Insomnie ou hypersomnie liée à un autre trouble mental
Texte intégral, DSM-IV-TR.
Sommaire
- Caractéristiques diagnostiques
- Procédures d'enregistrement
- Caractéristiques et troubles associés
- Examens complémentaires
- Examen physique et affections médicales générales associées
- Caractéristiques liées à la culture, à l'âge et au sexe
- Prévalence
- Évolution
- Diagnostic différentiel
- Correspondance avec la CIM-10
- Correspondance avec la CITS
Caractéristiques diagnostiques
Les caractéristiques essentielles de l'insomnie liée à un autre trouble mental et de l'hypersomnie liée à un autre trouble mental sont la présence d'insomnie ou d'hypersomnie considérée comme temporellement et étiologiquement liée à un autre trouble mental. L'insomnie ou l'hypersomnie liée aux effets physiologiques directs d'une substance n'est pas incluse ici et doit être diagnostiquée comme trouble du sommeil induit par une substance.
Critère A
L'insomnie liée à un autre trouble mental se caractérise par une plainte, d'une durée d'au moins un mois, de difficultés d'endormissement, d'éveils nocturnes fréquents ou de sensation marquée de sommeil non réparateur, entraînant une fatigue diurne ou une altération du fonctionnement diurne.L'hypersomnie liée à un autre trouble mental se caractérise par une plainte, d'une durée d'au moins un mois, soit d'épisodes de sommeil nocturne prolongés soit d'épisodes de sommeil diurne répétés.
Critère B
Dans l'insomnie et l'hypersomnie liées à un autre trouble mental, les symptômes en rapport avec le sommeil sont à l'origine d'une souffrance significative ou interfèrent nettement avec d'importants domaines du fonctionnement personnel comme la profession ou les activités sociales.Critère C
L'insomnie ou l'hypersomnie n'est pas mieux expliquée par un autre trouble du sommeil (p. ex., narcolepsie, trouble du sommeil lié à la respiration, parasomnie)Critère D
L'hypersomnie n'est pas mieux expliquée par une quantité insuffisante de sommeil.Critère E
La perturbation du sommeil ne peut pas être due aux effets physiologiques directs d'une substance (p. ex., une substance donnant lieu à abus, un médicament) ou d'une affection médicale générale.Les perturbations du sommeil sont couramment retrouvées clans les autres troubles mentaux. Un diagnostic additionnel d'insomnie ou d'hypersomnie liée à un autre trouble mental n'est posé que si la perturbation du sommeil est la plainte principale et est suffisamment sévère pour justifier par elle-même un examen clinique.
Les individus présentant cette forme d'insomnie ou d'hypersomnie se focalisent habituellement sur leur perturbation du sommeil et ne mentionnent pas spontanément des symptômes caractéristiques du trouble mental concerné ; ces symptômes ne deviennent apparents qu'après un interrogatoire spécifique prolongé. Souvent, ils attribuent à leur mauvais sommeil les symptômes liés au trouble mental.
Dans de nombreux troubles mentaux, l'insomnie ou l'hypersomnie peut, à un certain moment, se révéler être le symptôme prédominant. Les individus présentant un trouble dépressif majeur se plaignent souvent de difficultés d'endormissement, de sommeil interrompu, ou de réveils matinaux précoces sans possibilité de réendormissement.
L'hypersomnie liée à un trouble de l'humeur est le plus souvent associée à un trouble bipolaire, épisode le plus récent dépressif ou à un épisode dépressif majeur avec caractéristiques atypiques.
Les individus présentant une anxiété généralisée rapportent souvent des difficultés d'endormissement et peuvent se réveiller au milieu de la nuit avec des ruminations anxieuses.
Certains individus présentant un trouble panique éprouvent des attaques de panique nocturnes qui peuvent provoquer une insomnie.
Fréquemment, on rencontre une insomnie significative durant les périodes d'exacerbation de la schizophrénie ou d'autres troubles psychotiques mais elle n'est que rarement la plainte principale.
Les troubles de l'adaptation, les troubles somatoformes et les troubles de la personnalité sont d'autres troubles mentaux qui peuvent être liés à une insomnie.
