Troubles mentaux dus à une affection médicale générale
Introduction
Texte intégral, DSM-IV-TR.
Un trouble mental dû à une affection médicale générale est caractérisé par la présence de symptômes psychiques considérés comme une conséquence physiologique directe d'une affection médicale générale. Le terme affection médicale générale se rapporte à des affections enregistrées sur l'Axe III et répertoriées, dans la CIM, en dehors du chapitre « Troubles mentaux » (voir l'annexe G pour une liste condensée de ces affections).
Comme cela a déjà été mentionné dans l'"Introduction" de ce manuel, le maintien d'une distinction entre trouble mental et affection médicale générale n'implique pas que ces deux entités soient conçues de façon fondamentalement différente, que les troubles mentaux soient sans rapport avec des facteurs ou des processus physiques ou biologiques, ou que les troubles physiques n'aient pas de relation avec des facteurs ou des processus comportementaux ou psychosociaux. La distinction entre troubles mentaux et affections médicales générales a pour but d'encourager les évaluations rigoureuses et de fournir un terme facilitant la communication entre les professionnels de santé. Cependant, en pratique clinique, on s'attend à ce qu'une terminologie plus spécifique soit utilisée pour identifier une affection spécifique particulière.
Dans le DSM-III-R, les troubles mentaux dus à une affection médicale générale et les troubles induits par une substance étaient regroupés dans la même section sous le terme « troubles organiques ». Cette distinction des troubles mentaux « organiques » en tant qu'entité séparée impliquait que des troubles mentaux « non organiques » ou « fonctionnels » pouvaient d'une certaine manière être sans rapport avec des facteurs ou des processus physiques ou biologiques. Le DSM-IV élimine le terme organique et distingue les troubles mentaux sans étiologie spécifiée de ceux dus à une affection médicale générale et de ceux induits par une substance. Le terme trouble mental primaire est utilisé pour indiquer les troubles mentaux non dus à une affection médicale générale et non induits par une substance.
Les critères de trois de ces troubles (c.-à-d., trouble catatonique dû à une affection médicale générale, modification de la personnalité due à une affection médicale générale et trouble mental non spécifié dû à une affection médicale générale) sont repris dans cette section. Les critères des autres affections citées ci-après se trouvent dans les sections du manuel en rapport avec la phénoménologie présentée. Le manuel a été conçu de cette façon pour que, lors du diagnostic différentiel, l'attention du clinicien soit attirée par ces troubles.
Delirium dû à une affection médicale générale
Démence due à une affection médicale
générale
Trouble amnésique dû à une affection médicale générale
Trouble psychotique dû à une affection médicale générale
trouble de l'humeur dû à une affection médicale générale
Trouble anxieux dû à une affection médicale générale
Dysfonction sexuelle due à une affection médicale générale
Trouble du sommeil dû à une affection médicale générale
Caractéristiques diagnostiques
Pour chaque trouble mental dû à une affection médicale générale, on retrouve les trois critères suivants :
- B. Mise en évidence, d'après l'histoire de la maladie, l'examen physique ou les examens complémentaires que la perturbation est une conséquence physiologique directe d'une affection médicale générale
L'application de ce critère requiert deux jugements indépendants : qu'une affection médicale générale soit présente (mise en évidence par l'histoire de la maladie, l'examen physique ou les examens complémentaires) et que la perturbation (p. ex., des symptômes thymiques, psychotiques ou anxieux) soit étiologiquement liée, par un mécanisme physiologique, à l'affection médicale générale.
On doit pouvoir déterminer si oui ou non la perturbation est ou n'est pas due aux effets physiologiques directs d'une affection médicale générale qui peut souvent prendre l'allure d'une fausse dichotomie, à savoir que l'affection médicale générale peut contribuer pour une part seulement mais non en totalité à l'étiologie de la perturbation. Dans tous les cas, bien qu'il n'existe pas de directives infaillibles pour décider du lien étiologique entre la perturbation et l'affection médicale générale, certains éléments peuvent orienter la prise de décision. Un élément est la notion d'une relation temporelle entre la survenue, l'exacerbation ou la rémission de l'affection médicale générale et celles du trouble mental (p. ex., des symptômes anxieux survenant chez un individu présentant un adénome parathyroïdien qui disparaissent après qu'une résection chirurgicale ait rétabli la calcémie à des valeurs normales).
