prend une posture d'écoute et de réflexion. Ou, dans certains cas, il arrive que les deux thérapeutes soient en train de poser des questions et d'engager la réflexion. Le "processus réflexif" de Tom Andersen (1991 (13)) et la "conversation dialogique" de Seikkula et Arnkil (2006)(10) sont tous les deux des formats acceptables et seront décrits en plus grand détail dans l'item #10 ci-dessous. De plus, il est important de différencier Dialogue ouvert d'une thérapie en externe, sélective et hors des temps de crise. Durant la dernière décennie, Dialogue ouvert a été adapté à des thérapies familiales et de couple plus ordinaires (Oslon, 2012 (14) ; Seikkula, 2014 (11)), dans lesquelles il est possible de mener la pratique dialogique en tant que thérapeutique individuelle. Remarquez que nous sommes en train d'écrire un résumé de notre expérience sur la manière de conduire la pratique dialogique en tant que thérapeute individuel, que nous mettrons en référence ici quand il sera terminé.

2. Participation de la famille et/ou de membres du réseau social


La prise de contact avec le réseau commence au téléphone lorsque le clinicien pose à l'appelant des questions telles que, par exemple : "Qui est concerné par cette situation et qui a été impliqué?" "Qui pourrait aider et être capable de participer à la prochaine réunion?" "Qui serait la meilleure personne pour les inviter, vous ou l'équipe de traitement?" Ces questions facilitent à la fois la participation du réseau et aident à organiser la réunion d'une façon non hiérarchique, c'est-à-dire avec la participation du ou des personnes.

En valorisant l'inclusion de la famille ou d'autres membres depuis le tout début, il deviennent d'ordinaire des partenaires importants tout au long du processus de traitement. En même temps, il y a une flexibilité basée sur la volonté de la personne au centre d'accepter la présence de proches. L'équipe peut rencontrer séparément différents membres de la famille et du réseau si des réunions partagées ne sont pas possibles, comme dans de nombreux cas de violence. Comme nous allons le décrire ci-dessous (sous l'élément #6), des réunions sans l'implication de la famille ou des membres du réseau, dans lesquelles le thérapeute posera des questions invitant la personne à commenter ce que, selon eux, penserait un membre absent si celui-ci était présent, peuvent aussi advenir.

3. Utiliser des questions ouvertes


La véritable réunion thérapeutique commence lorsque des questions ouvertes sont posées par les cliniciens. Après les présentations, une ouverture peut ainsi être formulée en demandant simplement, "Qui veut commencer ?" ou bien "Quelle serait la meilleure façon de commencer ?" Une fois que cette sorte de processus collaboratif devient établi et attendu, celui-ci est mis en avant de façon naturelle dans les réunions suivantes comme un élément attendu. Dans la toute première réunion, il est important de mettre en valeur les deux questions qui introduisent habituellement une réunion Dialogue ouvert et ont été proposées par Tom Andersen (1991)(13).

Celles-ci sont : (1) "depuis quand avez-vous eu l'idée de venir ici ?"
Et, (2) "comment voudriez-vous employer cette réunion ?"

De cette façon, il y a trois sous-catégories de questions ouvertes que nous voudrions poser. Premièrement, l'usage des "deux questions" dans la toute première réunion ; deuxièmement, l'usage de la seconde question dans chaque réunion, troisièmement, l'usage continuel des questions ouvertes au long du processus de traitement.

A. De quand date l'idée d'organiser une réunion ?

Cette question se pose habituellement seulement dans la réunion initiale et advient au début. Mais, selon la nature de l'admission, elle peut aussi se poser plus loin dans la première réunion. Elle peut être formulée de multiples façons et s'adresse d'abord à l'assemblée entière, pas juste à une personne. "Comment avez-vous eu l'idée de cette réunion ?" De manière alternative, il est possible de commencer en demandant, "Qui, le premier, a pensé à cette réunion ?" Il y a aussi un ensemble de questions à poser à la suite, pour impliquer chacune des personnes présentes : "Comment les autres ont-ils appris cette idée ?" Que pensiez-vous à l'idée de venir ici aujourd'hui ? Qui était le plus d'accord, et le moins d'accord, avec l'idée de contacter l'équipe ? Que voudriez-vous accomplir ? Il est important de donner à chacun une chance de discuter de leurs idées au sujet de cette réunion. En même temps, si, à tout moment, quelqu'un souhaite ne pas parler, il est aussi important de ne pas le forcer à cela.

Ce type de question invite les gens à s'exprimer avec une voix réflexive. Par réflexive, nous voulons dire, qui demande aux personnes de discuter de leurs propres intentions, projets, et objectifs à l'égard de la décision de rechercher de l'aide. En commençant de cette façon, cette première question prend en compte le contexte immédiat et est neutre à l'égard de toute définition de problème ou de symptôme. Elle encourage les gens à décrire la situation ayant mené à la réunion et les personnes importantes impliquées. Malgré l'importance donnée au passé, la question donne de multiples portes d'entrées dans le moment présent. Andersen (1991)(13) écrit, "l'idée derrière cette question est d'atteindre un consensus pour savoir combien de ceux qui sont présents sont investis dans l'idée d'être présents (p. 159)." Souvent, quand on leur demande, certains participants expriment divers points de vue sur les raisons d'êtres présents, ce qui est important à savoir, spécialement alors que l'idée de thérapie elle-même peut être un terrain contesté. A d'autres moments, cette question peut permettre de localiser une ressource potentielle en identifiant des personnes non présentes qui pourraient être utiles. Cette question n'est pas limitée à une seule signification ou effet, et parfois quelque chose de totalement différent arrive.

B. Comment voudriez-vous employer cette réunion ?

La question peut être formulée de différentes façons. Comme pour la précédente question, la seconde question est adressée à l'ensemble de l'assemblée, pas seulement à une personne. Dans le même temps, il est important de donner à chacun une chance de répondre à cette question. La seconde question est posée dans la première réunion et, avec des variations, dans toutes les réunions suivantes. Normalement cette question advient au début d'une réunion. Il y a des exemples où elle vient plus tard, donc le timing dépend de la sensibilité du thérapeute aux nuances particulières avec lesquelles cette réunion particulière se déroule.
Le principe derrière cette question est que dans la pratique dialogique, ce sont les personnes davantage que les professionnels, qui déterminent principalement le contenu de la réunion, ainsi, nous parlons de ce dont les personnes veulent parler. Pour cette raison, dans chaque réunion, le thérapeute demande à la personne de quelle manière il souhaite employer cette réunion. Avec le temps, au fil de telles répétitions, la seconde question peut devenir plus implicite que directement formulée.

Exemple type des deux questions : la famille L.


La famille L. était composée de David, 59 ans, parajuriste, sa femme, Tracy, 56 ans, thérapeute occupationnelle, et leur fils, Jack, âgé de 30 ans, qui ne parlait que rarement et vivait chez ses parents. Jack a été hospitalisé pour dépression pour la première fois lorsqu'il avait seize ans. Il a reçu de multiples diagnostics au cours des ans (psychose atypique, trouble schizo-affectif, et schizophrénie) et a été en contact avec plusieurs services de santé mentale jusqu'à il y a quelques années. La première réunion Dialogue ouvert avec sa famille a commencé lorsque les deux thérapeutes et les parents s'assirent ensemble en cercle, Jack choisissant de prendre place dans un siège quelque peu à l'écart du dispositif, écoutant, paraissant de temps à autre être en communication avec des présences invisibles. Des plaisanteries ont commencé à être échangées et l'un des thérapeutes a ensuite commencé, signalant le début de la conversation thérapeutique :

Thérapeute 1 : "Nous y voilà. Pouvons-nous commencer ?"
Thérapeute 2 : "Oui, allons-y".
Les thérapeutes se sont présentés à Jack et ont demandé aux parents si ceux-ci étaient dérangés par le fait d'être appellés par leurs prénoms. Thérapeute 1 a dit : "Jack, est-ce que tu préfères rester là où tu es, à écouter ?" Sa mère a suggéré à Jack de se joindre à eux, mais Thérapeute 1 a signalé que ce n'était pas important si Jack restait où il était, s'il se sentait mieux là. Thérapeute 1 a posé la première question :
Thérapeute 1 : Il y a-t-il une histoire derrière cette réunion ? Était-ce le cas que vous m'aviez signalé par écrit ? Quelqu'un a écrit...
David : J'ai écrit...
Thérapeute 1 : Vous m'avez écrit. OK.
David : Je vous ai écrit à tous les deux (regardant Thérapeute 2). J'ai reçu des adresses email de vos universités. En fait, Tracy a dicté la première lettre. C'était une décision mutuelle.
Tracy : Je lui ai dit de la fignoler...
David : Je n'attendais pas une réponse directe.
Thérapeute : Oui, vous n'attendiez pas une réponse directe.
Le père a ensuite décrit la façon dont il a cherché une alternative au type de soin psychiatrique que son fils avait abandonné quelques années auparavant, sur le Web. Il y a eu de longues descriptions de leurs expériences négatives avec des professionnels. Jack a commencé à s'agiter et a commencé à quitter la pièce.