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Procédures d'enregistrement
Sur l'Axe I, le nom du diagnostic débute avec le type de perturbation du sommeil (c.-à-d. insomnie ou hypersomnie) suivi du nom du trouble de l'Axe I ou de l'Axe II lié à la perturbation du sommeil (p. ex., F51.0 [307.42] Insomnie liée à un trouble dépressif majeur). Le nom du trouble spécifique lié à la perturbation du sommeil doit également être enregistré, selon le cas, sur l'Axe I ou sur l'Axe II.
Caractéristiques et troubles associés
Les critères du trouble mental associé étant par définition remplis, l'insomnie ou l'hypersomnie liée à un autre trouble mental comprend les particularités et caractéristiques du trouble mental concerné.
Les individus présentant une insomnie liée à un autre trouble mental peuvent montrer le même type d'éveils conditionnés et de conditionnement négatif que ceux rencontrés dans l'insomnie primaire. Par exemple, ils peuvent signaler une augmentation de l'anxiété lorsque l'heure du coucher approche, une amélioration de leur sommeil en dehors de leur environnement habituel et une tendance à passer trop de temps au lit. On peut aussi retrouver une histoire de traitements médicamenteux multiples ou inappropriés pour leurs plaintes d'insomnie.
Les individus présentant une hypersomnie liée à un autre trouble mental attireront l'attention sur des symptômes de fatigue, de « membres en plomb » ou de manque complet d'énergie. Un interrogatoire fouillé peut montrer que ces individus sont plus handicapés par ces symptômes liés à la fatigue que par une somnolence réelle. A l'anamnèse, on peut aussi retrouver une histoire d'utilisation inappropriée de médicaments stimulants ou de caféine.
Examens complémentaires
A la polysomnographie, les particularités (non diagnostiques) de l'épisode dépressif majeur comprennent
1) un trouble de la continuité du sommeil tel qu'une latence d'endormissement prolongée, une augmentation des éveils intermittents et un réveil matinal précoce,
2) une diminution des stades 3 (sommeil à ondes lentes) et du sommeil non-paradoxal comprenant un décalage de l'activité lente de la première période du sommeil non-paradoxal vers les périodes suivantes,
3) un raccourcissement de la latence du sommeil paradoxal (c.-à-d. une première période de sommeil non-paradoxal écourtée),
4) une augmentation de la densité phasique du sommeil paradoxal (c.à.d, du nombre de mouvements oculaires rapides pendant le sommeil paradoxal),
5) une augmentation de la durée du sommeil paradoxal en début de nuit.
Dans l'épisode dépressif majeur, les anomalies du sommeil sont manifestes chez 40 à 60 % des patients ambulatoires et chez jusqu'à 90 % des patients hospitalisés. Il existe des éléments déterminants suggérant que la plupart de ces anomalies persistent après la rémission clinique et peuvent précéder la survenue d'un épisode dépressif majeur.
Les caractéristiques polysomnographiques de l'épisode maniaque sont semblables à celles de l'épisode dépressif majeur.
Dans la schizophrénie, le sommeil paradoxal est diminué au début de l'évolution d'une poussée aiguë de la maladie, et revient progressivement à des valeurs normales en fonction de l'amélioration clinique. La latence du sommeil paradoxal peut être raccourcie. Le temps total de sommeil est souvent fortement écourté dans la schizophrénie et le sommeil à oncles lentes est typiquement diminué lors des périodes d'exacerbation.
Les individus présentant un trouble panique peuvent montrer des éveils paroxystiques lors des entrées en stade 3 et 4 du sommeil non-paradoxal ; ces éveils sont accompagnés de tachycardie, d'augmentation du rythme respiratoire et de symptômes cognitifs et émotionnels propres aux attaques de panique.
La plupart des autres troubles mentaux provoquent des perturbations non spécifiques du sommeil (p. ex., une augmentation de la latence d'endormissement ou de nombreux éveils).
L'évaluation de la somnolence diurne en laboratoire de sommeil par le test itératif d'endormissement montre souvent, chez les individus présentant de l'hypersomnie liée à un autre trouble mental, une somnolence physiologique normale ou légèrement augmentée en comparaison avec les individus présentant de l'hypersomnie primaire ou de la narcolepsie.