Bien que des arguments en faveur d'une étroite relation temporelle soient très souvent utiles pour se faire une opinion de l'étiologie, il y a de nombreuses exceptions. Par exemple le Trouble psychotique dû à l'épilepsie peut apparaître de nombreuses années après la survenue de l'épilepsie. Ou bien des symptômes ou des signes cliniques d'un trouble mental peuvent être parmi les premières manifestations d'une maladie générale ou cérébrale en apparaissant des mois ou plus avant l'identification du processus pathologique sous-jacent (p. ex., l'humeur dépressive précédant les mouvements choréiformes de la maladie de Huntington). De plus, un trouble mental dû à une affection médicale générale peut être sensible à un traitement symptomatique même si l'affection médicale générale reste inchangée.
Un traitement centré sur l'affection médicale générale, qui réduit les symptômes de celle-ci en même temps que ceux de la perturbation mentale, peut apporter des arguments décisifs en faveur d'une relation de causalité.
Un autre élément important est la présence de caractéristiques atypiques d'un trouble mental primaire. L'exemple le plus courant concerne l'évolution ou l'âge de survenue (p. ex., l'apparition de symptômes de type schizophrénique pour la première fois à l'âge de 75 ans). On peut rencontrer des caractéristiques associées inhabituelles (p. ex., des hallucinations visuelles ou tactiles au cours d'un épisode de type dépression majeure), ou des caractéristiques diagnostiques d'une sévérité disproportionnée compte tenu de la présentation clinique générale (p. ex., une perte de poids de 25 kg chez un individu présentant des symptômes dépressifs légers doit faire suggérer la présence d'une affection médicale générale sous-jacente).
Le clinicien doit être particulièrement attentif à la présence de déficits cognitifs significatifs et sans commune mesure avec ceux typiquement rencontrés dans le trouble mental primaire.
Des descriptions dans la littérature en faveur d'une association bien établie ou fréquemment rencontrée entre une affection médicale générale et la phénoménologie d'un trouble mental spécifique peuvent être utiles pour l'évaluation d'un cas particulier. De telles études peuvent apporter des arguments en faveur d'un lien étiologique probable entre les symptômes psychiques et l'affection médicale générale (p. ex., une lésion localisée ou un mécanisme physiopathologique susceptible d'affecter le fonctionnement cérébral) et en faveur d'un taux de prévalence élevé de symptômes psychiques (c.-à-d., au-dessus du taux de base d'une population contrôle appropriée) chez les individus présentant cette affection médicale générale. Bien que ce type d'argument suggère un lien causal éventuel entre un trouble mental et une affection médicale générale particulière, il est insuffisant pour prendre une décision dans un cas individuel, parce que les recherches cliniques reflètent des moyennes estimées à partir de groupes d'individus, alors que le clinicien cherche à prendre une décision qui concerne un seul individu. Le texte accompagnant la description de chaque trouble mental spécifique dû à une affection médicale générale comprend une liste de certaines affections médicales pouvant être associés, d'après la littérature, au trouble.
C. La perturbation n'est pas mieux expliquée par un autre trouble mental
Lorsque l'on pose un diagnostic de trouble mental dû à une affection médicale générale, il est nécessaire d'exclure un trouble mental primaire ou
induits par une substance
Exclure un trouble mental primaire est souvent difficile parce que les individus présentant un trouble mental primaire ont fréquemment une affection médicale générale concomitante mais sans que cette dernière ne cause les symptômes psychiques par un mécanisme physiologique direct. Une série d'autres relations entre un trouble mental et une affection médicale générale peuvent exister : l'affection médicale générale peut exacerber les symptômes ou compliquer le traitement d'un trouble mental, les deux peuvent être liés sans intervention d'un mécanisme physiologique direct ; ou leur coexistence peut être fortuite. Par exemple, lorsque des symptômes dépressifs sont déclenchés par le stress psychosocial que constitue une affection médicale générale plutôt que par ses effets physiologiques directs, le diagnostic doit être trouble dépressif majeur ou trouble de l'adaptation avec humeur dépressive. Chez un individu présentant des symptômes dépressifs concomitants d'une affection médicale générale, la mise en évidence de nombreux épisodes dépressifs majeurs antérieurs ou d'antécédents familiaux de dépression doivent faire suggérer un diagnostic de trouble dépressif majeur plutôt que celui de trouble de l'humeur dû à une affection médicale générale. Enfin, le clinicien doit également vérifier si les symptômes psychiques sont dus à une substance donnant lieu à abus, un médicament ou l'exposition à une substance toxique. Cela est particulièrement important car beaucoup d'individus présentant une affection médicale générale prennent des médicaments susceptibles de provoquer un trouble mental induit par une substance.
