Nathalie Dale avait 43 ans. Elle est décédée chez elle à Aix-en-Provence, le 31 janvier 2014, des suites d'une longue et douloureuse maltraitance psychiatrique et sociale. C'est ce que confirmera ou infirmera la justice. Nathalie n'avait plus de famille : parents décédés depuis longtemps et frères éloignés et perdus de vue, son compagnon M'hamed fut donc autorisé à organiser ses funérailles, le 27 février 2014. Nul ne sait encore les conclusions de l'enquête qui obligatoirement doit avoir lieu. La police aurait évoqué une "défaillance respiratoire ou une surcharge médicamenteuse", aurait écarté l'hypothèse du suicide, mais a demandé une autopsie. Ce n'est qu'au bout de presque un an que M'hamed retrouva un peu de forces et put entreprendre les démarches visant à faire établir la vérité qui le traumatise encore. Sa plainte, déposée le 17 novembre 2014, apporte ainsi aux enquêteurs les éléments en sa possession : ordonnances, correspondances aux services concernés, historique de la maltraitance et éléments précieux du dossier. En attendant les conclusions de l'enquête et de la plainte, M'hamed témoigne en souvenir de Nathalie. | Nathalie Dale En fin d'article : quelques éléments factuels |
Dale Nathalie : une lutte pour la dignitéNathalie est née le 21 mai 1970 à Cagnes-Sur-Mer (06). Je l'ai rencontré pour la première fois en 1993 à l'université à l'UFR de Psychologie et Sciences de l’Éducation à Aix-en-Provence. Nous nous étions mis ensemble juillet 1999. Elle était joyeuse, enthousiaste, élégante, ouverte d'esprit, lectrice, débordante et aimait la vie et vivre. Elle était généreuse, accueillante, indépendante et autonome dans son esprit. Nathalie avait un caractère. Un caractère fort, bien organisée dans sa vie quotidienne. Elle était fragile, vulnérable, naïve et imprudente dans ses relations. Elle aimait des belles choses simples. Elle aimait tout ce qui est de l'art, des fleurs, des repas légers surtout les crevettes et le saumon fumé. Elle était tout le temps à la recherche de spiritualité dans toutes les cultures. Elle aimait la diversité et tout ce qui est différent. Nathalie aimait beaucoup être dans son canapé surtout le soir. Elle aimait prendre un café le matin à la terrasse en ville. Elle aimait avoir des cigarettes dans son sac. Des petits sous pour des besoins quotidiens. Elle aimait faire le marché en ville, acheter des légumes et des plantes. Elle aimait des boutiques des vêtements d'occasion. Elle aimait la nature, les rivières et la mer. Elle aimait avoir ses pieds dans l'eau et prendre sa douche avec l'eau froide. Elle aimait voyager et découvrir et apprendre dans ses voyages. Elle était allée plusieurs fois avec moi au Maroc et en Corse. Elle n'avait jamais le sentiment d'avoir peur. Elle n'aimait pas la télévision à part des émissions culturelles. Elle écoutait beaucoup la radio et la musique non commerciale. Elle aimait les églises, les mosquées, les synagogues et tous les lieux de spiritualité. Avec Nathalie, j'ai appris beaucoup de choses. Avec le temps, j'ai commencé à découvrir qu'elle était fragile et vulnérable. Nathalie a été victime plusieurs fois. On a abusé d'elle. Nathalie n'était pas une schizophrène. Ses capacités cognitives étaient intactes malgré tout. Nathalie était toujours une révoltée contre les injustices dans le monde. Nathalie a toujours été affectueuse envers les pauvres et les exclus. Elle n'hésitait pas à partager avec eux ce qu'elle avait de peu. Nathalie pensait toujours à celles et ceux qui n'ont rien. Elle se contentait de peu. De peu dans la vie, dans ses besoins, dans ses envies. Elle aimait le soleil. Elle aimait être chez elle surtout les après-midi. Elle aimait faire la sieste. Elle aimait le café et ses cigarettes. Chaque jour je découvrais avec elle et en elle des qualités et les manières d'être et d'agir. Mais, elle était fragile, naïve et vulnérable. J'ai toujours pensé qu'elle allait