Thérapeute 1 (s'adressant à Jack debout à la porte) : Quand est-ce que tu a entendu parler de cet endroit pour la première fois ?
Le thérapeute a posé cette question de différentes façons, et les parents ont répété la question jusqu'à ce que Jack réponde : "Il y a trois jours".
Quelques minutes plus tard, le thérapeute a posé la seconde question :
Thérapeute 1 (regardant Tracy) : Quelle est selon vous la meilleure façon d'employer ce moment à présent ?
Tracy : C'est difficile pour nous de savoir ce qu'il est bon de faire pour Jack. C'est notre principal sujet de préoccupation maintenant. C'est pourquoi nous pensons que ce type de traitement psy doit être meilleur. Cela pourrait lui permettre d'être plus ouvert à... (cherchant le mot)
Thérapeute 2 : à la communauté ? (un mot que Tracy avait employé plus tôt)
Tracy : oui, merci, à la communauté.

Ces deux questions ont permis aux thérapeutes de savoir que les parents étaient investis dans la démarche Dialogue ouvert, plutôt qu'en conflit à ce sujet, et avaient une motivation partagée de venir en aide à leur fils. Il y avait un signe que Jack n'était pas opposé à cette idée, puisqu'il les avait accompagnés volontairement. Ces questions ont permis d'ouvrir une perspective dans la perception partagée par les parents, comme quoi il y a avait davantage à espérer pour Jack, qui, comme expliqué, avait été défini comme chronique et sans espoir par le système de santé mentale. Cet extrait fournit aussi un exemple de la manière d'entrer en contact avec chaque personne tôt dans la réunion et de permettre à chaque personne de faire entendre sa voix dans la relation au thème discuté, à savoir, la nature de la réunion.

Après avoir commencé les questions mentionnée ci-dessus, il est important, tout au long de la réunion, de garder en tête le fait de formuler les questions de manière ouverte, afin que les personnes puissent prendre l'initiative à la fois de parler de ce qu'ils considèrent comme important et de la manière dont ils aimeraient en discuter. Pour les thérapeutes, cela signifie guider le processus dialogique, ni en déterminant, ni en sélectionnant les sujets, mais par leur façon de réagir aux formulations de la personne. Dans la prochaine section, et tout au long du document, il y aura des exemples de ce type d'investigation ouverte.


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4. Répondre aux énoncés de la personne


Le thérapeute valorise le dialogue en répondant aux formulations du client typiquement de trois manières, invitant à une réponse. Ceci inclut (A) l'emploi des termes de la personne ; (B) de s'impliquer dans une écoute active ; et (C) d'être aussi en phase avec les formulations non-verbales, incluant les silences.

A. Emploi des termes de la personne

Le clinicien suit activement ce que la personne dit et intègre ses termes et les phrases des réponses de la personne. L'exemple ci-dessus montre comment le thérapeute fait ceci, en écoutant attentivement ce que les personnes disent et en répétant leurs propres termes lorsqu'il pose des questions, et lorsqu'il fait d'autres commentaires. Ce que la personne avait dit précédemment est incorporé, avec les mêmes expression expressions, dans les réponses des thérapeutes. Voici un bref résumé extrait de la famille L. de David, Tracy, et Jack qui a pris place dans la réunion initiale décrite au-dessus.

Exemple type de l'usage des termes des personnes : la famille L.


David : Je n'attendais pas une réponse directe.
Thérapeute : Oui. Vous n'attendiez pas une réponse directe.
David : Je n'attendais pas une réponse. je savais qu'il y avait un programme d'entraînement à Dialogue ouvert. Je ne pensais pas que ce serait une possibilité directe. je pensais peut-être, dans quelques temps. J'ai été étonné. J'ai donc pensé que j'étais sur la bonne voie.


B. S'impliquer dans une écoute active

L'habitude de répéter des mots conduit naturellement à une "écoute adaptative", ou le fait d'écouter sans parti-pris spécifique. L'écoute active crée souvent une atmosphère dans laquelle les personnes commencent à raconter des histoires personnelles qu'ils n'ont pas partagées - ou qu'ils ne partagent pas facilement -avec les autres, surtout avec les professionnels. Il y a un signe que les réponses du thérapeute sont efficaces lorsque, par exemple, un changement est ressenti pendant une réunion, vers une atmosphère plus calme. La conversation a des pauses, des silences, une exploration plus partagée, et une réflexion sur les problèmes et les sujets, dans un mouvement de va-et-vient dialogique.

Dans la réunion avec la famille L. de David, Tracy et Jack, les thérapeutes ont écouté de façon active. Ils ont répété des mots, ou, avec des questions brèves, invité des perspectives alternées et des perspectives plus heureuses (associées avec un tas de "Mmms"). En réponse, les parents ont exposé les dualités de leur fils, celles qui leur donnaient de l'espoir. Ils ont raconté plusieurs histoires importantes et imprévues que les thérapeutes n'auraient jamais pu anticiper. Par exemple, ses parents ont décrit comment Jack a sauvé la vie d'une femme dans la communauté résidentielle dans laquelle il vivait en prévenant l'équipe qu'elle était suicidaire. Ceci et d'autres histoires.

C. Être aussi en phase avec les formulations non-verbales, incluant les silences

Le thérapeute montre une harmonisation à la communication analogique (non verbale) du patient. De manière importante, ceci inclut aussi le fait de permettre et de tolérer les silences dans la conversation. Il est crucial de prêter une grande attention à ce qui est communiqué à travers des voies corporelles aussi bien que par des mots. Voici un exemple tiré de la réunion au-dessus, lorsque le thérapeute revient, à un moment ultérieur dans la réunion, sur sa rencontre initiale avec Jack :

Exemple type de réponse à une communication basée sur le corps : la famille L.


Thérapeute 1 (s'adressant à Jack) : Lorsque je t'ai rencontré à la réception, et que j'ai proposé de te serrer la main,
tu as dit, "Non, je ne serre pas la main..." Peux-tu m'aider un peu : pourquoi tu ne serres pas la main ?
Jack : Je n'avais pas envie de vous toucher.
Thérapeuthe : Oh, tu ne voulais pas de contact.
Jack : Non.

Dans l'exemple au-dessus, cet échange a permis à Jack de définir une préférence clairement verbalisée, en contraste avec le fait d'exprimer son positionnement principalement par des gestes physiques tels que de s'asseoir en dehors du cercle ou de quitter la pièce lorsque de troubles sensoriels advenaient. Dans le même temps, bien que de tels comportements analogiques (non verbaux) peuvent être vus en tant que symptômes, ils sont respectés comme d'importantes communications au sein de la réunion.

De cette façon, les thérapeutes notent les gestes des patients et leurs mouvements, leur respiration, des changements dans le ton de leur voix, leur hauteur de ton, leurs expressions faciales, et le rythme de leurs formulations, ainsi que les changements dans ce rythme. Lorsque la question d'un thérapeute produit une pause dans la respiration du patient, c'est significatif. Cela peut être un signe que cette question était trop difficile ou contraignante et ainsi a bloqué la possibilité de soulever de nouvelles significations.

Permettre des silences dans la conversation thérapeutique peut être une autre forme importante d'harmonisation thérapeutique, puisque le silence offre souvent un prélude créatif à des histoires non dites et l'émergence de nouvelles voix. La période de silence permise ne peut pas être quantifiée, mais doit être ressentie au sein du contexte partagé. De tels indices sont essentiels pour que les thérapeutes puissent faire attention et savoir comment répondre autant que possible au sens de ce que le patient formule.

