Sismothérapie, Électroconvulsivothérapie, Électrochocs : l'enquête
Vol au dessus d'un nid d'informations contradictoires, par Neptune.
Résumé
Cette technique, une fois n’est pas coutume, divise aussi les psychiatres conventionnels : les uns expliquent pourquoi ils choisissent de ne jamais recourir aux électrochocs, tandis que d’autres multiplient les actions de communication en leur faveur auprès du grand public.
Nos recherches, systématiques, n’ont trouvé que des lacunes, des erreurs et des informations contradictoires sur ce sujet, autant dans la communication au public, que dans les textes officiels. Ceux qui tentent de dé-diaboliser cette pratique minimisent ou occultent les effets secondaires à moyen terme, maximisent les bénéfices, étendent ses indications, et se contredisent parfois au sein de la même communication.
Les études sur les effets à moyen terme (quelques mois) sont rares, et, comme pour les psychotropes, absentes pour ce qui est du long terme : cette incertitude pour une technique pratiquée depuis 80 ans est incompréhensible et ne milite pas en faveur de son emploi. Elle est souvent déplorée par des auteurs sérieux. De même pour le mécanisme d'action, qu'aucun auteur ne prétend décrire.
Nous déduisons de nos recherches que la sismothérapie - electroconvulsivothérapie - életrochocs devrait relever des mêmes indications que l'amputation d'un membre : à n’employer qu’en cas de pronostic vital imminent, avec l'accord véritablement éclairé de la personne, et en l’absence d’autre moyen de survie. Et non un remède banalisé pour « patients résistants aux autres traitements » comme on le lit trop souvent.
Neptune
- Ajout d'un paragraphe sur les pratiques non indiquées ni même mentionnées par l'ANAES (ex. : autisme)
- Ajout d'effets secondaires : accès maniaque, mixte ou hypomaniaque, tolérance , dépendance
Sommaire
- Résumé
- Indications de l'ANAES avec niveau de preuve "A"
- Troubles mentionnés par l'ANAES avec faible niveau de preuve
- Pratiques observées en dehors des indications officielles en France (ex. : autisme)
- Mode d'emploi de la sismothérapie ou électrochocs
- Mécanisme d’action
- Efficacité
- Effets secondaires ou indésirables
- Comparaisons internationales
- Aspects juridiques
Le spECTrum 5000 commercialisé en France
Quel terme employer ?
En 1997, l'ANAES, prédécesseur de la HAS - Haute Autorité Sanitaire, décrète en page 11 de sa recommandation (1) : « le terme "électrochoc" doit être abandonné », sans plus de précisions. L’intention est à l'évidence de parvenir à faire croire, par ce changement d’appellation, que les « électrochocs », de mauvaise réputation, appartiennent au passé, tandis qu’électroconvulsivothérapie et sismographie seraient des techniques modernes et douces.
L'association des psychiatres du Canada, elle, fait preuve de moins de complexes et continue d'employer le terme "électrochoc" tout en exprimant une opinion largement favorable à ces derniers (13).
Après enquête, nous pensons que le terme "électrochocs" reste adéquat y compris avec les dernières évolutions technologiques. Car comment nommer honnêtement une thérapie consistant encore, en 2018, à administrer une série d'impulsions électriques de près d'un ampère, de tension comprise entre 50 et 400 volts, déclenchant une crise épileptique d'au moins 25 secondes, et qui sans immobilisation ferme provoquerait des fractures osseuses ?
Notes et références
Indications officielles avec niveau de preuve "A"
La règlementation officielle en France se trouve dans les recommandations de l’ANAES de 1997 (1). Pour élaborer ces recommandations, l'ANAES, prédécesseur de la HAS - Haute Autorité de Santé, a procédé comme habituellement, par consultation des "autorités" et "experts" en la matière : en l'occurrence, il s'agissait de la Fédération Française de Psychiatrie et de la Société Française d'Anesthésie et de Réanimation. Le groupe de travail était composé de 8 psychiatres (dont un psychanalyste, Jean-Marie Enjalbert), deux anesthésistes, un gériatre et un neurologue. Il n’y avait aucun représentant d’associations d’usagers.
Dans tout le texte, l'ANAES qualifie les affirmations et recommandations par un "grade" qui hiérarchise la valeur d'une affirmation en fonction du niveau de preuve de celle-ci. Extrait du texte de l'ANAES :
(2)
L'ANAES donne d'abord ses indications générales :
- 1. « L'ECT peut être considérée comme un traitement de première intention lorsqu'existe un risque vital à court terme ou lorsque l'état de santé d'un patient est incompatible avec l'utilisation d'une autre forme de thérapeutique efficace, lorsque le bénéfice attendu par les traitements classiques est faible, voire, dans une indication appropriée, à la demande du patient. »
- 2. « L'ECT sera utilisée en deuxième intention après l'échec d'un traitement pharmacologique de référence, ou en raison de l'intolérance à un tel traitement, ou devant l'aggravation de l'état du patient. »
On relève un manque de précisions dans le terme "lorsque le bénéfice attendu par les traitements classiques est faible", laissant la porte ouverte à toutes sortes d'interprétations. La seconde indication générale est tout aussi sujette à interprétations.