s'en sortir. Ce qui est vrai. Je l'ai accompagné pendant quinze ans, jour et nuit. J'ai toujours être optimiste de son sort. Je n'ai jamais baissé la garde ou manifesté une hostilité envers elle malgré les conditions précaires dans lesquelles je vivais. J'ai sacrifié une bonne partie de ma vie professionnelle pour être à côté d'elle pendant et après notre vie commune. J'ai pensé que la mesure de protection des majeurs était une bonne chose pour elle. J'ai lu tout sur ce que veut dire curatelle et tutelle du point de vue du ministère de la justice. J'ai écrit au procureur de la République pour lui demander d'accepter ma demande pour son bien-être. C'était à la fin de 2009. La procédure a été mise en œuvre le 08 avril 2010 dans le cadre d'une ordonnance avec des mesures bien explicitées au mandataire désigné qui opère dans la SHM-SE. Nathalie est revenue vivre chez moi après notre séparation (10 ans de vie commune), car elle se sentait aspirée dans un tunnel sans issue. Je l'ai prise en charge en amont et en aval. Je l'ai accompagné plusieurs fois dans son hospitalisation surtout au centre psychiatrique de Montperrin. J'étais toujours à côté d'elle, le matin et le soir. Je ne la laissais jamais seule. Je lavais ses vêtements, je lui prenais ses douches, je lui faisais à manger, je lui achetais ses choses qui remplissent le quotidien. Je l'encourageais pour vaincre ses angoisses et son anxiété agitée. Parce que j'ai toujours pensé à l'optimisme dans les actions que j'ai mené pour elle, je ne croyais pas pouvoir vous faire le constat de graves dysfonctionnements et maltraitances au sein d'institutions chargées de la protection des plus vulnérables. Il ne s'agit pas là du fait d'une institution ou d'une autre mais plutôt de personnes agissant en leurs noms. Nathalie a failli partir dans une totale indifférence. C'était sans compter ce dont j'ai été le témoin. Parfois, on peut se demander si la négligence et la malveillance mènent inexorablement les plus faibles à la mort. Dans l'accompagnement de ma compagne, j'ai pu constater des éléments concrets : Mauvaise gestion des ressources financières (AAH) par la personne mandatée par les autorités compétentes. Maltraitance par surdose médicamenteuse et par non reconsidération, dans le temps, du traitement. D'où l'inadaptation du traitement. Privation arbitraire et précipitée du droit parental subitement après l'accouchement. A ce jour, elle n'aura toujours pas connu ni même vu son propre enfant malgré son insistance. L'absence totale d'accompagnement et de suivi social en dehors de la prise en charge médicale psychiatrique. L'absence totale de soins médicaux en dépit de son état de santé physique, manifestement inquiétant : Difficultés respiratoires, besoins de soins dentaires, aucune prise en compte de ses multiples plaintes de son fonctionnement cardiaque. J'ai pris un engagement pour l'enterrer dans la dignité comme elle le souhaitait. J'ai pris un engagement pour que tout le monde sache ce que veut dire la maltraitance des personnes qui souffrent d'un handicap psychique ou physique ou les deux. C'est une exigence morale Je remercie des citoyens ordinaires à Aix-en-Provence et à Marseille qui m'ont aidé à payer la concession pour avoir sa place dans la terre, dans le cimetière de Saint-Jean. Je remercie les services de la police judiciaire d'Aix-en-Provence qui m'ont bien aidé dans les démarches et qui m'ont fait confiance dans son accompagnement. Ils m'ont facilité toutes les démarches. Je remercie le gardien du cimetière Saint-jean de son accueil et accompagnement chaleureux Je remercie madame Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion qui a satisfait toutes mes demandes pour Nathalie. Trois jours après, Nathalie obtenait ce qu'elle souhaitait : un logement proche d'une personne qui pouvait et qui voulait son bien-être ou tout au moins atténuer son mal être. Un sourire, du respect apportent