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5. Mettre en valeur le moment présent


Le clinicien met l'accent sur le moment présent de la réunion. Il y a deux parties interconnectées à cela : (A) répondre aux réactions immédiates qui adviennent dans la conversation; et (B) permettre aux émotions d'émerger.

A. Répondre aux réactions immédiates

Cela signifie une préférence donnée à répondre aux réactions immédiates de la personne, se déroulant dans l'ici-et-maintenant de l'interaction thérapeutique, plutôt qu'aux rapports concernant ce qui s'est passé hors de la salle de thérapie. Un exemple simple de ceci dans la réunion décrite au-dessus avec Jack et sa famille est l'échange au sujet du serrage de mains.

B. Permettre aux émotions d'émerger

Une dimension plus complexe du moment présent mis en valeur s'ouvre si la personne est émue émotionnellement pendant qu'elle parle d'un problème sensible. Lorsque des émotions sont soulevées, telles que la tristesse, la colère ou la joie, la tâche des thérapeutes est de donner un espace sécurisé à leurs émotions, mais sans donner une interprétation immédiate de telles réactions émotionnelles et corporelles. Voici un exemple de ce dernier point :

Le couple V. : mettre en valeur le moment présent quand les émotions sont présentes


Margaret était une femme de 25 ans qui a été mise en invalidité pour dépression. Elle et son mari Henry sont venus à la deuxième session de thérapie de couple. La première session se concentrait sur le symptôme de dépression sévère de Margaret. Le début de la deuxième session semblait plutôt chaotique et tendu. Thérapeute 1 s'est souvenue de la façon dont Margaret et Henry, qui avaient environ cinq minutes de retard, sont entrés dans l'immeuble. Il semblait qu'il y ait eu de l'agitation, et Henry a dû convaincre Margaret, qui semblait quelque peu en colère et agitée, de venir dans le bureau.
Le thérapeute a demandé à Henry comment il allait. "Plutôt bien", a-t-il répondu.
Le thérapeute s'est retourné vers son épouse :
T1: "Margaret, et vous ?"
M: "En fait, je me sens différente. Je ne voulais pas venir ici aujourd'hui. D'habitude je ne suis pas comme ça..."
T1: Vous ne vouliez pas venir ici aujourd'hui. Pour une raison spécifique ou...?
M: Je pense que j'ai juste trop travaillé, et que je suis fatiguée.
T1: Mhm.


La réponse de Margaret semblait comporter trois propositions déconnectées. La réponse du thérapeute -"vous ne vouliez pas venir ici aujourd'hui ?" - était une réponse à l'une des formulations de Margaret et pas aux deux autres. Elle ne commentait pas sa manifestation d'émotion, mais malgré cela prenait en compte le problème spécifique le plus agissant dans le moment présent, "ne pas vouloir venir", ce qui constitue une invitation à se situer dans le dialogue.

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6. Susciter des points de vue multiples (polyphonie)


Dialogue ouvert ne vise pas au consensus, mais à une juxtaposition et à un échange créatif de points de vue et de voix multiples, même en cas de tension entre les gens ou au sein d'une personne. Il y a deux dimensions à la multiplicité des points de vue et des voix, ou polyphonie : (A) extérieure et (B) intérieure. Dans la polyphonie extérieure, le thérapeute engage tout le monde à la conversation, encourageant chaque personne à parler de son propre point de vue et de ses expériences de façons complexes.

A. Polyphonie extérieure

Chacun devrait être écouté et recevoir la possibilité de parler, pas seulement la personne identifiée comme ayant des problèmes ou symptômes. Expérimentant, ou vivant "à l'intérieur", de la polyphonie de voix au sein de la réunion, une multiplicité de voix, le clinicien devrait être attentif à chaque personne présente et écouter de la part de chacun les thèmes importants sous-jacents à la discussion. Dans à la fois le premier exemple de la famille L. de David, Tracy, et Jack, et le second exemple du couple, Margaret et Henry, les thérapeutes se sont assurés que chaque personne avait obtenu l'opportunité de parler. Avec la famille de Jack, il y avait un entrelacs de leurs voix différentes pour former une compréhension commune de leur isolement collectif, sans se concentrer exclusivement sur le sort de Jack. Voici un exemple supplémentaire tiré de la thérapie de Margaret et Henry.

Cas type de polyphonie extérieure : le couple V.


Dans la deuxième session, Margaret et Henry ont progressé depuis un stade d'agitation et de conflits croissants pour arriver à l'émergence d'une interaction plus constructive dans leur discussion ouverte sur leurs différences. Comme nous l'avons décrit, Margaret a commencé la session dans un état d'agitation et d'énervement. Elle a spécifié plus tôt dans la session que son mari n'était jamais à la maison. Le thérapeute a répondu en répétant sa parole avec une tonalité de voix et un caractère direct correspondant à son intensité émotionnelle: "Que veut dire "jamais" ?" Après ce commentaire, il y a eu un changement palpable. Au lieu de persister à exprimer de l'apitoiement, Margaret a commencé à parler au thérapeute de façon plus respectueuse, comme si elle sentait soudain que la session pouvait comporter la possibilité pour elle d'être entendue. Henry a aussi changé après la remarque du thérapeute et commença a s'exprimer plus clairement et d'une voix affirmée, en s'opposant à sa femme. Avant cet échange, les commentaires de Henry étaient presque incohérents. Lorsque le thérapeute continua de s'adresser à chaque participant d'une manière attentive, un dialogue émergea non seulement entre le thérapeute et chaque participant, mais aussi entre les membres du couple eux-mêmes. Pour la première fois, ils commencèrent à s'exprimer depuis des positions distinctes de "je", s'adressant à leur partenaire par le "tu". Ils étaient capables tous les deux de maintenir la clarté de leurs propres perspectives distinctes et d'écouter et d'entendre le point de vue de l'autre personne. Même sans être d'accord d'emblée, ils ont néanmoins commencer à négocier afin de finalement former une solution nouvelle à leur conflit principal. De cette façon, une petite partie de la conversation a reconstitué un contexte à part entière en tant que dialogique, avec une polyphonie stabilisée.


Une autre dimension clé du principe de polyphonie est l'habileté du clinicien à intégrer un langage décousu et incohérent de la part d'autres professionnels et de membres du réseau social, à la façon dialogique de travailler. De tels commentaires incohérents ne se passent pas à chaque session, mais tenir compte de telles remarques est à ce point un élément important d'une conversation polyphonique soutenue que nous l'incluons ici. Voici un exemple tiré d'une troisième famille, la famille P.

Exemple de cas : Intégrer des remarques incongrues: la famille P.


La famille P. cherchait de l'aide pour leur fils de 25 ans Christopher qui avait eu un épisode psychotique aigu il y a plusieurs années pendant sa dernière année de collège.

Ses parents, John, âgé de 60 ans, et Sheila, âgée de 56 ans, qui avaient traversé un divorce difficile lorsque Christopher avait sa crise, étaient restés en conflit et séparés. Sheila était professeur avec un travail stable, alors que John était charpentier au chômage. Pendant la psychose de Christopher, ses parents l'ont fait hospitaliser contre son gré dans l'hôpital d'une université privée dans lequel son traitement était d'abord psychopharmacologique. Il a eu du mal à conserver un emploi depuis et vivait à la maison avec sa mère, Sheila. Christopher était resté plein de ressentiment et de colère quant à l'obligation hospitalière et le traitement reçu.

Lors d'un rendez-vous de réseau, le médecin généraliste de longue date de la famille est venu pour la première fois. Il était resté à la fois le docteur de John (le père) et son allié loyal, bien que Sheila et Christopher ne le voyaient plus comme leur docteur. Sheila, John, et Christopher étaient présents à cette réunion.

Le docteur dit abruptement et immédiatement dès le début : "Il y a trois choses requises dans une situation comme celle-ci: la médication, la thérapie cognitivo-comportementale, et la thérapie familiale". Christopher se mit soudain à rougir, à courber les épaules avec un air inquiet. Le clinicien Dialogue ouvert savait que ce jeune homme avait eu une expérience extrêmement négative avec la médication pendant qu'il était à l'hôpital et sentait qu'il était mieux sans la prendre. En même temps, ses parents étaient en désaccord franc quant au sujet de la médication.

