Un père retourne aux origines de la psychiatrie pour son fils
Interview
Luc de Bry habite Wavre, près de Bruxelles. Il a 61 ans, marié, 4 enfants. Le plus jeune (24 ans) souffre de schizophrénie.
Il répond aux questions de Katie Motram sur son parcours de père confronté à la schizophrénie, en Belgique.
Nous ne l’avons pas su à ce moment ; mais ensuite nous l’avons vu vraiment dégénérer. Après six semaines en secteur psychiatrique à l’hôpital public, il a été déplacé dans un établissement pas très loin, avec plus de médicamentation ; ensuite nous avons eu rendez-vous avec le directeur en psychiatrie, qui nous a annoncé que notre fils était désormais handicapé à vie.
C’était deux mois après son admission. Ne sachant pas trop ce qu’il se passait, j’ai commencé à consulter la littérature générale, la psychiatrie, à apprendre certaines choses… la psychose, des choses dont j’ignorais jusque là l’existence.
Je ne pouvais pas retirer mon fils de ces procédures. Les assurances et tout ça… Lorsque j’ai demandé : “où est le défaut génétique ? Ça ne marche pas… ?” ils ont dit “c’est trop compliqué monsieur.” Alors j’ai posé des questions sur la génétique et j’ai dit qu’il y avait une chance sur un million pour qu’il y ait un gène, pour qu’il y ait deux gènes c’était un million par un million, vous aboutissez à un billion de probabilités, et en psychiatrie ils ont dit qu’il y avait environ une centaine de gènes dans la schizophrénie. Et la probabilité d’être atteint de schizophrénie est d’environ une sur cent… par une sur plusieurs milliards ! Donc il n’y a pas de preuve d’une base génétique.
Je n’ai jamais vu qu’en psychiatrie, des gens se soient intéressés à la chimie, par exemple.
C’est une organisation colossale, comme dans la mythologie grecque, le colosse aux pieds d’argile. Il s’effondre parce que ses pieds sont trop fragiles. C’était une des merveilles de la Grèce antique.
La porte d'Ishtar de Babylone, construite par Nabuchonosor II, dit le "colosse aux pieds d'argile"
(2) Voir Effets secondaires de la clozapine - Leponex@
"J’ai commencé par faire des recherches dans la littérature psychiatrique. Où bien sûr il n’y a rien à trouver."
Après une année ou deux, nous n’avons rien trouvé, et nous avons regardé dans une direction opposée. La direction opposée à la psychiatrie c’est celle des patients, des gens souffrants. Et ils ne publient pas de revue académique des pairs, bien sûr, mais ils publient beaucoup. Vous pouvez commencer à paniquer en voyant leurs témoignages. Il faut faire un peu de systématisation, comme on fait en biologie… Vous pouvez découvrir que certaines personnes étaient heureuses d’obtenir certains médications parce qu’elles étaient vraiment dans un état grave, mais après un temps, ils veulent tous s’en défaire. Presque sans exceptions. Après un certain temps, il faut chercher un paramètre critique, et prendre cela en considération.
Dans l’un de ces témoignages, la personne a révélé, dans un forum néerlandais, “j’ai tenté de me défaire de la clozapine (2), j’ai essayé trois fois et trois fois j’ai échoué. Est-ce que quelqu’un peut m’aider ? Quelqu’un avec une expérience de la situation ?” Et j’ai regardé dans les réponses en dessous : “oui j’ai une expérience de la clozapine. J’ai perdu mon fils de dix-sept ans, d’une crise cardiaque, il était à 300 milligrammes de clozapine”.
Et mon fils était à 400 milligrammes, donc j’ai eu très peur. Une semaine, ou quelques jours plus tard je ne sais plus, j’ai découvert la page Web “Guérison de la psychose” dans le Blog de Monica Cassani, https://beyondmeds.com/ .
Pendant une année je n’ai pas utilisé le mot de “guérison”. Je me suis dit, “c’est impossible, il faut trouver autre chose” ; et j’ai été surpris, à partir de cette page Web, celle de Monica, il y avait deux liens importants : l’un est “Ce qu’un chamane voit dans un hôpital psychiatrique” ; le second est “Les sorciers de Finlande”
Ça m’a tout de suite intéressé, je suis né en Afrique du Sud et j’y ai passé dix-neuf ans. Ce n’était pas exactement dans notre région ; je n’ai pas été impliqué dans le travail des chamanes locaux, mais j’étais au courant que ce genre de choses se produisait lorsque les gens étaient atteints de dépression, ou souffrants…
Il montre notamment Joanne Greenberg et Catherine Penney faire leur coming-out ; elles se sont rétablies de leur psychose. Ça nous a donné beaucoup d’espoir, nous l’avons regardé avec toute la famille. Nous avions commandé les quatre DVDs d’un seul coup, à ce moment là. Ils n’étaient pas disponibles sur Youtube à ce moment, en mai 2013. Ensuite nous avons regardé le documentaire sur Open Dialogue, trente minutes à la fois car notre fils ne pouvait pas se concentrer suffisamment, à cause des médications. Alors ma femme m’a dit : “il faut que tu y ailles”. C’est ce que j’ai fait juste une semaine après avoir découvert la page Web de Monica Cassani. J’ai entrepris de vérifier l’information, car cela semblait trop beau pour être vrai. Je ne voulais pas avoir de faux espoirs : j’ai donc découvert la littérature de Jaikko Seikkula et Mary Olson (4) ; un incroyable éveil à une nouvelle discipline.