Puis, les "indications" en terme de trouble mental, qui relèvent souvent du "grade B" ou du "grade C" (2). On retiendra dans un premier temps celles de "grade A", c'est-à dire celles pour lesquelles l'ANAES estime disposer d'un niveau de preuve scientifique :
- Épisode dépressif majeur, que l'épisode soit isolé ou récurrent :
- En première intention pour les patients atteints de dépressions majeures psychotiques ou lorsque le pronostic vital est engagé (risque suicidaire, altération grave de l'état général) ;
- En deuxième intention lorsque la thérapeutique pharmacologique de la dépression a échoué, ou a été mal tolérée.
L'ANAES précise alors que « en raison du taux élevé (estimé dans la littérature entre 35 et 80 %) de rechutes dépressives dans l'année suivant la fin des séances d'ECT, un traitement de "consolidation" s'impose, et peut faire appel au traitement pharmacologique, ou à des séances d'ECT dites de consolidation. Les modalités de ce traitement sont "discutées" ».
Ceci est moins précis et plus ambigü que la recommandation britannique (3). - En première intention pour les patients atteints de dépressions majeures psychotiques ou lorsque le pronostic vital est engagé (risque suicidaire, altération grave de l'état général) ;
- Épisode maniaque : l'ANAES indique uniquement que « L'ECT est aussi efficace que le lithium comme traitement curatif de l'accès maniaque aigu chez des patients recevant des neuroleptiques ; elle permet d'obtenir une action rapide sur l'agitation et l'exaltation ». C'est donc une indication de deuxième intention et dans un cas bien précis : l'échec des neuroleptiques et du lithium ajouté.
Il est contradictoire que cette "indication" soit citée avec un "niveau de preuve A", alors que, juste après, l'"épisode maniaque ou mixte, lorsque l'agitation est mal contrôlée par les thérapeutiques médicamenteuses ou lorsque l'amélioration tarde à se manifester" (ce qui est la même chose), soit donnée avec un faible niveau de preuve. L'ANAES répercute donc l'absence de consensus sur cette "indication". - Trouble schizo-affectif : dans les exacerbations symptomatiques schizophréniques, permettant d'obtenir un soulagement rapide, à court terme. (4)(4b)
Pour la schizophrénie proprement dite, l'ANAES précise que « le traitement de choix de la schizophrénie est la chimiothérapie neuroleptique » (5).
Ce sont les seuls cas où l'electroconvulsivothérapie est indiquée par l'ANAES avec mention d'un niveau de preuve scientifique.
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Troubles mentionnés par l'ANAES avec faible niveau de preuve
Les cas ci-après sont mentionnés par l'ANAES en précisant que le niveau de preuve est faible :
- Épisode maniaque : états maniaques aigus ou états mixtes, lorsque l'agitation est mal contrôlée par les thérapeutiques médicamenteuses ou lorsque l'amélioration tarde à se manifester.
- Schizophrénie : dans les syndromes paranoïdes aigus lorsque l'intensité de l'angoisse ou la thématique délirante font courir un risque de passage à l'acte, lorsque la symptomatologie thymique est au premier plan, dans la catatonie.
- Troubles de l'humeur sévères concomitants à des pathologies somatiques (démence, sida, maladie de Parkinson ...) (4)
- Syndrome malin des neuroleptiques (4)
- Maladie de Parkinson : avec fortes réserves. (4)
La catatonie est-elle une indication ?
La catatonie est un syndrôme observé chez environ 10 % des patients hospitalisés, et concerne non seulement la schizophrénie mais aussi le trouble bipolaire, la dépression majeure et d'autres affections. Dans de nombreux textes vulgarisés, notamment en France, la catatonie serait une indication pour l'électroconvulsivothérapie. Or, selon les textes scientifiques, seuls les cas ne répondant pas à un traitement adapté justifient le recours à la sismographie. L'un des meilleurs spécialistes des situations d'urgence psychiatrique, le Pr Pierre Thomas du CHU de Lille, décrit le traitement mis au point par différentes équipes dans les années 1990 et à mettre en oeuvre avant le recours à l'ECT : efficace dans 80 % des cas, l'administration de benzodiazépines résoud la catatonie en moins de 6 jours. Source : Catatonie : définition et traitement, par Pierre Thomas, CHRU de Lille, Ed. Lavoisier, 2014
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(2) Idem, page 11.
A nos lecteurs
Nous sommes réceptifs à toute remarque sur le présent article dans le but d'améliorer nos connaissances, et celles des nombreux lecteurs d'un tel sujet. Aussi, n'hésitez pas à "répondre" à ce sujet, ou à nous contacter pour nous signaler toute information utile, remarque, observation, que nous étudierons dans les meilleurs délais.
L'équipe Neptune
- 1. reconsidérer l'adéquation de la précédente administration du traitement
- 2. ET prendre en considération toutes les autres options
- 3. ET de discuter des risques et des bénéfices avec la personnes et/ou lorsque nécessaire, leurs représentants ou aidants.
2. et 3. sont aussi des prérequis très clairs pour la séance initiale.
Source : Depression in Adults: recognition and management, $ 1.10.4 Electroconvulsive therapy (ECT), NICE, 2009
(4) Cette indication est absente des recommandations britanniques.
Source : Guidance on the use of electroconvulsive therapy NICE, 2003
(4b) La notion "exacerbations symptomatiques schizophréniques dans le trouble schizo-affectif" est particulièrement vague, et n'est reprise dans aucune autre recommandation d'autres pays.
(5) La recommandation britannique précise également que « Les données disponibles ne permettent pas de recommander l'ECT dans le traitement de maintenance de la schizophrénie ».