Le clinicien répondit au docteur en disant : "Pouvez-vous me dire un peu plus comment vous avez atteint cette conclusion ?" Le docteur fit une pause et réfléchit. Il s'adressa ensuite au fils, paraissant sentir son inconfort: "Je suis désolé; je pense que j'ai fait une erreur en commençant par ces trois choses". Plus tard pendant la réunion, le thérapeute est revenu à l'idée d'un thérapeute cognitivo-comportemental individuel et de la médication et a discuté de ces recommandations avec la participation de tout le monde. La raison pour laquelle les recommandations du docteur étaient incompatibles avec une approche dialogique est qu'il avait commencé la réunion d'une position de monologue d'expertise top-down qui a généré de l'inconfort, plutôt que d'une position d'écoute collaborative permettant à chacun d'avoir une voix.


B. Se confronter à la polyphonie interne multiple, ou aux voix, de la personne

Le thérapeute écoute et se confronte aux multiples visions et voix du patient. Ceux-ci peuvent constituer des points de vue ou voix exprimés par la même personne. L'exemple ci-dessus du médecin généraliste est également un exemple de l'accès à une "polyphonie interne". Premièrement, le docteur a parlé, comme un expert et savant, dans son rôle professionnel, dans lequel il a inopinément créé une rupture d'empathie avec Christopher. Il a ensuite réparé cette rupture en exprimant sa sensibilité au sujet de l'inconfort de Christopher. De cette manière, le docteur lui-même s'est exprimé en plus qu'une voix : premièrement, en tant qu'expert employant une connaissance générale, et deuxièmement, en clinicien empathique répondant à l'interaction présente. Ce type de mouvement est la clé de la pratique dialogique.

Lors de l'entretien avec des patients, les thérapeutes dialogiques posent des questions au sujet des membres absents. Il s'agit d'une autre façon d'évoquer l'expression d'une polyphonie interne. Une question habituelle est : "Si X avait été ici, qu'aurait-il dit au sujet des questions discutées ?" Ceci est un exemple de question hypothétique. L'idée d'une telle question permet au(x) personne(s) d'imaginer une conversation avec une personne importante et pertinente pour leur vie qui ne pouvait pas être présente dans la réunion. De cette façon, les voix des tiers importants deviennent une partie de la conversation externe, et le dialogue interne du patient devient sujet à un nouvel examen et réflexion. Parfois, la question elle-même provoque un changement spontané dans un dilemme posé par une personne en relation à un tiers absent. Un exemple parlant, venant de la famille L., s'est passé non pas dans la première réunion mais plus tard dans le processus thérapeutique.

Cas type de la façon de se confronter à des membres absents : la famille L. : polyphonie interne et engagée des membres absents en tant que voix dans le dialogue interne


Cet exemple vient de la famille L. décrite plus tôt : David, Tracy, et leur fils, Jack, 32 ans. Pendant le cours du traitement, Tracy est morte soudainement. David était en deuil et au plus bas. Lors de son chagrin le plus intense, il posa une fois la question de savoir si Tracy aurait pu encore être en vie s'il s'était consacré davantage à obtenir une aide médicale pour elle, au lieu de se focaliser autant sur ce nouveau type de traitement en santé mentale pour Jack.

Dans une réunion, Thérapeute 2 a demandé : "Si Tracy était là maintenant, que dirait-elle de la décision de dévouer ses efforts à obtenir de l'aide pour Jack ?" David a pensé à cela, et a dit que Tracy était heureuse qu'ils aient passé la dernière année de sa vie à aller à ces réunions en tant que famille. Elle a dit a David que son oncologue avait dit qu'il était probable qu'elle avait en fait continué à vivre afin de garantir que Jack soit dans un meilleur endroit lorsqu'elle quitterait le monde. Jack était présent lorsque David a parlé de la perception de Tracy concernant les progrès accomplis par Jack, son avenir, et qu'il avait probablement aidé à prolonger la vie de Tracy au lieu de hâter sa mort.


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Dernière édition par Neptune le 4/10/2018, 20:41, édité 1 fois

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7. Privilégier le relationnel dans le dialogue


En s'entretenant avec les personnes, les thérapeutes dialogiques s'intéressent à travailler les thèmes et sujets au sein d'un cadre relationnel. Par exemple, lorsqu'un membre de la famille est en colère et critique envers un professionnel, ce n'est pas inclus dans le cadre d'une manifestation de "trouble de la personnalité", mais comme leur réponse à une relation réelle et à une interaction spécifique avec ce professionnel, contribuant ainsi à faire de la colère une voix au sein d'une conversation polyphonique. Les questions relationnelles sont un dérivé de cette façon relationnelle de penser et sont posées afin d'amener une lumière sur la situation. Ceci peut être réalisé, par exemple, en posant des questions adressées à plus d'une personne, en définissant les relations au sein d'une famille, et exprimant un intérêt dans le contexte relationnel du problème ou du symptôme.

Dans cette réunion où la famille de Jack avait été discutée précédemment, l'un des thérapeutes a demandé aux parents de Jack de définir quel pourcentage de son temps ils passaient à s'occuper de Jack de façon opposée au fait de se centrer sur leur propre relation et leurs propres vies. Cette question est relationnelle dans le sens qu'elle amène plusieurs participants dans une discussion dans laquelle les relations peuvent devenir plus clairement définies et différenciées, au lieu d'être plus confuses.

Dans Dialogue ouvert, il y a beaucoup de variations de questions orientées sur le relationnel, qui amènent des styles d'investigation systémiques, centrées sur les solutions, narratives, et psychodynamiques (15). Par exemple, nous pouvons poser le type de questions pour ainsi dire "circulaires" qui ont été inventées en premier lieu par l'équipe systémique de Milan (Boscolo, Ceechin, Hoffman, & Penn, 1987 (16)). De telles questions mettent en lumière une différence ou s'occupent des problèmes relationnels dans la famille. (Pour une discussion plus en profondeur sur les questions circulaires, voir le Chapitre X : Dialogue ouvert et Thérapie familiale).

Dans Dialogue ouvert, nous ne posons pas ces questions, ou d'autres, comme partie d'une méthodologie structurée d'entretien ou une séquence planifiée de questions qui mèneraient à bâtir une intervention. Des méthodes ainsi structurées tendent à constituer des séquences monologiques, plutôt que des interactions dialogiquement structurées. A la place, dans la pratique dialogique, les questions sont amenée sous la forme de réponses aux énoncés qui précèdent, et on espère qu'elles entreront en résonance avec les opportunités uniques au sein de la conversation. Employées d'une façon créative, improvisée et économe, elles peuvent ouvrir de nouvelles voies pour l'expression et la voix. Nous avons créé le terme "questionnement relationnel" pour décrire ce type d'investigation dialogique.

Cas type de l'utilisation d'une question circulaire : la famille H.


Un exemple de l'usage d'une question circulaire vient d'une famille différente consistuée de deux parents, Mike, cadre d'affaires, et Anna, consultante, avec deux enfants : Carla, 18 ans, et Joe, 16 ans. Carla a été hospitalisée après avoir confié à son frère qu'un criquet lui disait de sauter du porche du troisième étage juste en face de sa chambre. Le psychiatre à l'hôpital a dit à la famille qu'elle avait un déséquilibre chimique dans le cerveau. Elle a été traitée par de hauts niveaux de médication. La médication a éradiqué sa voix "psychotique", et Carla a continué d'être soignée par un psychiatre externe. La grand-mère maternelle pensait que la famille devrait aussi suivre la thérapie Dialogue ouvert.