D. La perturbation ne survient pas exclusivement au cours d'un delirium
Si les symptômes (p. ex., symptômes thymiques, psychotiques ou anxieux) surviennent exclusivement pendant des périodes de delirium, ils sont considérés comme des caractéristiques associées au delirium et ne justifient pas un diagnostic distinct. Ces affections (p. ex., trouble de l'humeur dû à une affection médicale générale) ne peuvent être diagnostiquées séparément que si elles surviennent en dehors d'un delirium.
Procédures d'enregistrement
Pour enregistrer le diagnostic de trouble mental dû à une affection médicale générale, le clinicien doit indiquer sur l'Axe I à la fois le type de perturbation mentale et l'affection médicale générale causale (p. ex., F06.32 [293.831 Trouble de l'humeur dû à une hypothyroïdie, avec des caractéristiques dépressives). Par ailleurs, le code CIM-10 [CIM-9-MC1] pour l'affection médicale générale doit être enregistré sur l'Axe III (p. ex., E03.9 1244.91 hypothyroïdie).
Quand le clinicien estime que les symptômes psychiques ne sont pas dus aux effets physiologiques directs de l'affection médicale générale, le trouble mental primaire doit être enregistré sur l'Axe I et l'affection médicale générale sur l'Axe III. (Voir l'annexe G pour une sélection des codes diagnostiques CIM-9-MC des affections médicales générales.)
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Diagnostic différentiel
Un trouble mental dû à une affection médicale générale se distingue d'un trouble mental primaire par les critères présentés plus haut sous « Caractéristiques diagnostiques ». Lorsque les symptômes d'un trouble mental et ceux d'une affection médicale générale coexistent, il est particulièrement important de déterminer s'il existe une relation étiologique entre les deux et si cette relation implique un lien physiologique direct (dans ce cas, on doit faire un diagnostic de trouble mental dû à une affection médicale générale) ou un autre mécanisme (dans ce cas, on doit faire un diagnostic de trouble mental primaire).
Dans certains cas, le développement d'une affection médicale générale ou la présence d'une incapacité associée peut précipiter ou exacerber un trouble mental, sans que cela n'implique un mécanisme physiologique connu (p. ex., l'incapacité associée à une ostéoarthrite peut jouer un rôle dans l'apparition de symptômes dépressifs ou d'un épisode dépressif majeur sans qu'il y ait de mécanisme physiologique connu sous-tendant une relation étiologique entre l'arthrite et les symptômes dépressifs). Dans cette situation, le trouble mental primaire (c.-a-d., trouble de l'adaptation ou trouble dépressif majeur) doit être noté sur l'Axe I et l'affection médicale générale (c.-à-d., l'ostéoarthrite) sur l'Axe III.
Un trouble mental dû à une affection médicale générale doit aussi être distingué d'un trouble lié à une substance. S'il y a des éléments en faveur d'une utilisation récente ou prolongée d'une substance (y compris les médicaments ayant des effets psychoactifs), d'un sevrage à une substance, ou d'une exposition à une substance toxique, un diagnostic de trouble induit par une substance doit être considéré. Il peut être utile de faire un dépistage urinaire ou sanguin ou un autre examen complémentaire approprié. Les symptômes survenant pendant ou juste après (c.-à-d., dans les 4 semaines) une intoxication significative ou un sevrage à une substance ou à un médicament peuvent être particulièrement indicatifs d'un trouble induit par une substance, et ceci en fonction du type ou de la quantité de substance ou de sa durée d'utilisation.
Un delirium, une démence, des symptômes psychotiques, thymique, anxieux ou en rapport avec le sommeil ainsi qu'un dysfonctionnement sexuel peuvent être dus aux effets combinés d'une affection médicale générale et de l'utilisation d'une substance (y compris certains médicaments). Dans ces situations les deux diagnostics doivent être posés (p. ex., trouble de l'humeur dû à une affection médicale générale et trouble de l' humeur induit par une substance). S'il n'est pas possible de préciser si les symptômes psychiques sont causés par une substance ou une affection médicale générale on doit utiliser la catégorie non spécifiée (voir ci-après).
La présentation clinique d'un trouble mental dû à une affection médicale générale comprend souvent un mélange de symptômes (p. ex., thymiques et anxieux). Dans ce cas, il est préférable, en général, d'attribuer un seul diagnostic en fonction du symptôme prédominant. Dans certaines situations il est impossible de déterminer si les symptômes psychiques sont primaires, dus à une affection médicale générale ou induits par une substance. Dans ce cas, on doit utiliser la catégorie non spécifiée.
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