Relevé non exhaustif de cas où l'électroconvulsivothérapie est pratiquée en dehors de tout indication ou mention de l'ANAES
Ce paragraphe a été ajouté à la demande de certains lecteurs ayant observé en France des pratiques ne relevant d'aucun des cas mentionnés dans le dernier texte cadre des autorités de santé françaises (1). Il n'est donc pas nécessairement exhaustif.
Autisme
En 2009, le service de neuropédiatrie ou psychiatrie de l'enfant de l'hôpital de la Pitié Salpétrière à Paris, soumet à l'Agence Régionale de Santé son projet d"Unité Sanitaire Interdépartementale d’Accueil Temporaire d’Urgence" (USIDATU), dispositif expérimental destiné à l'accueil des personnes autistes. Le projet comporte des électrochocs dans les "cas réfractaires d’auto/hétéro agressivité" (5b, page 17). Ce projet sera accepté et les électrochocs sont, depuis, régulièrement pratiqués sur des enfants ou adolescents autistes en cas d'agitation, en dehors de toute recommandation officielle.
L'unité Pinel de la Pitié Salpétrière a donc été retenue par l'ARS, comme "unité non sectorisée pour enfants, adolescents et adultes franciliens en état de crise", malgré ses nombreuses pratiques non indiquées voire explicitement contre-indiquées par la Haute Autorité de Santé.
Extrait du document présenté par l'USIDATU à l'ARS (5b), page 17
On remarque que l'étude citée porte sur 4 patients et que ceux-ci sont soumis à des électrochocs réguliers, dont la fréquence n'est pas indiquée.
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Mode d'emploi
La sismothérapie consiste à déclencher une crise convulsive généralisée de type « grand mal », devant durer au moins 25 secondes (1), par une série d'impulsions électriques administrée à travers le cerveau pendant moins de 6 secondes (6). La crise et les convulsions sont violentes : avant que l’anesthésie ne soit généralisée dans les années 50-60, elles provoquaient des traumatismes physiques dans 40 % des cas, dont de fréquentes fractures vertébrales.
Le courant électrique est d’une intensité apte à franchir le « seuil épileptogène », mais celui-ci est variable selon les personnes, leur âge et les psychotropes absorbés. De plus, les spécialistes s’accordent sur le fait que ce seuil augmente avec le nombre de séances (1). L'intensité du courant augmente donc au fur et à mesure des séances.
Il n’est nulle part publié la tension ni l’intensité appliquées ; dans la littérature médicale, tout au plus dit-on que la « technique » a évolué. La source d’informations la plus précise est finalement la notice technique du seul appareil commercialisé en France (6) : le voltage est de 40 à 400 volts, permettant selon « l’impédance » (7) du patient, de délivrer un courant d’intensité comprise entre 0,5 et 0,8 ampères, avec une oscillation entre 20 et 120 Hz.
Les défenseurs de la sismothérapie parlent d'un "courant électrique très léger" et de "très faible quantité d'énergie" ( 8 ). Il serait, selon le Dr Marion Plaze de Saint-Anne, "bien inférieur à celui utilisé lors d'un choc cardiaque pour faire repartir le cœur" ( 8 ). Ces affirmations sont fausses : un défibrillateur externe d'urgence délivre une énergie maximale de 150 joules (9), contre 200 joules pour l'appareil utilisé en sismothérapie (6).
De plus, la notice technique précise que "des poignées de stimulation à distance peuvent être adaptées à tous les appareils spECTrum. La stimulation est alors déclenchée par un bouton situé sur la poignée." (6) Si le courant est aussi léger que le disent les promoteurs des électrochocs, alors pourquoi éloigner le personnel des électrodes ?
Les médecins promoteurs de l'électroconvulsivothérapie diffusent donc intentionnellement une fausse information dans des articles destinés au grand public. Et elle n'est pas la seule comme on le verra ci-après.
Comment établit-on l’intensité du courant à appliquer ?
Comme on ne connaît pas le seuil épileptogène d’une personne, les praticiens auront recours à une table donnant un seuil moyen en fonction de l’âge, ou bien feront des « essais successifs avec une intensité croissante jusqu’à obtenir la crise comitiale » (méthode dite de « titration »). Les deux méthodes sont autorisées (1).
Comment sait-on qu’il y a bien une crise convulsive ?
Pour s’assurer qu’il y a bien une crise convulsive, il y a la technique déjà ancienne de mesure à l’aide d’un électro-encéphalogramme (EEG), mais il n’y a pas d’obligation pour cet équipement : plus économique est l’utilisation de simples brassards gonflables - comme ceux utilisés pour mesurer la pression artérielle - qui est permise et effectivement encore pratiquée, permettant de « voir » les tentatives de mouvement du patient attaché et en convulsion.
Que fait-on si la crise convulsive n’est pas obtenue du premier coup ?
L’ANAES (1) se contredit sur la méthode à appliquer, entre la page 20 et la page 21. Page 20 : « au cours de la première séance, administration successive de courant d'intensité croissante jusqu'au seuil épileptogène » ; Page 21, elle indique au contraire des mesures permettant d’effectuer certains réglages pour une nouvelle séance à reprogrammer : diminuer les doses de myorelaxants, d’anesthésiques, de psychotropes élevant le seuil épileptogène - benzodiazépines et antiépileptiques utilisés comme thymorégulateurs dans les troubles bipolaires - , hyperventilation du patient, hydradation, faire boire du café avant la séance, changer d’anesthésique. Une fois que l’une et/ou l’autre de ces mesures sont prises, on reprogramme une séance. C’est lors de cette deuxième séance, si l’on n’obtient toujours pas la crise convulsive, que l’on augmente l’intensité électrique après une pause de 20 à 40 secondes, et ce jusqu’à 4 fois.