Dans cet exemple, les thérapeutes avaient rencontré la famille pour la deuxième fois. Le père a commencé à soulever l'idée d'un "déséquilibre chimique" et semblait grandement irrité par le fait d'avoir à participer aux réunions familiales, spécialement celles qui semblaient concerner le "processus" plutôt que des "étapes concrètes". Après avoir écouté et reconnu le point de vue du père, le thérapeute a demandé à la famille une question de différence, ou circulaire, sur l'accord par rapport au désaccord.
"Qui d'autre dans la famille est d'accord avec le père sur les réunions familiales ?"
Joe répondit : "Eh bien, il y a d'autres choses que je pourrais faire". Carla a répondu qu'elle était d'accord sur le fait d'avoir un déséquilibre chimique et avait besoin de son médicament, mais pensait que la réunion familiale lui permettait de se sentir "moins isolée". La mère répondit "Je ne suis pas d'accord avec Mike. Je pense que lorsque je suis avec vous quatre pour réfléchir ensemble, je peux comprendre pourquoi Carla entend des voix. Je pense que ses voix sont un produit de nous tous ensemble... je ne peux pas vraiment l'expliquer, mais je pense que nous avons besoin de nous rencontrer en tant que famille et discuter de tous les problèmes qui peuvent arriver. Il y a beaucoup de choses dont nous ne parlons pas, desquelles nous devrions parler, pas seulement afin d'aider Carla, mais chacun de nous. Oui, c'est vraiment ce que je pense".

Carla, qui était assise à côté de sa mère, prit sa main, mit ses doigts dans ceux de sa mère et échangea un sourire. De cette façon, la question de la réunion elle-même a permis la voix de la mère d'être entendue dans une famille où la perspective du père, alignée à un discours psychiatrique dominant, était devenue trop importante. La relation entre les parents est devenue plus clairement définie lorsque le conflit entre eux a été admis ouvertement. En partie à cause de cette conversation, une équipe de traitement s'est formée, dans laquelle un nouveau psychiatre se joignait régulièrement aux réunions de famille avec les spécialistes de Dialogue ouvert. La famille a fait beaucoup de progrès avec cet arrangement, spécialement Carla, qui commença à récupérer. Elle est retournée à l'école et commença à réduire son régime de médications psychotropes. Après approximativement 18 mois de réunions dans cette configuration, les parents de Carla ont demandé à pratiquer la thérapie de couple à la place.
Carla a continué de voir un thérapeute individuel, tout en continuant de mener sa propre vie, a rencontré son premier petit ami et est retournée à l'école.


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(15) Le terme "psychodynamique" employé ici ne correspond pas à sa réduction-appropriation par la psychanalyse. Plus d'information...

(16) Ouvrage : Boscolo, L., Cecchin, G., Hoffman, L., & Penn, P. (1987). Milan systemic family therapy: Conversations in theory and practice. New York: Basic Books.

8. Répondre aux discours et aux comportements dits problématiques, en étant attentif aux significations


On met en avant dans la pratique dialogique le fait de "normaliser le discours", en contraste avec le fait de parler de problèmes en comme étant pathologiques, ce qui est souvent la façon dont les choses commencent. Le thérapeute écoute les aspects significatifs et "logiques" de chaque réponse de la personne. Ce que cela signifie en pratique est que le thérapeute s'efforce de commenter et de répondre à ce qui a été dit de façon à voir les symptômes ou le comportement-problème comme faisant sens, ou des réponses "naturelles" à une situation difficile. Ce mouvement vers une normalisation du discours met en avant les personnes en soulignant en quoi le comportement-problème est porteur de sens au sein d'un contexte particulier, plutôt que comme "faux" ou "fou".

La normalisation du discours comporte des affinités avec la technique de thérapie systémique de Milan, à savoir la "connotation positive ou logique", bien que cette dernière technique soit donnée en tant qu'intervention sous la forme d'une explication à la famille. "Normaliser le dialogue" est un processus beaucoup plus subtil de compréhension et de réponse tissé dans le va-et-vient conversationnel. Il peut aussi advenir en localisant des issues uniques, ou exceptions, dans des "histoires saturées de problèmes" (Olson, 2006 (17); White, 2007 (18)). (Consulter le Chapitre X qui compare Dialogue ouvert et la thérapie familiale et décrit de façon plus avancée les différences entre le dialogue normalisant et les interventions de thérapie familiale telles que le "recadrage" et la "connotation positive ou logique").

Par exemple, dans les extraits plus haut au sujet de la famille L. et du couple V., un discours normalisé a remplacé un discours pathologisant dans l'émergence collaborative de signification. La toute première session décrite au-dessus a permis à un discours mettant en lien l'expérience de Jack et de sa famille dans une histoire d'isolement et d'ostracisme par rapport à leurs familles d'origine, d'émerger un contexte normalisé dans lequel leur expérience est devenue plus compréhensible. De même, dans la session avec Margaret et Henry, les symptômes de Margaret sont devenus liés à travers le discours au contexte normalisé d'un jeune couple "entre deux familles", avec un centrage particulier sur le lien de loyauté de l'époux par rapport à sa mère.

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9. Mettre en valeur les termes et histoires propres aux personnes - pas les symptômes


La pratique dialogique invite à raconter ce qui est arrivé dans la vie d'une personne, leurs expériences, pensées et sentiments, plutôt que de rapporter les symptômes. Raconter des histoires peut arriver aisément ou peut nécessiter une recherche de langage plus délibérée. Des ouvertures sous la forme d'un mot ou de proto-phrases peuvent être des mots-clé avec des associations très pertinentes par rapport à la situation-problème. Le thérapeute se concentre sur ces mots qui peuvent donner accès à la narration de la souffrance d'une personne. Il s'agit d'une partie d'un processus plus large d'évolution d'un langage commun, et d'une histoire plus large.

De cette façon, des symptômes sévères peuvent être compris en tant qu'ils incarnent des dilemmes inexprimables ou indicibles. Ils sont souvent basés sur des expériences souvent traumatiques qui résistent au langage ordinaire et à la capacité ordinaire à exprimer des expériences en des termes narratifs. Par exemple, des hallucinations peuvent être signes d'expériences autrement inexprimables. La personne qui montre les symptômes les plus sévères peut aussi avoir un moindre accès au langage. Davantage de temps peut être dévolu aux échanges avec la personne aux symptômes les plus aigus dont la voix peut être la plus incohérente, et ainsi, la plus faible. De plus, dans les réunions qui ont lieu pendant les crises, les sujets les plus difficiles, et par conséquent les plus importants, sont souvent indiqués par un simple mot-clé prononcé par une personne, plutôt qu'exprimé comme une histoire complète. Ce type d'énonciation en un seul mot peut sembler étrange, peut être répété et retourné, légèrement altéré par le thérapeute jusqu'à ce qu'un phrasé plus mutuel se produise. Le but est d'arriver à des compréhensions partagées qui donnent voix à l'expérience de la personne, la rendant plus compréhensible et ainsi, donnant naissance à de nouvelles possibilités pour chacun. Ceci implique souvent de se concentrer sur les petits détails de la description par la personne de ce qui s'est passé, ou ce qui se produit en réalité dans la pièce alors que la personne est en train de raconter son histoire.

Exemple-type : mettre en valeur les histoires, pas les symptômes ; la famille P.


Cet exemple vient d'un travail avec Christopher, 25 ans. Nous avons décrit ce traitement plus tôt en relation avec la réunion de réseau avec le médecin de la famille. Christopher avait souffert d'une crise chronique pendant trois ans. Les thérapeutes étaient en train de rencontrer ses parents, John et Sheila, qui étaient divorcés, et Christopher, qui avait eu une période psychotique à l'université, de laquelle il n'avait pas pleinement récupéré. Il avait eu du mal à fonctionner depuis ce temps là et vivait avec sa mère. Thérapeute 1 prenait part à cette thérapie en tant que consultant.

Thérapeute 1 : Donc... Par où commencer ? (regardant en direction de Christopher). Je comprends qu'il ne s'agit pas de ta première réunion, mais peut-être peux-tu dire quelque chose pour nous. Comment est-ce que tu comprends de quoi il est question ?
Christopher : D'accord. Pour la durée de cinq ans à peu près, il y a cinq ans, je me suis senti bizarre dans ma tête, heu, j'ai pensé que c'était la dépression, heu mais, un peu comme ça, j'avais des problèmes de concentration, après être revenu d'un semestre passé à l'étranger, avant ça, tout allait bien dans ma vie entière, vous savez, avant ça, heu, ensuite je suis allé passer ma première année à l'étranger, le semestre d'automne de la première année, le semestre d'automne de l'université, j'ai commencé à avoir des problèmes, de la dépression, des problèmes de concentration en classe, et je ne me sentais pas bien en général, avec mon état mental, heu, un tas de pensées qui circulaient, la meilleure façon de le décrire était comme, des pensées vagues, très vagues, donc euh, comme heu, ça a continué pendant les cinq dernière années, donc euh, ouais euh...
Thérapeute 1 : Tu as dit que tu étais "malheureux" ?
Christopher : oui, malheureux...