bien plus que des traitements inadaptés. L'échec curatif doit-il fatalement aboutir à mourir à 43 ans ? Aurait-on pu éviter ce drame ? Et comment ? C'est en ce sens que je prononce ces mots devant vous. Ce que je demande à toutes et à tous une chose simple : soyons des lanceurs d'alerte pour la cause des personnes handicapées maltraitées ! Créons partout des comités d'alerte ! Demandons contrôle et audit sur les associations qui prétendent prendre en charge ces personnes pour ne pas permettre l'enrichissement personnel sur les personnes vulnérables ! La cause des personnes handicapées engage et doit engager l'ensemble de la société.. Elle nous concerne toutes et tous parce que rien ne nous garantit d'être à l'abri d'un handicap physique ou psychique. Je termine avec cette belle citation d'Albert Einstein : « Le monde est dangereux à vivre ! Non pas tant à cause de ceux qui font le mal, mais à cause de ceux qui regardent et laissent faire. ». M'hamed, Marseille Lu devant sa tombe avec la présence des amis-es dans le grand cimetière de Saint-Jean à Puyricard le 27 février 2014 à 17h00. |
Quelques élémentsOrdonnances retrouvées :
(*) le Lexomil est une benzodiazépine anxiolytique. La dose maximale recommandée est de 6 mg par jour, l'ANSM précisant : "Selon la gravité de l'anxiété à traiter: chez les malades ambulatoires, la posologie s'établit entre 6 et 18 mg; chez des sujets dont la sévérité du syndrome anxieux exige l'hospitalisation, il est possible de prescrire des doses plus élevées, 24 voire 36 mg par jour. Chez l'adulte, en début de traitement, la posologie quotidienne moyenne du BROMAZEPAM est de 6 mg par jour". Donc 24 mg par jour sans hospitalisation est hors autorisation de l'ANSM. Autre précision de l'ANSM : "La durée globale du traitement ne devrait pas excéder 8 à 12 semaines". A noter que les doses devant être augmentées progressivement, il est espéré que cette ordonnance ne soit pas la première, et dans ce cas, la durée maximale de prescription est elle aussi largement dépassée. (*) l'Imovane est assimilée à une benzodiazépine, et est prescrite comme hypnotique (somnifère) "Dans tous les cas, la posologie ne doit pas dépasser 7,5 mg par jour." (source: ANSM) (**) le Lepticur est un "correcteur" des effets extramyramidaux des neuroleptiques (***) le Sulfarlem est "préconisé en cas de digestion difficile, en cas de bouche sèche (sécrétion de salive insuffisante)" (source: ANSM) (****) le Clopixol est un neuroleptique de première génération, en injection. L'ANSM précise "Pour la majorité des patients, la dose varie de 200 à 400 mg (1 à 2 ml) toutes les deux à quatre semaines. Chez certains patients, des doses plus élevées ou des injections plus rapprochées peuvent être nécessaires." L'ANSM donne ensuite un longue liste de risques hépatiques et cardiaques, et des procédures de surveillance précises. | La cité des Pinettes à Aix, domicile de Nathalie Le CMP Jean Sutter à Aix, secteur 13G17, dépendant du CH Montperrin d'Aix, et dans lequel ces ordonnances ont été écrites Le cimetiere paysager du grand Saint-Jean Puyricard à Aix |
Que faire ?Pour vous-même : restez très attentif aux traitements que l'on vous prescrit. En cas de doutes, renseignez vous. Les médicaments sont à la fois utiles et dangereux, c'est une banalité de le dire, c'est plus difficile de les étudier : faites vous aider. Si vous devez aller vous-même, ou confier un proche à un hôpital psychiatrique, ne vous éloignez pas de votre proche : soyez présent en permanence, et même s'il arrive que l'on souhaite que la personne soit isolée, répétez inlassablement votre demande de visite : on vous ouvrira. Si vous souhaitez contacter M'hamed pour un article, un interview, une question, veuillez nous contacter Si vous souhaitez témoigner, nous contacter également. Si vous souhaitez marquer votre soutien à nos actions, aider ou être aidé, inscrivez vous Neptune | Voir aussi : |