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Examen physique et affections médicales générales associées
Les individus présentant une insomnie ou une hypersomnie liée à un autre trouble mental peuvent apparaître las, fatigués ou hagards lors d'un examen de routine. Les éventuelles affections médicales générales associées à ces troubles du sommeil sont celles sous-jacentes aux troubles mentaux concernés.
Caractéristiques liées à la culture, à l'âge et au sexe
Dans certaines cultures, les plaintes de sommeil sont considérées comme moins gênantes que celles évoquant un trouble mental. De ce fait, les individus provenant d'un certain milieu culturel rapportent plus facilement des plaintes d'insomnie ou d'hypersomnie que d'autres symptômes comme la dépression ou l'anxiété.
Par rapport aux adultes, les enfants et les adolescents présentant un trouble dépressif majeur éprouvent habituellement moins de perturbations du sommeil et montrent moins d'anomalies polysomnographiques. En général, l'hypersomnie est une caractéristique des troubles dépressifs des adolescents ou des jeunes adultes et l'insomnie est plus commune chez le sujet âgé.
Les troubles du sommeil liés à un autre trouble mental sont plus fréquents chez la femme. Cette différence entre les sexes est probablement plus liée à la plus grande prévalence des troubles de l'humeur ou des troubles anxieux chez la femme, qu'à une différence particulière de susceptibilité à présenter des problèmes de sommeil.
Prévalence
Les problèmes de sommeil sont extrêmement répandus dans tous les types de troubles mentaux, mais nous ne possédons pas d'estimations précises pour les individus consultant principalement pour altération du sommeil.
Le diagnostic le plus fréquemment posé (dans 35 à 50 % des cas) chez des individus présentant une insomnie chronique vus dans un centre spécialisé dans les troubles du sommeil, est celui d'insomnie liée à un autre trouble mental.
L'hypersomnie liée à un autre trouble mental est un diagnostic moins souvent posé (moins de 5 % des cas) parmi les individus vus pour hypersomnie dans un centre spécialisé dans les troubles du sommeil.
Évolution
L'évolution du trouble du sommeil lié à un autre trouble mental suit en général celle du trouble mental sous-jacent. La perturbation du sommeil peut être l'un des symptômes précoces apparaissant chez l'individu qui développera subséquemment un trouble mental associé.
Ordinairement, les symptômes d'insomnie ou d'hypersomnie fluctuent considérablement clans le temps. Pour beaucoup d'individus présentant une dépression, particulièrement ceux traités par des médicaments, la perturbation du sommeil peut s'améliorer rapidement, et souvent plus promptement que les autres symptômes du trouble mental sous-jacent. Néanmoins, d'autres individus présentent une insomnie intermittente ou persistante, même après résolution des autres symptômes de leur trouble dépressif majeur.
Les individus présentant un trouble bipolaire montrent des symptômes en rapport avec le sommeil, distincts suivant la nature de l'épisode. Pendant l'épisode maniaque, les individus éprouvent de l'hyposomnie, bien qu'ils ne se plaignent que rarement de leur incapacité à trouver le sommeil. D'un autre côté, lors des épisodes dépressifs majeurs, ces individus peuvent éprouver une importante souffrance en raison de leur hypersomnie.
Les individus présentant des troubles psychotiques peuvent montrer une aggravation notable de leur sommeil en début d'évolution d'une exacerbation aiguë, mais rapportent une amélioration dès l'atténuation des symptômes psychotiques.
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Diagnostic différentiel
On ne doit pas faire le diagnostic d'insomnie ou d'hypersomnie liée à un autre trouble mental chez chaque individu présentant un trouble mental accompagné de symptômes en rapport avec le sommeil. Un diagnostic d'insomnie ou d'hypersomnie liée à un autre trouble mental doit être porté que si les symptômes en rapport avec le sommeil sont sévères et justifient par eux-mêmes un examen clinique.
Un diagnostic distinct de trouble du sommeil ne se justifie pas pour la plupart des individus présentant un trouble dépressif majeur rapportant des difficultés d'endormissement ou de maintien du sommeil en milieu de nuit. Toutefois, lorsque les plaintes principales concernent des perturbations du sommeil ou si l'insomnie est une plainte disproportionnée par rapport aux autres symptômes, un diagnostic additionnel d'insomnie liée à un autre trouble mental peut être justifié.