Le thérapeute a demandé à chacun des parents comment ils comprenaient la situation. Chacun avait des perspectives différentes. (Ceci est aussi un exemple de polyphonie externe). La mère a décrit comment elle a vécu avec Christopher et observé sa "peur" de la vie. Pour elle, le "code du silence" dans leur famille lorsque Christopher était en train de grandir avait causé la situation actuelle. Par "code du silence", elle voulait dire que les problèmes dans la famille était rarement discutés ouvertement. Le père n'était pas d'accord et disait plutôt que les problèmes de Christopher venaient de ses difficultés pendant l'enfance, incluant des difficultés durables pour comprendre la "communication sociale". Christopher a remis en cause le point de vue de son père. Le thérapeute est ensuite retourné à Christopher et lui a demandé d'en dire plus sur la façon dont il comprenait sa propre situation.

Christopher a répondu, "le coeur brisé". "Le coeur brisé" était la parole de Christopher. Le thérapeute a répété le mot. La réponse du thérapeute a invité Christopher à raconter l'histoire au cours de laquelle il est tombé amoureux d'une fille pendant son semestre à l'étranger et a dû la quitter afin de revenir aux USA. Il pensait que cette expérience était à la base de tout ce qui était arrivé et qu'il était devenu, selon le mot de sa mère, "paralysé" dans la vie. Les voix et les points de vue séparés de chaque participants de la famille sont restés distincts, de façon polysymphonique, dans la discussion, et il n'y avait pas de perspective unique privilégiée par les thérapeutes sur une autre. Ceci dit, les thérapeutes ont tout de même passé beaucoup de temps dans la session à aider Christopher à raconter l'histoire de son "coeur brisé".


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10. Conversation entre professionnels (processus réflexif) dans les réunions thérapeutiques


Dans chaque réunion, la conversation des professionnels entre eux devrait être mise en valeur. Ce faisant, il est conseillé que ceux-ci se regardent entre eux et se parlent, sans regarder la famille ou d'autres participants.

Une conversation devant la famille se déroule entre trois parties. Les deux premières sont interchangeables ; mais la troisième vient toujours après le dialogue entre les professionnels. D'abord, il y a le processus de réflexion, dans lequel les thérapeutes s'engagent dans des réflexions centrées sur leurs propres idées, images, ou associations, avec la personne et la famille. Deuxièmement, les thérapeutes conversent avec les autres professionnels pendant la réunion sur la planification du traitement, l'analyse du problème, la discussion des recommandations de médication et d'hospitalisation. Et, troisièmement, la famille commente l'échange des professionnels. Ainsi, après les réflexions, l'un des thérapeutes invite la famille et d'autres membres du réseau à donner leurs réponses sur ce qu'ils ont entendu.

A et B : réflexions en tant qu'idées, images, associations et planification

Les "échanges de réflexion" entre les professionnels dans la réunion de traitement et devant la famille ont été mis en place par Tom Andersen en 1991. Une autre version consiste en les "échanges réflexifs" de Seikkula et Arnkil (2006)(10). Les deux types de réflexion sont des formats acceptables dans la pratique dialogique pendant les réunions d'équipe. Le processus de réflexion (ou l'échange) se déroule entre les professionnels en présence de la famille. Andersen proposait à l'origine des altérations définies de la parole, et l'écoute d'une conversation thérapeutique avec une "équipe de réflexion" (normalement trois professionnels) séparés, bien qu'en présence de la famille dans la même pièce, ou derrière un écran "une voie".

En rendant ce processus plus fluide et spontané, Tom Andersen et l'équipe finlandaise ont finalement commencé à appliquer l'idée du processus réflexif d'une façon moins structurée comme une partie du déroulement continu de la réunion.

Comme indiqué, l'échange entre les professionnels s'élabore à partir d'une réflexion sur les idées, les images, les sensations, et les associations qui sont advenues dans leurs esprits et leurs coeurs en écoutant la planification du traitement. L'objectif est de créer un espace dans la réunion où les thérapeutes peuvent s'écouter eux-mêmes et ainsi avoir accès à leurs propres dialogues internes. Ceci permet également aux personnes d'écouter sans subir la pression de répondre à ce que disent les professionnels. Selon Tom Andersen (1991 (13)), les aidants emploient un langage ordinaire, pas un jargon, et doivent spéculer sur les sujets introduits par la famille. Ceci est nommé "parler en tant qu'écoutant plutôt qu'en tant qu'auteur" (Lyotard, cité dans Seikkula et Olson, 2003 (3)).

Exemple type de conversation réflexive entre professionnels : la famille L.


En revenant encore une fois à la première réunion avec la famille L. de David, Tracy, et Jack décrite au début, les professionnels ont eu une conversation devant la famille, dans laquelle ils ont commencé à s'engager dans des réflexions avant de discuter des sujets relatifs au traitement.

Le thérapeute 1 a commencé le dialogue en demandant à la famille, "ça vous dérange si j'échange quelques mots avec mon collègue ?" Les parents ont dit que ceci ne les dérangeait pas. Le thérapeute 2 a commencé une réflexion sur ce qu'elle avait entendu et sur toutes les choses positives que les parents avaient dites sur Jack, en utilisant leurs mots réels : "sensible", "aimant", "brillant", "protecteur", et ainsi de suite. Elle a aussi répété des fragments d'histoires positives. Le thérapeute 1 a continué en disant qu'il avait apprécié la manière dont Jack avait participé à la réunion, en restant un peu à l'extérieur pour écouter. Le thérapeute 1 a ensuite commencé à régler le sujet du traitement et a observé que les parents semblaient "partagés" sur le fait de trouver un programme résidentiel pour Jack, ou employer Dialogue ouvert. Cette déclaration a mené à une conversation plus longue entre les thérapeutes, qui entrecoupait une réflexion plus poussée sur les relations entre les membres de la famille, et des décisions pratiques. Jack et ses parents ont décidé qu'il aimeraient rencontrer à nouveau ces thérapeutes.


C. Commentaires de la famille sur les réflexions

Après que les thérapeutes ont fait part de leurs réflexions, la famille devrait avoir l'opportunité de dire ce qu'ils pensent au sujet de la discussion. Demander à la famille de commenter l'échange des professionnels leur donne une voix concernant leur propre futur. Ainsi, le Thérapeute 2 a demandé à la famille L. : "Je me demande ce que vous pensez de nos commentaires ? Qu'est-ce qui vous a frappé ? Avec quoi étiez-vous en accord ? Il y a-t-il des points de désaccord ?"

Tracy a répondu en disant : "Je pense que vous avez touché juste. En disant de lui (Jack) qu'il prend soin de nous. Je n'avais pas réalisé nos sentiments positifs au sujet de Jack (rire de Jack). Mais, c'est le cas." Jack et Tracy ont échangé des regards et se sont mis à rire. David a répondu au terme "partagé" utilisé précédemment par le Thérapeute 1, et se mit à discuter les diverses possibilités pratiques avec les thérapeutes.

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11. Être transparent


Tout échange thérapeutique est partagé avec chacun des participants. Tout le monde dans la réunion de réseau peut accéder de façon égale à toutes les discussions et informations partagées. Ceci signifie que toutes les discussions au sujet de l'hospitalisation, de la médication, et alternatives de traitement se déroulent alors que tout le monde est présent. Souvent la transparence advient comme une caractéristique dans les réflexions. Comme vu plus haut dans la session avec la famille L., les décisions de traitement ont été initialement adressées en tant que partie du dialogue entre les thérapeutes. Par exemple, comme indiqué au préalable, le thérapeute a mentionné sa vision de différentes options dans la planification du traitement, rendant ses idées ouvertes à la discussion, plutôt que de donner une recommandation en tant qu'expert.

Exemple type de transparence : la famille L.


Thérapeute 1 : "J'ai une sorte de sentiment que les parents [David et Tracy] se sentent partagés dans leur position concernant ce qu'il faut faire... partagés dans les idées nouvelles de venir ici et d'avoir de possibles réunions dialogiques et ainsi de suite. Dans le même temps, ceci reste un peu incertain. Dans quelle mesure cette décision appartient-elle aux parents, dans quelle mesure est-ce une décision qui appartient à Jack, et dans quelle mesure la question doit être décidée par les thérapeutes ou d'autres professionnels ? Il semble y avoir de grandes incertitudes et en même temps, cela peut créer de la confusion...