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(6b) Le psychiatre Romain Padovani (25) de Sainte Marguerite (Marseille) parle lui d'une durée de "1 à 8 secondes". Soit il exagère, soit la notice technique de l'appareil est fausse quand elle parle d'une durée maximum de 6 secondes (6), soit il applique plusieurs chocs à la suite.
(7) L’impédance W est l’équivalent pour le courant alternatif, de R, résistance, pour les courants continus. La relation entre le potentiel (en volts) et l’intensité (en ampères) est donnée par la formule U = R x I (courant continu) et U = W x I (courant alternatif), R et W étant exprimés en Ohms.
( 8 ) Emmanuel Poulet, Marion Plaze, David Szekely dans "La sismothérapie fait des étincelles contre la dépression sévère", Figaro Santé, 27-11-2015
Ce défribillateur cardiaque courant délivre 150 joules, contre 200 joules pour un appareil de sismothérapie.
(9) Notice technique d'un défibrillateur externe courant choisi au hasard, 2018
Emploi de brassards pour détecter une crise d'épilepsie lors d'une séance de sismothérapie ( 8 )
Mécanisme d'action
La plupart des auteurs affirment, 70 ans après le premier électrochoc de 1938, qu’on ne connaît pas le mécanisme par lequel la crise convulsive agit sur le trouble psychique. Dans un article réclamant le retour de l'autorisation de pratiquer l'électroconvulsivothérapie à Genève et parue en 2008 dans la Revue Médicale Suisse, le Pr Gilles Bertschy et le Dr Jean-François Etter estiment qu’ « il conviendrait d’étudier ce mécanisme, afin d’améliorer les modalités de ce traitement et de mieux comprendre les complémentarités entre ECT et pharmacothérapie » (10).
En 2011 on peut lire que « La sismothérapie serait associée à une réduction importante des connexions cérébrales dans la zone du cortex préfrontal dorsolatéral, cette réductivité des connexions cérébrales étant elle-même associée à une réduction significative des symptômes dépressifs » (11)
En 2014 (12), on indique encore que la manière dont la crise comitiale agit sur la dépression n’est pas claire, puis que beaucoup de modèles animaux ont été étudiés pour reproduire et élucider le mécanisme fondamental des effets du traitement ; qu'en dépit des similitudes variées entre les cerveaux humains et animaux, « la transposition de ces études en termes de dépression de compréhension chez l'homme, est sujette à caution ».
Les théories dérivées de la recherche animale concernant le mécanisme d'ECT comprennent :
- Les études de Murine, qui ont montré que l'ECT, provoque une augmentation du facteur neurotrophique cerveau-dérivé (BDNF) et du facteur de croissance endothélial vasculaire (VEGF) dans la région de l’hippocampe. Il est par ailleurs prouvé que les augmentations dans les taux sanguins de BDNF et de VEGF peuvent augmenter la neurogenèse de l’hippocampe.
- Les études qui ont montré que l'ECT peut augmenter le niveau de BDNF chez les animaux qui ne répondent pas aux antidépresseurs.
Quant à la psychanalyse, ses théories psychodynamiques sont centrées sur la « fonction punitive » ou son « effet amnésique ». Si en France on évite de froisser 4000 psychiatres d'obédience psychanalytique en s'abstenant de commenter ces élucubrations, la Canadian Psychiatric Association se contente d'une phrase dans le document très dense de ses recommandations sur l'électroconvulsivothérapie : « Il est certain néanmoins que les théories psychodynamiques centrées sur la fonction punitive de l’ECT ou son effet amnésique sont sans fondement » (13).
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(11) Electroconvulsive therapy reduces frontal cortical connectivity in severe depressive disorder, Perrin, Merz, Washington, 2011
(12) Electroconvulsive Therapy Mechanism, A. Mandal, Medical Life Sciences 2014
(13) L’électroconvulsivothérapie, Énoncé de principes, Canadian Psychiatric Association, 2009
Efficacité
Nous analysons ici les notions d'efficacité, et les sources d'information disponibles, pour les trois indications principales que l'ANAES a retenues comme disposant d'un niveau de preuve "Grade A" : dépression majeure résistante, épisode maniaque résistant, manifestations extrêmes du trouble schizo-affectif.
Pour la dépression résistante
Dans tous les textes destinés au grand public, il est question d'une efficacité "remarquable" des électrochocs contre la dépression sévère et résistante. Les chiffres publiés le plus souvent sans référence donnent le plus souvent une amélioration sensible pour "80 % à 95 %" des personnes. Toutefois on trouve des résultats allant de 0 % à 100 % selon les études, pour la dépression sévère. Il a donc été nécessaire d'examiner plus en détail ces études, mais au préalable de qualifier cette notion d'efficacité :
- L'efficacité n'est pas mesurée sur le long terme dans les études citées, mais sur quelques jours, voire semaines. L'étude de Perrin de 2011 (11) mesurait les résultats de 9 patients à 48 heures, et nécessitait en moyenne 8 séances avec la méthode "bilatérale", la plus génératrice d'effets secondaires cognitifs, pour obtenir une amélioration moyenne importante de 35 points sur l'échelle de dépression MADRS.