Le mois avant, puisqu’il avait trop de médications, nous avons demandé à ce qu’il en ait moins, le psychiatre à la place en a donné plus, mon fils a même failli tomber dans l’escalier, tant il était drogué. Je lui ai demandé ce qu’il pensait des avancées en Finlande, il m’a dit qu’il en avait entendu parler mais qu’il n’était pas vraiment intéressé, qu’ici il y avait déjà tout ce qu’il fallait... “la semaine prochaine je vais au Portugal” [en vacances].
La première publication date des années 90 (je ne me souviens plus de la date précise). Ils ont eu tant de critiques qu’ils ont reproduit l’expérience début 2000 (2002 ou 2003). Pour les autres 14 %, le soin doit être prolongé donc ça prend un peu plus de temps pour retrouver un travail. La durée moyenne pour obtenir une prise en charge en santé mentale est de un an et demi après les premiers signes.
(3) Voir Open Dialogue : une thérapie qui a pratiquement fait disparaître la schizophrénie en Finlande
(4) Voir Open Dialogue : bases théoriques et institutionnelles
"Il n’ont plus ces médicaments en stock parce qu’ils ne les vendent plus. Dans toute la Laponie de l’Ouest, vous ne pouvez pas trouver ces médications chez le pharmacien"
Luc de Bry à l'aéoport de Kemi-Tornio, en Laponie
Mary Olson a eu du mal à introduire Dialogue Ouvert dans le Massachussets au retour de son post-doctorat avec Jaako Seikkula. A un moment donné, un journaliste, Marvin Ross, qui a écrit une critique dans le Huffington Post, a dit qu’il avait appelé un psychiatre à Helsinki, qui lui a répondu que non, ça ne marchait pas (Dialogue Ouvert). Mais la psychiatrie de Helsinki n’est jamais allée en Laponie de l’Ouest !
La plus grande université de psychiatrie en Belgique est située à l’Université Catholique de Louvain, avec soixante-dix professeurs. Ils ont la plus grande résistance au changement que j’ai jamais vue.
A l’hôpital psychiatrique de Louvain, j’ai immédiatement parlé à la psychiatre de Dialogue Ouvert : elle a dit “oui, je connais Dialogue Ouvert” “Les médications ne sont pas nécessaires, d’ici deux semaines, il n’y aura plus besoin de médications”. Elle avait serré la main de Jaako Seikkula, ce qui ne voulait pas dire qu’elle acceptait...
Deux mois après, j’étais tellement en colère que j’ai parlé à l’infirmière, au sociologue, au psychologue (car la psychiatre n’était pas là) : “vous prétendez connaître Dialogue Ouvert, vous dites avoir le DVD, savez-vous combien de temps dure la médicamentation au maximum ? Quatre à cinq jours, pas deux mois !”
Ensuite j’ai reçu un coup de fil de la psychiatre chef de section, qui m’a demandé de venir dans son bureau. Nous avons eu rendez-vous le 31 décembre. Elle sait tout ce qu’il y a à savoir sur la littérature de Dialogue Ouvert, l’oeuvre de X, l’oeuvre de Y. Elle connaissait tout, pour mieux saboter l’ensemble !
Lorsque j’étais à la conférence (c’était une Conférence sur l’Histoire de la Santé Mentale), j’ai envoyé un extrait, j’ai pensé que ce serait une bonne idée afin de tester mes développements. C’était une conférence organisée par la British Psychological Society, et le Réseau de Psychiatrie Critique du Royaume-Uni. L’un des intervenants était Joanna Moncrieff. Je voulais la contacter mais je n’ai pas eu de réponse.
Au Rotary Club de Bruxelles, ils m’avaient invité pour une répétition...
A la place de la psychiatrie, j’ai essayé d’employer ce qui est là depuis les temps anciens...
Nous avons commencé à traiter cette psychose avec les deux liens dans le blog de Monica Cassani... ce que nous avons avec Dialogue Ouvert est une redécouverte du travail des chamanes, en ajoutant des statistiques modernes afin de donner une crédibilité scientifique. La psychiatrie a essayé d’être une alternative à Dialogue Ouvert.