Ce commentaire, qui illustre également le dernier élément de tolérance de l'incertitude, a amené une réponse de la part du père qui a conduit à une clarification de la discussion avec les parents concernant leur position, qu'ils ont définie comme "univoque". De cette façon, les deux parents et Jack ont choisi l'option des réunions dialogiques et d'explorer ensuite les alternatives qui surviendraient en cours de route.


A la fin du premier et souvent des réunions suivantes, les thérapeutes dialogiques incitent les participants à planifier la structure de la réunion suivante. Il y a normalement des questions ouvertes telles que : Voudriez-vous nous rencontrer à nouveau ? Savez-vous quand ? Savez-vous qui pourra venir la fois prochaine ? Si la famille semble hésitante, les thérapeutes peuvent demander, "Est-ce que vous préférez y penser et nous rappeler ?" Bien sûr, si le fait d'être membre ainsi que la fréquence des réunions a été déjà établie, ces questions semblent non nécessaires.

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12. Tolérer l'incertitude


Tolérer l'incertitude est l'un des sept principes de base de Dialogue ouvert et l'un des éléments-clé de la pratique dialogique. Tolérer l'incertitude est au coeur du dialogue. Il est ainsi question d'un élément spécifique et d'un élément qui définit les autres éléments.

Dans Dialogue ouvert, il est question de l'orientation fondamentale consistant à créer une compréhension organique de la crise avec l'apport de chacun (polyphonie). Cette posture est basée sur l'assomption, aussi bien que sur l'expérience, que chaque crise a des caractéristiques uniques. Les décisions hâtives et les conclusions rapides sur la nature de la crise, le diagnostic, la médication, et l'organisation de la thérapie sont évitées. De plus, nous ne donnons aucune solution toute faite telles que des interventions thérapeutiques spécifiques ou préplanifiées à la famille pas plus qu'à à la personne en crise.

L'idée principale que les professionnels devraient garder en tête dans la crise est de se conduire d'une façon qui augmente la sécurité au sein de la famille et dans le reste du réseau social. Parmi les pratiques spécifiques associées avec ceci, il est important de rentrer en contact avec chaque personne de manière précoce dans la réunion et ainsi, de reconnaître et de légitimer leur participation. Une telle reconnaissance réduit l'anxiété et augmente la connexion et ainsi, un sentiment de sécurité. La disponibilité de réunions immédiates avec l'équipe et la fréquence des réunions dans une crise aide aussi le réseau social à tolérer l'incertitude de la crise dès lors que l'ensemble va dans le sens d'une compréhension partagée par eux, sur ce qui effraie et cause de la peine. Une telle compréhension partagée peut permettre de lancer de nouvelles formes d'agentivité.

Dans le même esprit, le point de départ d'une réunion dialogique est que la perspective de chaque participant est importante et acceptée sans conditions. Cela signifie que les thérapeutes se retiennent de diffuser la notion selon laquelle nos patients devraient penser ou ressentir d'une manière différente. Nous ne ferons pas non plus de suggestions comme quoi nous saurions mieux que les locuteurs eux-mêmes ce que ceux-ci veulent dire par leurs formulations. La position thérapeutique provoque une modification fondamentale pour beaucoup de professionnels, parce que nous sommes très habitués à penser que nous devrions interpréter le problème et proposer une intervention qui ferait obstacle aux symptômes en induisant un changement chez la personne ou la famille.

Exemple type de tolérance de l'incertitude


Hélène, une femme de 46 ans, et son époux, Ben, ont commencé à rencontrer une équipe Dialogue ouvert chez eux pendant une crise aigüe dans laquelle Hélène expérimentait son deuxième épisode psychotique. L'équipe incluait un psychiatre, une infirmière, et un thérapeute. Dans l'une des réunions, Hélène a dit : "C'était très différent par rapport à ma première psychose, il y a un an. A ce moment là, nous - ma famille - a rencontré un médecin dont l'intérêt principal était de demander aux membres de ma famille à quel point j'étais folle. Comme si je n'étais pas là. Maintenant c'est totalement différent. Je suis ici, je suis respectée. J'aime particulièrement quand le médecin parle avec mon époux et je réalise à quel point mon époux me respecte."

Elle a été hospitalisée dans une unité traditionnelle de psychiatrie il y a un an. Ils ont eu un entretien familial dans cet hôpital, mais apparemment l'intention principale de la réunion était de trouver le bon diagnostic. Les questions du médecin avaient pour but de rassembler de l'information diagnostique, plutôt que de l'écouter elle et d'établir une relation. Cette expérience a été perturbante pour la personne ("comme si je n'étais pas là").
Elle a mis en relation la différence entre ce qui est arrivé avant et l'expérience de Dialogue ouvert. L'interview psychiatrique préalable, il y a un an, l'a laissée sans possibilité de définir sa propre vie et de faire ses propres choix de traitement. Les réunions dialogiques plus récents avec l'équipe ont permis a sa voix d'être entendue et qu'elle se sente acceptée.

D'un autre côté, le psychiatre de l'équipe pour qui cette façon de travailler était nouvelle dit que, parfois, il était très incertain de ce qui arrivait pendant le processus - admettant qu'il arrivait quelque chose. Dans cette situation, il était le professionnel chez qui l'incertitude était la plus intense, parce que le processus de traitement n'était pas issu d'étapes concrètes et planifiées prescrites et contrôlées principalement par l'expert.


Si un changement advient dans le processus de Dialogue Ouvert, ceci peut être attribué au processus consistant à confronter le point de vue de chacun à l'intérieur de la réunion. C'est la responsabilité du thérapeute de conduire la réunion de façon à créer une espace où chacun peut s'exprimer de manière sûre, selon les procédés qui ont été soulignés au-dessus. Finalement, les thérapeutes ne facilitent pas simplement la polyphonie en taisant leurs propres voix. Ils expriment aussi leurs perspectives, mais sous la forme de réflexions qu'ils échangent en présence de la famille. Leurs idées sont ainsi entendues "par hasard" et peuvent être commentées et critiquées par le réseau social, plutôt qu'en tant que "vérités" directement imposées comme venues d'en haut.

De manière générale, dans un dialogue fructueux, les cliniciens participent d'une façon humaine, avec émotion et compassion et accomplissent leurs rôles professionnels avec un élément de chaleur personnelle. Ceci permet de promouvoir une connexion thérapeutique et d'éviter d'être trop distant ou de donner aux personnes le sentiment qu'ils sont scrutés et réifiés.

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Conduire la réunion de traitement : le contexte de dialogue ouvert et de la pratique dialogique




Dans Dialogue ouvert, la réunion de traitement est le contexte de la pratique dialogique. Une réunion de traitement devrait advenir comme une réponse immédiate, en l'espace de vingt-quatre heures du contact initial avec quelqu'un qui cherche de l'aide pour une crise. De manière préalable à toute prise de décisions au sujet d'hospitalisation ou de thérapie, cette réunion amène la personne en détresse aiguë à rencontrer d'autres personnes importantes, incluant d'autres professionnels, des membres de la famille, et n'importe qui pouvant être impliqué de façon proche. C'est la responsabilité du professionnel qui a reçu l'appel initial que d'organiser la réunion, avec un apport de la part du ou des personne(s) en crise.

La réunion se déroule dans un forum ouvert dans lequel tous les participants sont assis en cercle. Les membres de l'équipe qui ont initié la réunion ont la responsabilité d'entretenir le dialogue. L'équipe peut décider en avance de qui mènera l'interview et de quel rôle sera celui du reste de l'équipe.

Habituellement, si l'équipe a de l'expérience, ils commencent sans aucune idée de plan relatif à ceux qui commencent les questions. Chacun des membres de l'équipe peut participer à l'entretien. Les "deux questions" initiales mentionnées plus tôt invitent le réseau à parler des questions qui sont le plus pressantes à l’instant présent. Depuis le tout début les thérapeutes écoutent attentivement et choisissent toutes les voix, les mots, les histoires de la manière que nous avons décrite dans ce document. Si la personne qui est le centre des attentions ne veut pas participer à la réunion et s'esquive soudain hors de la salle d'entretien, une discussion prend place avec les membres de la famille sur l'éventualité de poursuivre au non la réunion. Si la famille souhaite continuer, l'un des cliniciens informe la personne sur la possibilité de revenir si souhaité.