- L'efficacité suppose un nombre indéfini de séances, à des niveaux d'intensité de plus en plus élevés à cause de l'élévation du seuil épileptogène en fonction du nombre de séances (1). On peut donc parler de "tolérance" au sens toxicologique du terme, à la sismothérapie. Les études et les recommandations relèvent qu'il est nécessaire, lorsqu'une première séance de sismothérapie et été efficace, de la renouveller à raison de 2 à 3 séances hebdomadaires : « La nécessité d'un traitement de consolidation s'impose dans les suites d'un traitement par ECT, en raison du taux élevé (estimé dans la littérature entre 35 % et 80 %) de rechutes dépressives dans l'année suivant la fin des séances d'ECT » (1). Il n'est pas précisé ce qu'on fait ensuite, sous-entendu que les séances peuvent durer indéfiniment.
- Il est également admis que l'électroconvulsivothérapie bilatérale est "plus efficace" tout en générant des effets indésirables cognitifs plus prononcés et plus fréquents (perte de mémoire rétrograde et pertes cognitives). La notion d"efficacité doit alors être relativisée au regard de ces pertes ; plus elle est efficace, plus le prix à payer est important.
- Les groupes de mesure et les groupes contrôle (placebo) de ces mesures ne peuvent raisonnablement être composés de personnes dont le pronostic vital est engagé. Il n'existe donc pas de mesure d'efficacité contrôlée pour la partie de la population répondant au critère "risque vital imminent". Si de telles mesures existaient, cela signifierait qu'on comparerait le taux de survie des personnes recevant un électrochoc, à celui des personnes dans la même situation mais n'en recevant pas, intentionnellement, les deux groupes étant indifférentiables au départ, et en "péril imminent". Nous supposons que les études évitent de condamner à mort un nombre significatif de personnes volontaires pour un électrochoc, dans le seul but de prouver une théorie. Il n'y a donc pas d'étude d'efficacité contrôlée pour les personnes de cette catégorie, a fortiori pas d'étude randomisée, et donc on ne peut pas conclure scientifiquement d'une efficacité sur cette population.
Nous nous intéressons maintenant aux méta-études réalisées, pour tenter de tirer au clair les chiffres discordants qu'elles ont produit.
La méta analyse de 2003 (14) effectué par le "UK ECT Group" n'est pas gratuitement accessible au public, et son contenu a été effacé dans les textes publiés, sous la mention "Academic in confidence UK ECT Group Data Removed", ce qui n'est pas de nature à apaiser le débat sur cette question. Nous évoquons juste des éléments du résumé qu'en font ses auteurs : analysant 6 essais contre placebo (ECT simulés) - les 67 autres essais visant à comparer différentes techniques entre elles - elle en déduit que l'ECT apporte un avantage sur l'échelle HDRS compris entre 5.7 et 13.5 points, tout en précisant que « la qualité des mesures a été estimée faible par leurs auteurs ». Pourtant le groupe avait présélectionné 73 études sur un total de 624.
Des réserves sur cette analyse sont exprimées par Bertschy et Etter (10) en 2008 « Une méta-analyse de l’effet de l’ECT sur la dépression (14), basée sur 73 essais randomisés, conclut qu’à court terme, l’ECT est plus efficace que l’ECT simulée, et qu’elle est probablement plus efficace à court terme que les traitements médicamenteux. Ces comparaisons ont cependant été faites surtout avec des antidépresseurs tricycliques, et il existe peu de comparaisons avec des médicaments plus récents (...) Les auteurs concluent qu’il existe peu de données provenant d’essais randomisés sur la persistance des effets de l’ECT à long terme dans la dépression, et qu’il n’existe pas de donnée indiquant si l’ECT prévient le suicide ».
Le NICE britannique en 2003 estime, dans sa recommandation, que, entre autres, « d’avantages de recherches sont nécessaires rapidement pour étudier l’efficacité et la sûreté à long terme de l’ECT ». Il semble que cette recommandation soit restée lettre morte depuis 2003 puisqu'elle figure encore dans l'édition 2016 (15).
L'étude de 2009 (16) de J. Read et R. Bentall, des Universités d’Auckland (NZ) et du Pays de Galles (UK), revient sur l'ensemble des textes, ouvrages et méta-études dont la précédente, qu'elle conteste sur le plan méthodologique. Elle inventorie, elle, non pas 6 mais 10 études comparant l’ECT à une ECT simulée (placebo). Sur les 10 études, 4 font état de résultats immédiats, mais aucune ne trouve de différence à 1 ou 6 mois par rapport au placebo. 6 études ne se sont même pas intéressées au résultat à moyen terme. Read & Bentall contestent aussi les résultats immédiats les plus connus (West, 1981) et fournissent quantité d'éléments de réflexion.
Conclusion
Par analyse des textes, nous rejoignons les avis qui en synthèse disent : "contre la dépression sévère, l'electroconvulsivothérapie n'apporte qu'un bénéfice de nature psychologique - placebo - à moyen terme. Elle peut être une tentative de dernier recours pour sauver une vie dans les cas où le pronostic vital est engagé à court terme, et après échec de tous les autres moyens".
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(14) Efficacy and safety of electroconvulsive therapy in depressive disorders: a systematic review and meta-analysis, UK ECT Review Group, 2003
(15) Guidance on the use of electroconvulsive therapy, NICE, 2003-2016
(16) The effectiveness of electroconvulsive therapy : a literature review, J Read & R. Bentall, 2009
Pour l'épisode maniaque après échec des psychotropes
Les données sont beaucoup plus rares que pour les dépressions sévères. Ainsi la synthèse de 2008 dans la Revue Médicale Suisse ne prend pas en compte la manie et le trouble bipolaire dans son évaluation (10).