Distinguer l'insomnie primaire ou l'hypersomnie primaire de l'insomnie ou de l'hypersomnie liée à un autre trouble mental peut être particulièrement ardu chez l'individu présentant à la fois, et de façon cliniquement significative, une perturbation du sommeil et d'autres symptômes d'un trouble mental. Le diagnostic d'insomnie ou d'hypersomnie liée à un autre trouble mental repose sur trois appréciations.
- Premièrement, l'insomnie ou l'hypersomnie est jugée comme attribuable au trouble mental (p. ex., l'insomnie ou l'hypersomnie survient exclusivement au cours de l'évolution d'un trouble mental).
- Deuxièmement, l'insomnie ou l'hypersomnie doit être la plainte principale et elle est suffisamment sévère pour justifier par elle-même un examen clinique.
- Troisièmement, la symptomatologie doit répondre entièrement aux critères d'un autre trouble mental.
Un diagnostic d'insomnie primaire ou d'hypersomnie primaire est approprié lorsque (c'est souvent le cas) l'insomnie ou l'hypersomnie est accompagnée de symptômes (p. ex., anxiété, humeur dépressive) ne remplissant pas les critères d'un trouble mental spécifique. Un diagnostic d'insomnie primaire est aussi approprié pour les individus présentant une insomnie chronique et qui développent ultérieurement un trouble anxieux ou un trouble de l'humeur. Lorsque les symptômes d'insomnie ou d'hypersomnie persistent longtemps après la disparition des autres symptômes du trouble mental concerné, le diagnostic d'insomnie ou d'hypersomnie liée à un autre trouble mental doit être remplacé par celui d'insomnie primaire ou d'hypersomnie primaire.
On ne fait pas le diagnostic d'insomnie ou d'hypersomnie liée à un autre trouble mental si le tableau clinique est mieux expliqué par un autre trouble du sommeil (p. ex., narcolepsie, trouble du sommeil lié à la respiration, parasomnie).
L'insomnie ou l'hypersomnie liée à un autre trouble mental doit être distinguée d'un trouble du sommeil dû à une affection médicale générale. Le diagnostic de trouble du sommeil dû à une affection médicale générale doit être posé lorsque la perturbation du sommeil parait liée aux effets physiologiques directs d'une affection médicale générale (p. ex., phéochromocytome, hyperthyroïdie). Cette décision repose sur l'histoire de la maladie, les examens de laboratoire ou l'examen physique.
Un trouble du sommeil induit par une substance se distingue de l'insomnie ou de l'hypersomnie liée à un autre trouble mental par le fait qu'une substance (c.-à-d. une substance donnant lieu à abus, un médicament) est jugée étiologiquement liée à la perturbation du sommeil. Par exemple, l'insomnie survenant uniquement dans un contexte d'une consommation élevée de café sera diagnostiquée trouble du sommeil induit par la caféine, type insomnie.
L'insomnie ou l'hypersomnie liée à un autre trouble mental doit être différenciée des autres troubles du sommeil mais aussi du sommeil normal. Bien que des plaintes occasionnelles d'insomnie ou d'hypersomnie soient courantes dans la population générale, elles ne sont pas habituellement accompagnées de symptômes évoquant un trouble mental. Les perturbations transitoires du sommeil sont des réactions banales face aux événements de vie stressants et, en général, ne justifient pas de diagnostic.
Un diagnostic distinct d'insomnie ou d'hypersomnie liée à un trouble de l'adaptation peut être envisagé seulement dans les cas où la perturbation du sommeil est particulièrement sévère et prolongée.
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Correspondance avec les critères diagnostiques pour la recherche de la CIM-10
La CIM-10 ne prévoit pas de catégories séparées pour le trouble du sommeil liés à un autre trouble mental.
Correspondance avec la Classification Internationale des Troubles du Sommeil
La Classification Internationale des Troubles du Sommeil (CITS) comprend des diagnostics analogues pour les Troubles du sommeil liés à un autre trouble mental et répertorie spécifiquement les Psychoses, les Troubles de l'humeur, les Troubles anxieux, le Trouble panique et l'Alcoolisme.