Chacune des personnes présentes a le droit de commenter quand elle le veut. Il est conseillé que chacun s'applique à répondre au sujet courant du dialogue, à moins de suggérer une alternative claire. Pour les professionnels, cela signifie qu'ils peuvent répondre soit en demandant plus d'informations sur le thème de la discussion, ou mettre en place un dialogue réflexif les uns avec les autres, dans lequel ils tentent d'être ouverts et disponibles.

Les thérapeutes parlent entre eux en se regardent mutuellement, emploient un langage ordinaire et non pathologisant, évitent de critiquer des membres de la famille, et s'engagent dans un échange dialogique. Dans chaque réunion, ils devrait y avoir au moins un peu de temps laissé aux
réflexions tenues entre eux par les professionnels, parce que ce dispositif est central afin de générer à la fois des nouveaux termes au sujet de la crise dans un processus ouvert et partagé qui encourage un sentiment de confiance et de sûreté. Il est également essentiel que les membres du réseau aient une opportunité de commenter ce que les professionnels ont dit.

Toutes les décisions au sujet des médications et de l'hospitalisation sont faites avec l'apport de chacun. Les discussions de sujets relatives à la médication et à l'hospitalisation se déroulent habituellement après que les membres de la famille aient eu une chance d'exprimer leurs demandes les plus importantes. Après que les sujets les plus importants ont été traités, l'un des membres de l'équipe fait habituellement la suggestion de prévoir une nouvelle réunion. Il est important, cependant, de terminer la réunion en faisant référence aux propres termes de la personne en demandant, par exemple : "Je me demande si nous pouvons envisager de conclure cette réunion. Avant de la faire, cependant, il y a-t-il un autre sujet dont nous devrions parler ?" Ce faisant, les personnes pour lesquelles la réunion a été organisée ont un contrôle sur la décision qui termine la session. A la fin de la réunion, il est bénéfique de résumer brièvement les thèmes de la réunion, surtout si des décisions ont été prises ou non, et dans ce cas, ce qu'elles étaient. Il est aussi important de développer la structure de la réunion suivante si les détails sont peu clairs, ainsi que de discuter de son contenu et de quand elle devra avoir lieu. La longueur des réunions peut varier, mais quatre-vingt dix minutes sont normalement suffisantes.

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(17) Olson, M. (2006). Family and network therapy for a system of care: A pedagogy of hope. In A. Lightburn & P. Sessions, Handbook of community-based practice. New York, NY: Oxford University Press.

(18) Ouvrage : White, M. (2007). Maps of narrative practice. New York: Norton.

Résumé




Dialogue ouvert est à la fois un système de thérapie communautaire et une forme de conversation thérapeutique qui advient au sein de ce système, spécifiquement à l'intérieur de la réunion thérapeutique. Ces deux couches de Dialogue ouvert sont guidées par les sept principes, dont "dialogue (polyphonie)" et "tolérance à l'incertitude" sont deux fondements de la conversation thérapeutique, ou de la pratique dialogique. La pratique dialogique dans Dialogue ouvert est la même à la fois pour des crises aiguës et des situations de plus long terme, soi-disant "chroniques". Ce document s'est centré sur la définition de la pratique dialogique par l'identification et la description de douze éléments clé. Dans la réunion de traitement, l'objectif principal pour les thérapeutes est de nourrir un dialogue dans lequel la voix de chacun est écoutée et respectée.

Le point de départ est le langage que la famille emploie afin de décrire sa situation. La position du thérapeute est différente de celle de la psychothérapie traditionnelle, dans laquelle le thérapeute réalise les interventions et ne dévoile pas les sujets personnels. Alors que de nombreuses écoles de thérapie familiale se concentrent sur des formes spécifiques d'entretien, le thérapeute dialogique est davantage centré sur l'écoute et la réponse à ce qui l'a touché.

C'est ces moments de "vivacité" dans Dialogue ouvert, lorsqu'un orateur ou un auditeur ont été touchés par quelque chose de nouveau dans l'échange, qui recèlent la possibilité d'une transformation.

Dans l'exposé ci-dessus, nous avons donné des exemples de ces "moments frappants" (voir aussi, Shooter & Katz, 2007 (19)). Par exemple, lorsque Christopher a employé le mot "coeur brisé", à la fois lui et les thérapeutes étaient visiblement émus. Une enquête plus poussée a résulté en un changement profond de perspective rendu possible en racontant une histoire de ce qui lui est arrivé, afin de placer l'expérience dans un contexte. Il peut y avoir des révélations soudaines et des moments positifs en direction de l'auto-soin et la sérénité associés avec ce processus qui peut
être profondément étonnant et permet de rentrer en connexion. Cette possibilité transformative semble se baser sur une position thérapeutique consistant à demeurer présent et engagé, accordé à son propre dialogue interne et sensible au dialogue externe et partagé, répondant formulation par formulation lorsque l'échange se déploie. Pour cette raison, les professionnels tiennent leur savoir et leur expertise pour peu de chose dans l'ensemble de leur répertoire de réponses. L'approche des "moments frappants" est mise en contraste par Roger Lowe (2005 (20)) par rapport à l'approche des "méthodes structurées", qui se réfère à des séquences par étapes, unidirectionnelles, guidées par des théories et hypothèses externes.

La pratique dialogique de Dialogue ouvert met en avant les "êtres avec" plutôt que les "faire à". Il s'agit d'une investigation ouverte qui met en avant le moment présent. Les mots et les histoires des patients sont vécus comme précieux et sont entretenus avec attention, avec leurs silences et l'ensemble de la gamme des gestes, des émotions et des formulations basées sur le corps. La réponse des thérapeutes aux expressions du patient, consiste à répéter les mots et à écouter avec attention sans imposer leur propre couche de jargon, d'interprétations, et de conclusions hâtives. Si quelqu'un est difficile à comprendre, il y a une recherche progressive des termes appropriés afin de donner une expression plus claire de ce qu'ils peuvent être en train d'essayer de dire.

Il y a l'assomption du fait que chaque situation est significative et que chacun s'efforce d'y donner un sens. De nouvelles possibilités, produites de façon conjointe, émergent lorsque de nouveaux mots et histoires font leur entrée dans le discours commun. La réunion crée un contexte pour le changement en générer des échanges parmi les voix multiples, qui sont tout autant valorisées et considérées comme importantes. Le langage et les compréhensions communes peuvent aider à défaire l'entrelacs de confusion et d'ambiguité en produisant un sens accru de l'orientation et de l'agentivité.

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Requête aux professionnels pour leur feedback




Dans le but de continuer à clarifier, préciser, et mettre à jour les 12 éléments - clés de fidélité à la pratique dialogique, discutés dans ce document, nous encourageons les lecteurs à nous faire part de leur feedback sur ce texte. En particulier, ce texte décrit-il votre expérience du dialogue ouvert et de la pratique dialogique, vous aide-t-il à réfléchir sur votre travail, est-il utile à visée de formation et de supervision, et vous accompagne-t-il dans vos recherches ?  Nous voyons ce texte comme un document vivant. D’autres études de la fiabilité et de la validité des “éléments clés de la pratique dialogique dans le dialogue ouvert : critères de fidélité” sont nécessaires, et attendues. Veuillez nous envoyer un email et partager vos commentaires à : dziedonis@ucsd.edu.

Remerciements




Nous voudrions exprimer notre gratitude envers les familles dont nous avons tant appris. Nous les remercions de leur permission concernant la description des exemples de notre travail commun. Nous avons altéré ces exemples afin de protéger la confidentialité et d'ôter les informations permettant une identification. Nous voulons aussi remercier nos collègues pour leur soutien inestimable : Jukka Aaltonen, Volkmar Aderhold, Magnus Hald, Lynn Hoffman, Peter Rober, Markku Sutela, et le groupe de recherche de l'UMass Medical School, incluant Daniel Breuslin, Nancy Bryatt, Robert Clyman, Jon Delman, Daniel Fisher, Christopher Gordon, Stephanie Rodrigues, et Makenzie Tonelli.


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