La recommandation britannique de 2003-2016 (15) indique que « Les quatre études randomisées contrôlées suggèrent que l’ECT pourrait être utile dans le contrôle rapide de la manie et de la catatonie, et cette suggestion est soutenue par un certain nombre d’études observationnelles et par le témoignage d’experts. Toutefois les preuves permettant de tirer toute conclusion générale sur le bénéfice de l’ECT, ou de déterminer la stratégie thérapeutique la plus appropriée, sont faibles. »
En 2009 L’association des psychiatres du Canada dans son « Énoncé de principes sur l’électroconvulsivothérapie » (13) indique que « des études cliniques comparant l’ECT et le lithium (17), l’association de lithium et d’halopéridol (18) et sur l’ECT fictive (19) concluent que les électrochocs sont efficaces et qu’ils produisent en de meilleurs résultats que la pharmacothérapie ».
Cet enthousiasme mérite d’être pondéré. En effet, nous avons lu l’étude de 1988 en question (17) : si elle conclut à une meilleure efficacité à court terme de 9 séances bilatérales (les plus efficaces mais aussi les plus génératrices d’effets secondaires cognitifs), elle indique également qu’après 8 semaines il n’y avait plus de différence entre les patients recevant les électrochocs, et ceux prenant du lithium. Pour la comparaison à l’ECT fictive (19), il n’y a pas de résultat à moyen et long terme. Quant à la revue de littérature citée (18), elle n’est pas publiée mais nous en avons demandé une copie via ResearchGate et ne manquerons pas de mettre à jour le présent paragraphe si l’auteur accepte de nous transmettre son texte.
Conclusion
Le recours à l'électroconvulsivothérapie pour les états maniaques n'apporte aucun bénéfice à moyen terme par rapport au lithium et à la pharmacopée existante, ni à long terme. Elle peut être une tentative de dernier recours pour sauver une vie dans les cas où le pronostic vital est engagé à court terme, et après échec de tous les autres moyens.
Pour les manifestations extrêmes d'un trouble schizo-affectif
La recherche par mots clé « schizoaffective disorder electroconvulsive » donne très peu de résultats : une étude comportant 4 personnes avec trouble schizoaffectif (Israël, 2015) dont les auteurs reconnaissent qu'elle n'est pas significative, une étude datant de 1981 mais non publiée (Richard K.Ries), une étude de 2001 comportant 8 personnes sur 20 (Autriche) et non publiée.
L’ANAES indique pourtant disposer de niveaux de preuve de grade « A », mais aucune référence accessible ne peut être vérifiée. L’ANAES précise que l’on obtient « un soulagement rapide, à court terme ».
Conclusion
Comme l’indique l’ANAES, à moyen et long terme on ne connaît aucun bénéfice de l’électroconvulsivothérapie dans le trouble schizoaffectif. Elle peut être une tentative de dernier recours pour sauver une vie dans les cas où le pronostic vital est engagé à court terme, et après échec de tous les autres moyens.
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(17) Small JG, Klapper MH, Kellams JJ, et al. Electroconvulsive treatment compared with lithium in the management of manic states. Arch Gen Psychiatry. 1988
(18) Mukherjee S, Sackeim HA, Schnur DB. Electroconvulsive therapy of acute manic episodes: a review of 50 years’ experience. Am J Psychiatry. 1994
(19) Sikdar S, Kulhara P, Avasthi A, et al. Combined chlorpromazine and electroconvulsive therapy in mania. Br J Psychiatry.1994
Effets secondaires
Lors de la séance
Le document de l’ANAES/HAS de 1997, mentionne une fréquence de décès de 0,01%, correspondant au taux habituel des incidents anesthésiques.
Le taux de complications est de 1/1300 soit 0,08 % : laryngospasme, traumatisme dentaire, luxation ou fracture, défaillance circulatoire, état de mal épileptique, paralysie des nerfs périphériques, brûlure cutanée au point d'application des électrodes, apnée prolongée.
En outre, l’ANAES indique que ce taux était de 40 %, dont une grande part de fractures cervicales avant que l’anesthésie générale ne soit systématique.
La plupart des auteurs s'accordent sur le fait qu'aucune lésion cérébrale n'est observée à l'aide des techniques appliquées (IRM), ce qui reste une position prudente. Elle est mise en doute par Read & Bentall en 2009 (20)
A court et moyen terme (de quelques jours à quelques mois)
- Pertes de mémoire antérograde et rétrograde
En dehors d’un consensus clair sur l’existence de pertes de mémoire, les auteurs et communicants ne donnent pas la même information sur la nature de ces pertes, leur portée, leur durée. Sur les pertes cognitives, le flou est total. Voici une synthèse des affirmations lues.
Selon Rose & al. (2003), les pertes de mémoire sont l’effet secondaire le plus fréquent, rapporté par un tiers au moins des patients. Pour certaines personnes, ces pertes de mémoire peuvent causer une détresse considérable et être perçues comme inacceptables, au point que cet inconvénient dépasse les avantages de l’ECT (21).
Selon l’ANAES (1), l’amnésie antérograde (perte de mémoire récente, c’est-à-dire incapacité de se souvenir d’évènements survenant après la séance) ne dure pas, tandis que l’amnésie rétrograde (perte de mémoire des évènements antérieurs à la séance) « peut être durable », sans autre précision.
Aux USA il est précisé que l’amnésie rétrograde est plus fréquente lorsque les électrodes sont placées des ceux côtés du cerveau, et qu’elle porte généralement sur les semaines ou mois précédent la séance, les souvenirs plus anciens pouvant aussi disparaître mais revenir plus facilement. (22)
Fottorusso et Ritter, en 2006, affirment que le traitement par ECT est suivi « d’une amnésie surtout rétrograde, souvent de courte durée, mais parfois persistante. » (23)
Les canadiens de l’Association des psychiatres du Canada précisent en 2009 dans un avis très favorable aux ECT, que « le trouble mnésique s’accentue selon le nombre de séances et la fréquence d’administration des électrochocs, le placement bilatéral des électrodes, l’intensité de la stimulation électrique et la stimulation avec ondes sinusoïdales. Les données probantes confirment que l’amnésie antérograde ne dure que quelques semaines. L’amnésie rétrograde plus prononcée pendant la période suivant l’administration des électrochocs, s’estompe avec le temps. La période la plus longue d’amnésie est celle qui va de plusieurs mois avant à plusieurs semaines après le traitement. » (13).
Dans la plupart des sources, on indique que certains patients peuvent présenter aussi des troubles non mnésiques tels qu’une désorientation ou un état confusionnel. Selon Xiberas (24), « contrairement aux troubles de la mémoire suite à l’ECT, les troubles non mnésiques se présentent de manière brève chez le patient. Ainsi, la désorientation « persiste pendant quelques heures, tandis que l’état confusionnel peut durer jusqu’à deux semaines après le traitement par ECT ». - Pertes cognitives
Bien que la perte de capacités cognitives ne soit pas évoquée dans son paragraphe « effets indésirables » de la page 17, l’ANAES dans son paragraphe « mise en place des électrodes », laisse échapper une information importante : « L'ECT bilatérale est plus efficace que l'ECT unilatérale. L'ECT unilatérale peut être appliquée lorsque l'on souhaite préserver les fonctions cognitives » (page 20). Aux USA la méthode « unilatérale » est recommandée par l’American Psychiatric Association depuis 1978, malgré sa moindre « efficacité ».
Autrement dit, on « résoud » mieux à court terme une dépression en électrocutant une partie plus importante du cerveau, mais dans ce cas on altère les fonctions cognitives, c’est-à-dire l’intelligence. L’ANAES ne dit pas qui décide de ce choix, et ne mentionne pas non plus ce risque ni de possibilité de choix donné au patient. Le psychiatre décide donc à la place du patient de le rendre moins intelligent mais temporairement plus heureux, ou bien moins heureux mais moins dégradé cognitivement. On notera quand même que les canadiens ne sont pas sûrs que l'ECT bilatérale soit plus efficace (13).
Enfin sur la durée des effets cognitifs, l'organisation britannique NICE émet les réserves suivantes : « Il y a quelques données limitées des études contrôlées randomisées qui suggèrent que les effets sur la fonction cognitive pourraient ne pas durer plus de 6 mois, mais ceci n'a pas été étudié correctement. Il y a aussi des éléments qui suggèrent que la détérioration des fonctions cognitives liées à l'ECT est variable selon les individus, qu'elle est liée à la dose administrée, bien que la relation avec le seuil épileptogène n'ait pas été correctement défini. Il n'y a pas d'éléments pour dire que les effets de l'ECT sur la fonction cognitive dépendrait du diagnostic. » (15). - Virages maniaques, hypomaniaques, mixtes
La sismothérapie peut aussi, tout comme les antidépresseurs (24c), provoquer des accès maniaques, hypomaniaques ou des épisodes mixtes. Le DSM-IV-TR (version 4 révisée du Manuel Diagnostic et Statistique des troubles mentaux) a cité la sismothérapie comme exemple de tels épisodes induits, dans le "trouble de l'humeur induit par une substance", ainsi que dans le diagnostic différentiel des épisodes maniaques, hypomaniaques et mixtes. (24b) Ceci est confirmé dans l'ouvrage universitaire de référence sur les troubles bipolaires (24c).
Il existe très peu d'études à ce sujet. Il est vraisemblable qu'un état euphorique faisant suite à une séance ou à une série de séances de sismothérapie pour dépression, ait été considéré comme un résultat satisfaisant, alors même que la réalité clinique est celle d'un virage maniaque ou, pire, d'un début de trouble bipolaire, ce qui constitue alors une aggravation iatrogène de la dépression.
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(20) The effectiveness of electroconvulsive therapy : a literature review, J Read & R. Bentall, 2009
(21) Rose D, Fleischmann P,Wykes T, Leese M, Bindman J. Patients’ perspectives on electroconvulsive therapy : Systematic review. BMJ 2003;326:1363
(22) Electroconvulsive Therapy Side Effects, 2014, New Medical Life Science
(23) Fattorusso & Ritter, 2006, p. 803
(24) Xiberas, X. (2010). Place actuelle de l’ECT dans le traitement de la mélancolie.
Santé mentale, 147, 56-61.
(24b) Manuel Statistique et Diagnostic des troubles mentaux, révisé, 2000 (DSM-IV-TR) :
Trouble de l'humeur induit par une substance, définition DSM-IV,
Épisode maniaque, définition DSM-IV,
Épisode hypomaniaque, définition DSM-IV,
Épisode mixte, définition DSM-IV
(24c) Les troubles bipolaires, Lavoisier, 2014, chapitre 25 "Virages de l'humeur", T. Mauras, R. Gaillard, $"Virages de l'humeur non pharmaco-induits"
A long terme
Comme pour les psychotropes, il y a très peu, voire aucune étude sérieuse sur les effets à long terme. Parfois on peut lire « long terme » pour des effets à 6 mois. Une rapide revue de la littérature permet de se faire une idée.
- Pertes de mémoire
L’ANAES (1) n’indique rien de précis, uniquement que « l'amnésie rétrograde peut être durable chez certains patients ».
Lisanby, en 2007 (26) estime qu’ « il est possible que les effets sur la mémoire ne s’étendent pas au-delà de quelques mois, mais trop peu d’études ont été conduites pour l’affirmer avec certitude, et les instruments utilisés pour mesurer les troubles cognitifs consécutifs à l’ECT manquant souvent de validité. On ne peut donc pas exclure que les troubles cognitifs causés par l’ECT soient durables, voire permanents. »
Bertschy et Etter, citant Lisanby en 2008 (10), regrettent qu’il existe peu, ou pas de données provenant d’essais randomisés sur les effets cognitifs à long terme de l’ECT. Ils estiment que « les instruments utilisés pour mesurer les troubles cognitifs consécutifs à l’ECT manquaient souvent de validité » Malgré tout ils demandent, en conclusion, à ce que l’interdiction de pratiquer les ECT dans certains cantons suisses et notamment à Genève, soit levée. - Effets cognitifs
Selon une étude de 2009 sur le ressenti de personnes ayant suivi une électroconvulsivothérapie, sont citées des pertes des fonctions motrices, de capacités intellectuelles, de la mémoire à long terme, la perte de la capacité à assurer les activités de la vie quotidienne, un comportement maniaque suite au traitement (27).
Les recommandations officielles du NICE britannique de 2003, reprises dans l’édition 2016, (15) concluent aussi que « d’avantages de recherches sont nécessaires rapidement pour étudier l’efficacité et la sûreté à long terme de l’ECT ». Il semble bien que cette recommandation soit restée lettre morte depuis 2003. - Aggravation d'un trouble dépressif en trouble bipolaire
Voir plus haut, le déclenchement d'épisodes maniaques, hypomaniaques ou mixtes par la sismothérapie. Ces épisodes peuvent être le début d'un trouble bipolaire chronique, s'ajoutant au trouble initialement traité par la sismothérapie. - Tolérance et dépendance
L'efficacité suppose un nombre indéfini de séances, à des niveaux d'intensité de plus en plus élevés à cause de l'élévation du seuil épileptogène en fonction du nombre de séances (1). On peut donc parler de "tolérance" au sens toxicologique du terme, à la sismothérapie.
La tolérance étant l'un des critères de la dépendance, il serait judicieux de déterminer dans quelle mesure les personnes se disant satisfaites sur le long terme d'un traitement par sismothérapie, sont ou non rendues dépendantes à ce traitement.
De plus, une tolérance ou accoutumance ne signifie pas que les effets négatifs suivent cette tolérance. Par exemple la tolérance à l'alcool permet de boire toujours d'avantage avant d'atteindre le seuil d'ivresse, mais ne diminue pas les effets négatifs sur le foie, le cerveau, le métabolisme. Il peut en être de même pour la sismothérapie.
Là aussi, l'absence d'études ne permet pas de connaître précisément les effets de l'accumulation des séances, de la tolérance, et le degré de dépendance installé.
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Le dilemme est présenté involontairement par une patiente choisie par l'HP de Ste Marguerite, et qui s'exprime ainsi : "Jusque là j'avais été dans quelque chose de terrible (...) J'ai été hospitalisée pendant 11 mois, j'étais vraiment dans un état terrible, dont je n'ai pas trop le souvenir"
(25) Source : Vidéo de promotion de la sismothérapie, par l'hôpital Sainte-Marguerite de Marseille, 2012
(26) Lisanby SH. Electroconvulsive therapy for depression. N Engl J Med 2007;357:1939-45
(27) Electroconvulsive therapy: The struggles in the decision-making process and the aftermath of treatment (Smith et al., 2009)
(27b) voir aussi Caractéristiques et évaluation des altérations mnésiques objectives et subjectives lors d’un traitement par
électroconvulsivothérapie d’entretien, Libert, 2015
Comparaisons internationales
Les statistiques sont extrêmement rares sur ce sujet, quel que soit le pays. Nous donnons sous toutes réserves les chiffres retrouvés dans plusieurs sources de données, pour quelques pays.
Le nombre annuel de séances de sismothérapie généralement estimé est de 200 000 au Royaume-Uni, 70 000 en France, 100 000 aux États-Unis, 30 000 en Allemagne. Ceci fait de la France le deuxième pays en terme de fréquence par habitant, avec trois fois plus de séances par habitant qu'aux USA et qu'en Allemagne. L'électroconvulsivothérapie est bannie notamment en Islande et en Slovénie, et dans certains cantons Suisses dont celui de Genève.
Le nombre de personnes "bénéficiant" d'ECT est difficile à établir, car le nombre annuel de séances par personne est très variable, et rarement publié. En considérant une moyenne de 8 séances par patient, chaque année le nombre de personnes subissant une électroconvulsivothérapie serait d’environ 9000 en France, et de 12500 aux USA.
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Nombre d'électrochocs par an pour 1000 habitants